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sur les présents qu'il doit faire à Galatée. Le berger de Virgile promet deux petits chevreaux; le cyclope, qui compte plus sur ses richesses que sur sa beauté, offre douze chèvres pleines et quatre petits.

Gessner, dans sa première idylle, a cherché à imiter Théocrite et Virgile; mais il a trop prodigué les petits détails dans ses descriptions: Milon parle du lierre qui tapisse sa grotte, des courges qui en ferment l'entrée aux rayons du jour, des ronces au fruit noir, de l'eau qui coule sur le cresson etc. La bergère Chloé sourit à cette énumération fastidieuse; elle daigne se rendre aux voeux du berger qui lui parle longuement des courges, du lierre, du cresson, de la fleur d'épine, au lieu de lui parler de son amour : ce qui prouve qu'elle a peu de goût. Le principal défaut de Gessner est d'entasser ainsi les détails dans ses tableaux.

(7) Page 88, VERS 4.

Jam pridem à me illos abducere Thestylis orat;
Et faciet, quoniam sordent tibi munera nostra.

Le verbe faciet, à la troisième personne, exprime une idée délicate; le berger n'ose dire qu'il mènera lui-même ses chevreaux à Thestylis.

Ce passage nous offre une occasion de faire remarquer la délicatesse et le ton du sentiment qui règnent dans toute cette églogue. Le berger n'ose point juger ses richesses et ses dons par lui-même ; il invoque toujours des suffrages étrangers pour se faire valoir : il appelle ici le témoignage de Thestylis; lorsqu'il parle des airs qu'il chante, ce sont les airs favoris d'Amphion; quand il parle de sa flûte, c'est celle que Damète lui a laissée en mourant, et qui a fait envie à Amyntas; pour relever la gloire des champs qu'il habite, il dit que les dieux ont aussi habité les campagnes ; s'il offre des pommes à Alexis, il a soin de rappeler qu'Amaryllis les aimait.

Corydon fait entendre par là qu'il est cher aux dieux et aux bergers, et qu'il n'est point indifférent à plusieurs ber

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gères; il va même jusqu'à regretter Amaryllis. Il cherche à exciter la jalousie d'Alexis; tous les moyens d'inspirer de l'amour sont employés, et cette églogue peut être regardée comme un art d'aimer à l'usage des bergeries.

Segrais, dans sa première églogue, a profité heureusement des idées de Virgile:

Je ne m'en dédis point; je n'aimerai que vous:
Mais Iris m'assurait d'un empire plus doux,
Et je me sens si las de votre tyrannie,
Que j'ai presque regret à la fière Uranie;
J'ai regret à Phyllis, encor qu'elle aime mieux
L'indiscret Alidor, la honte de ces lieux,

Qu'elle soit mille fois plus changeante que l'onde,
Qu'elle soit brune encore, et que vous soyez blonde. etc.

(8) Page 88, vers 6.

Tibi lilia plenis

Ecce ferunt nymphæ calathis; tibi candida Naïs,

Pallentes violas et summa papavera carpens,
Narcissum et florem jungit benè olentis anetli;

Tùm, casiâ atque aliis intexens suavibus herbis,
Mollia luteolâ pingit vaccinia calthà.

Polyphème dit qu'il offrira à Galatée des lis et des pavots ; le tableau de Virgile est beaucoup plus gracieux. Ce n'est pas Corydon qui offrira des lis; ce sont les nymphes; c'est la blanche Naïs qui présentera les pâles violettes et les pavots superbes. Ecce montre la chose comme déjà présente; on voit s'avancer les nymphes avec leurs corbeilles et la belle Naïs avec ses bouquets. L'épithète candida, donnée à Naïs, présente une charmante image, et semble confondre la nymphe avec les autres fleurs. Ces mots summa papavera, expriment heureusement la légèreté des pavots; carpens, est un son plus ferme, et rend bien l'action du fer qui tranche la tige des fleurs. Ce vers un peu entortillé, tùm, casiâ atque aliis intexens, etc., rend à merveille l'action de tresser les guirlandes. Quelle grâce et quelle mollesse dans celui-ci : Mollia luteolá pingit, etc.

Rien n'est plus harmonieux que cette poésie: par le son des mots, indépendamment du charme de la pensée, elle exprime tout ce que la musique se vante d'exprimer; et, si la langue de Virgile venait à s'oublier parmi les hommes, si le sens de ses paroles était perdu, il nous semble que les oreilles délicates en retrouveraient quelque chose dans cette harmonie imitative.

