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imprimoit un caractère de noblesse à toutes ses actions, et par contre-coup aux idées et aux images qui les exprimoient ou qui en étoient

fréquentes, plus hardies; le passage d'une idée à l'autre sera plus brusque. Dans les climats moins chauds, l'imagination, plus tempérée, produira des ouvrages plus froids et plus corrects. Dans les pays plus froids encore, l'imagination laissant plus de flegme, on raisonnera mieux, et on parlera moins bien; on aura plus de profondeur que de saillie; la nation produira plus de philosophes que de poëtes; et ces poëtes seront plus profonds, plus penseurs, que ceux des

autres nations.

Cependant ce qu'on dit ici des pays froids ne convient pas à tous les peuples, aux Anglois, par exemple, dont les ouvrages ont une effervescence et une force d'imagination prodigieuses. C'est ce qui prouve l'influence du gouvernement sur le génie d'une nation, et, par contre-coup, sur celui de la langue. Dans un pays où tout le monde est libre, la langue est fière et précise. Dans les monarchies, où l'on dépend d'un prince à qui l'on doit du respect, et de supérieurs qu'on est forcé de ménager, la langue aura moins de fierté et de précision; elle aura de la délicatesse, de l'élégance, de la finesse, qui consiste à ne laisser entrevoir que la moitié de ce qu'on dit. Dans les pays despotiques, où l'esclave n'ose parler à son maître, la langue prendra un ton allégorique et mystérieux, et c'est là que naîtront les apologues et le style figuré.

Enfin, le degré de civilisation d'un peuple influe beaucoup sur sa langue. Les peuples barbares ont une langue très grossière, presque tous les verbes à l'infinitif; point de ces mots abstraits qui lient les idées, qui expriment les propriétés générales des corps, ou les notions purement spirituelles: enfin, le défaut d'idées amène la disette de mots.

dégrader leur style. On peut en dire autant d'une multitude d'idées et d'images qui n'étoient point ignobles, parceque le caractère de souveraineté dont le peuple étoit revêtu

plus justes ou moins exacts. Ce qui fait encore le génie des langues, c'est leur facilité ou difficulté à exprimer de certaines idées, leur richesse ou leur indigence, leur force ou leur foiblesse, leur précision ou leur prolixité. Mille causes peuvent varier leur génie ; plusieurs de celles qui varient les mots d'une langue varient son génie. Nous avons dit que dans telle langue il y auroit une foule de mots qui manqueroient à une autre; le genre de vie d'un peuple amène nécessairement une foule de mots qui lui seront particuliers. On remarquera tous les objets qui frapperont continuellement: on observera toutes leurs nuances, tous leurs genres toutes leurs espèces; on aura des synonymes: on observer toutes leurs qualités; on aura des adjectifs: on observe leurs différentes actions sur les corps; on aura des verl Les Arabes ont cent cinquante mots pour exprimer le lion, et trois cents pour exprimer le mot serpent.

Nous avons dit aussi que les mots d'une langue ser doux, que les autres seroient durs: cela détermine e le génie d'une langue. La première aura plus de fac exprimer des choses agréables et voluptueuses; la se des choses horribles et sombres. La peinture des jardi mide appartenoit à la langue italienne; celle de l'enf combat des anges ne convenoit guère qu'à la lan gloise.

Le génie d'une langue est encore déterminé pa la nation; et ce qui détermine le génie d'une nat d'abord le climat, ensuite le gouvernement. Dans du midi, l'imagination, plus vive, plus exaltée, objets d'une manière plus brillante; les images

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empruntées. Parmi nous, la barrière qui sépare les grands du peuple, a séparé leur langage; les préjugés ont avili les mots comme les hommes, et il y a eu, pour ainsi dire, des termes nobles et des termes roturiers. Une délicatesse superbe a donc rejeté une foule d'expressions et d'images. La langue, en devenant plus décente, est devenue plus pauvre; et comme les grands ont abandonné au peuple l'exercice des arts, ils lui ont aussi abandonné les termes qui peignent leurs opérations. De là la nécessité d'employer des circonlocutions timides, d'avoir recours à la lenteur des périphrases; enfin d'être long, de peur d'être bas; de sorte que le destin de notre langue ressemble assez à celui de ces gentilshommes ruinés, qui se condamnent à l'indigence de peur de déroger.

A la pauvreté s'est jointe la foiblesse. Le peuple met dans son langage cette franchise énergique qui peint avec force les sentiments et les sensations: le langage des grands est circonspect comme eux. Aussi dans tous les pays où le peuple donne le ton, on trouve dans les écrits des sentiments si profonds, si forts, si convulsifs, si j'ose m'exprimer ainsi, qu'il est impossible de les faire passer dans une langue qui exprime foiblement, parceque ceux qui donnent le ton sentent de même.

y dans ces langues des idées qui manquent absolument d'expressions. Les Romains, pour rendre l'action de faire du bien, avoient une foule de mots: nous n'avons que depuis peu celui de bienfaisance. N'est-ce pas encore parcequ'à Rome c'étoit le peuple qui fixoit la langue, et que parmi nous ce sont les grands?

Les mœurs n'influent pas moins sur la langue que le gouvernement. Les Romains se voyoient toujours en public, et pour ainsi dire en perspective: nous nous voyons de plus près et plus en détail. Dans leurs assemblées tumultueuses, l'effervescence de l'ambition, l'enthousiasme de la liberté, faisoient fermenter avec violence leurs passions; dans nos petites sociétés, l'envie de plaire, l'esprit de galanterie, les contraignent, les modifient, ou les masquent. Les grands ressorts de l'ame, les grands éclats des passions, voilà ce qu'ils ont dû peindre avec force: les nuances de ces mêmes passions, la délicatesse des sentiments, et les fibres les plus imperceptibles de l'ame; voilà ce que notre langue sait rendre avec finesse. Ils vivoient davantage dans les campagnes, et nous davantage dans les villes ; ils ont dû peindre mieux les objets physiques, et nous avons dû mieux exprimer les idées morales; ils ont eu des mots pour toutes les productions

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