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Ön fçait qu'une vive & finguliére imagination à dicté la verfion du P. Catrou, où le fens du texte eft à chaque page expofé d'une façon familiére ou bifarre; où l'original même eft fort fouvent altéré dans fon texte placé vis-à-vis de la traduction. Car fans égard aux éditions de Nicolas Heinfius & de Mafvicius faites avec foin fur les Manufcrits les plus anciens & les plus autentiques, le P. Catrou prend fouvent la liberté de reformer les expreffions de Virgile en citant fauffement les manufcrits fur lefquels il s'appuye, & quelquefois n'en citant aucun, & de fon propre aveu ne confultant alors que fon goût particulier. Souvent, pour trouver dans le texte le fens qu'il imagine, il ajoute des mots & des phrafes entiéres dans fa traduction, & fupplée quelquefois jufqu'à trois à quatre lignes, qu'il a néanmoins l'attention de mettre d'un caractére différent : comme s'il y avoit des lacunes à remplir dans fon original. Il y a de l'efprit & des recherches dans fes notes. Mais il y en a un grand nombre qui ne font gueres judicieuses. La plupart fervent à étayer les fens faux qu'il donne à son Auteur. Ainfi

cés notes en général font moins faites pour le Poëte que pour le Traducteur. Tel eft le Virgile du P. Catrou, dont on a publié plufieurs Editions avant que la Traduction de l'Abbé de S. Remy eut paru.

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Celui-ci a écrit d'un ftyle plus fage, plus régulier & plus poli. Mais s'il ne rend jamais Virgile plat & ridicule, il le rend toujours froid & ennuyeux. Ce n'eft pas un poëme qu'il nous fait lire, c'eft un Roman infipide, une Hiftoire, ou quelquefois même une Gazette. Sa profe triste lourde & languiffante éteint tout le feu poëtique de fon original. C'eft prefque partout une paraphrafe fans génie fans goût, fans art, d'un ftyle foible & fouvent entortillé. Il eft communément affez fidéle au fond des penfées, mais il ne rend jamais les images ou les rend mal. Le P. Catrou fçavoit mieux le latin que l'Abbé de Saint Remy; mais celuici favoit un peu mieux le françois. On ne trouve donc ni termes populaires, ni phrases barbares ni expreffions comiques dans fa traduction; mais on y remarque quelques contre-fens, qui lui font échappés faute de capacité ou d'attention. Ses

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notes placées au bas des pages n'eclairciffent prefque aucun des endroits difficiles fes remarques mythologiques & géographiques font triviales ; il femble avoir épuifé toute fon érudition fur de petites étymologies grecques, qu'on trouve dans tous les Dictionnaires, & qui paroiffent ici très - fuperflues.

Comme la traduction du P. Fabre eft peu connue & que d'ailleurs ce Traducteur de Virgile eft encore vivant, je ne dirai rien de la médiocrité de fon Ouvrage, peu capable de former le goût de la jeuneffe. A l'égard de quelques autres Traducteurs de Virgile en entier ou en partie, ceux qui auront la curiofité de les connoître, pourront lire le fixiéme volume de la Bibliothéque Françoise de M. l'Abbé Goujet. Il eft inutile de faire mention d'une certaine Paraphrafe en manufcrit de l'Enéide, dont je n'ai vu que le premier Livre, qui eft d'un goût déteftable.

Si je parle ainfi de tout ceux qui m'ont précédé dans la carriére que je cours ce n'eft point dans la vue de profiter de leur ruine, ni de facrifier leur réputation à la mienne. Le caractére de leurs ouvrages a fait

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eft

naître le mien. S'ils ont réuffi, j'ai tort d'avoir travaillé après eux. En les faisant connoître, je me justifie. Quiconque travaille fur une matiére après plufieurs autres Ecrivains toujours cerfé ne les pas eftimer. C'est une politeffe affectée & une modeftie infipide, que de leur donner des éloges dans une humble Préface.

Toutes ces verfions, fans en excepter aucune, ont déshonnoré le Prince des Poëtes latins, dans l'efprit d'une infinité de perfonnes, incapables d'en juger immédiatement par elles-mêmes en le lifant dans fa langue. Aini , graces aux Traducteurs, la haute eftime de tous les gens de Lettres pour cet Auteur a peut-être paffé chez plufieurs pour un préjugé de Collége. Cependant celui qui entend & goûte le plus les vers de Virgile, convient avec l'ignorant que les Œuvres de cet Auteur ne font pas fupportables en françois ; mais il foutient en même tems que ce n'eft pas la faute de ce grand Poëte, plus heureux en Italie & en Angleterre par les traductions d'Annibal Caro & de M. Dryden.

Certainement Virgile ne cédera jaás

mais le rang fuprême qu'il tient parmi les Poëtes. Malgré l'ignorance & le mauvais goût, il est encore aujourd'hui, de l'aveu de tous ceux qui fe connoiffent en poëfie, le plus grand Auteur que le Pernaffe ait jamais produit. Pourquoi donc a-t-il paru jufqu'ici en françois fous de fi mauvais aufpices? Dira-t-on que notre idiome eft incapable d'exprimer fes pensées délicates ou fublimes d'approcher de la nobleffe & de la force de fes expreffions, & de rendre la magnificence de fes images? Mais notre langue eft-elle donc fi foible & fi indigente? Que d'excellens Ouvrages en tout genre n'avons-nous pas produits, de l'aveu des nations étrangères Elle a certainement de la force, de l'agrément, & de l'harmonie ; & les Romains du fiécle d'Augufte auroient accordé eux-mêmes leur eftime à nos célébres Orateurs & à nos fameux. Poëtes. Ce n'eft donc pas la faute de notre langue, fi nous n'avons pu jufqu'ici supporter en françois ce que nous admirons en latin. Il faut s'en prendre néceffairement à nos Traducteurs.

Dire que nous fommes aujourd'hui plus éclairés, plus délicats, plus inf

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