(9) PAGE 88, VERS 12.

Ipse ego cana legam tenerâ lanugine mala,
Castaneasque nuces.....

Corydon se met en scène lui-même ; il semble que sa voix devienne plus douce lorsqu'il parle de lui; ce vers, ipse ego cana, etc., est d'une douceur tout à fait persuasive.

Et vos, ô lauri, carpam, et te, proxima myrte.

L'apostrophe est d'autant plus heureuse, qu'elle fait assister le lecteur à cette scène aimable et gracieuse. Nous avons déjà vu les nymphes et la blanche Naïs; maintenant nous voyons le berger lui-même. Lorsqu'il exprimait les rigueurs d'Alexis, il était au milieu des forêts, exposé à l'ardeur brûlante du jour; mais il se prépare à le recevoir, il espère le fléchir, et son imagination devient plus riante à l'aspect de son bonheur; il est au milieu des fleurs, il leur adresse ses discours, il les met aux pieds de son idole. On ne saurait mieux rendre la passion et le sentiment. Théocrite n'a rien qui approche de ce passage.

(10) PAGE 90, VERS 24.

Torva leena lupum sequitur; lupus ipse capellam;
Florentem cytisum sequitur lasciva capella;

Te Corydon, ô Alexi! trahit sua quemque voluptas.

Cette compararaison du lion qui poursuit le loup, du loup qui suit la chèvre, de la chèvre qui cherche le cytise, avec un berger qui soupire après l'objet de ses amours, n'a pas le ton gracieux qui règne partout dans cette églogue ; ce langage aurait mieux convenu au géant Polyphème qu'à un berger

aimable et poli comme Corydon. Ovide, qui a imité ce passage, lui a donné peut-être plus de vérité, en lui donnant un

tout autre sens :

Sic agna lupum, sic cerva leonem.

Sic aquilam pennâ fugiunt trepidante columbæ :

Hostes quæque suos.

Virgile part de l'idée du lion et du loup pour arriver à une idée douce et voluptueuse : Ovide part au contraire de l'idée du loup et du lion, pour faire naître celle de la crainte. Cette marche nous paraît plus naturelle et plus conforme à la vérité. Ovide n'a pas souvent de pareils avantages sur Virgile.

(11) PAGE 96, VERS 6.

Ah! Corydon, Corydon, quæ te dementia cepit!

Cette exclamation est bien amenée. Le berger a épuisé tous les moyens de plaire; toutes ses espérances l'abandonnent ; c'est la dernière expression du désespoir. La répétition du mot Corydon, donne plus de vivacité et plus de pathétique à la douleur.

Corydon finit par songer à l'aveuglement de sa passion, et cette idée le ramène à ses occupations champêtres : l'idylle du Cyclope se termine de la même manière. L'abbé Batteux fait sur Polyphème une réflexion que nous appliquerons au berger de Virgile: il retrouve sa raison au milieu de ses plaintes, et prend une résolution sage, dont il est à la fois redevable au dépit, à la fierté et au bon sens. Ce n'est pas trop de ces trois motifs pour ramener les hommes.

On a dû voir par ces remarques, que Virgile a imité, dans cette églogue, beaucoup de choses de Théocrite : quelques morceaux ont peut-être plus de naturel dans le poëte grec; mais Virgile l'emporte presque partout par la perfection des détails. On est fâché seulement de voir, dans l'églogue latine, des amours que nous ne pouvons concevoir, et l'on s'étonne que les Grâces aient si bien inspiré un poëte qui a dédaigné de chanter leur sexe..

ECLOGA TERTIA.

MENALCAS, DAMOETAS, PALÆMON.

MENALCAS.

Dic mihi, Damota, cujum pecus? an Melibœi ?

DAMOETAS.

Non; verùm Ægonis: nuper mihi tradidit Ægon.

MENALCAS.

Infelix ô semper, oves, pecus! ipse Neæram
Dùm fovet, ac, ne me sibi præferat illa, veretur,
Hic alienus oves custos bis mulget in horâ ;
Et pecori succus, et lac subducitur agnis.

DAMOETAS.

Parciùs ista viris tamen objicienda memento.
Novimus et qui te.... transversa tuentibus hircis,
Et quo,
sed faciles nymphæ risêre, sacello.

MENALCAS.

Tùm, credo, cùm me arbustum vidêre Miconis, Atque malâ vites incidere falce novellas?

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