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(60) L'univers ébranlé s'épouvante... le dieu...

Le texte dit:

Et mortalia corda

Per gentes humilis stravit pavor...

Pour peu qu'on soit sensible à la belle poésie, on sent l'effet de cette cadence suspendue. J'ai osé passer, pour la rendre, sur la règle de l'hémistiche: je crois que c'est dans ces occasions que les licences sont permises. On sera sans doute charmé de trouver ici une peinture admirable d'un orage, tirée du poëme des Saisons, par M. de Saint-Lambert.

On voit à l'horizon, de deux points opposés,
Des nuages monter dans les airs embrasés;
On les voit s'épaissir, s'élever, et s'étendre.

D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre;

Les flots en ont frémi, l'air en est ébranlé,
Et le long du vallon le feuillage a tremblé:
Les monts ont prolongé le lugubre murmure
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur,
Et la terre en silence attend dans la terreur.
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparoît tout-à-coup sous un voile grisâtre;
Le nuage élargi les couvre de ses flancs;
Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants.
Mais des traits enflammés ont sillonné la nue,
Et la foudre en grondant roule dans l'étendue;
Elle redouble, vole, éclate dans les airs:
Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs
En font sortir sans cesse un jour pâle et livide.
Du couchant ténébreux s'élance un vent rapide;
Il tourne sur la plaine, et, rasant les sillons,

Il roule un sable noir qu'il pousse en tourbillons.
Ce nuage nouveau, ce torrent de poussière,
Dérobe à la campagne un reste de lumière.

La peur, l'airain sonnant, dans nos temples sacrés
Font entrer à grands flots les peuples égarés.
Grand Dieu, vois à tes pieds leur foule consternée
T. II. GÉORG.

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Te demander le prix des travaux de l'année.
Hélas! d'un ciel en feu les globules glacés
Écrasent en tombant les épis renversés;
Le tonnerre et les vents déchirent les nuages;
Les ruisseaux en torrents dévastent leurs rivages.
O récolte! ô moissons! tout périt sans retour:
L'ouvrage de l'année est détruit dans un jour.

(61) Observe si Saturne est d'un heureux présage.

Il y a dans le texte :

Frigida Saturni sese quo stella receptet.

Ce qui peut avoir donné lieu à l'épithète frigida, c'est que Saturne est à une plus grande distance du Soleil, que les autres planètes. D'ailleurs les anciens le regardoient comme le dieu du froid, ainsi qu'on peut le voir par ce vers de Lucain,

Frigida Saturno glacies et zona nivalis

Cessit.

(62) Quand l'ombrage au printemps invite au doux sommeil.

Je ne sais si mon admiration pour Virgile ne me fait pas trop d'illusion; mais je trouve bien de l'adresse à avoir placé cette fête de Cérès immédiatement après la description d'un orage. Ces fêtes s'appeloient Ambarvalia, parceque la victime faisoit le tour des moissons, ambiret arva.

(63) Pour offrande du vin, et du lait, et du miel.

Si on veut voir combien ceux qui composent de gros livres font profit de tout, et combien ceux qui écrivent sur l'antiquité hasardent d'opinions peu fondées, on n'a qu'à lire le passage suivant du P. Montfaucon, dont l'ouvrage d'ailleurs est très estimable. Il s'agit de prouver que Cérès et Bacchus étoient adorés conjointement.

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Virgile marque aussi le culte des deux dans les Géorgi

«ques, où il parle des trois tours qu'on faisoit faire à la vic<< time autour des moissons avant que de l'immoler... Il met « Cérès et Bacchus ensemble, etc. » Cette assertion est fondée

sur ce vers:

Cui tu lacte favos et miti dilue Baccho...

Il est clair que Baccho signifie ici du vin, comme dans mille autres endroits; on délayoit le miel dans du lait et du vin. Il est vrai que Bacchus et Cérès partageoient souvent les honneurs du même sacrifice; mais ce passage ne le prouve assurément pas.

(64) Même avant que le fer dépouille les guérets,

Tous entonnent un hymne; et, couronné de chêne...

Virgile parle ici d'une autre fête qui précédoit les moissons. Un commentateur anglois (M. Holdsworth) dit avoir vu des paysans florentins danser et chanter dans le mois de juillet, la tête couronnée de feuilles de chêne. Horace fait naître la poésie en Italie des fêtes qui précédoient ou suivoient les moissons. (Lib. II, ep. 1, v. 139.)

(65) Déja l'arc éclatant qu'Iris trace dans l'air

Boit les feux du soleil et les eaux de la mer.

Les anciens croyoient que l'arc-en-ciel pompoit les eaux de la mer. On trouve parmi les poëtes plusieurs allusions à ce préjugé. Dans une comédie de Plaute, quelqu'un voyant boire une femme vieille et courbée, dit plaisamment :

Ecce autem bibit arcus: pluet, credo, hodie.

On croit communément aujourd'hui que l'arc-en-ciel présage tantôt la pluie et tantôt le beau temps. Il est à remarquer que Virgile a presque copié ce morceau de Varron et autres, et en particulier ce vers,

Aut arguta lacus circumvolitavit hirundo.

(66) Ni l'oiseau de Thétis...

L'alcyon. On peut lire dans les Métamorphoses d'Ovide celle d'Alcyon et de Céyx; liv. XI.

(67) Tantôt l'affreux Nisus, avide de vengeance.....

Nisus avoit un cheveu couleur de pourpre dont dépendoit le sort de ses états. Scylla sa fille, amoureuse de Minos, qui assiégeoit Nisus dans Mégare, lui coupa le cheveu fatal. Nisus fut métamorphosé en épervier, et Scylla en alouette. Depuis ce temps-là le père, pour se venger de sa fille, la poursuit dans les airs.

(68) Non que du ciel en eux la sagesse immortelle

D'un rayon prophétique ait mis quelque étincelle.

Il y a dans le texte :

Haud equidem credo quia sit divinitus illis
Ingenium, aut rerum fato prudentia major.

On a été fort partagé sur le sens de ces deux vers. Virgile veut dire, à ce qu'il me semble, non que les animaux aient une portion de l'ame divine (comme certains philosophes l'ont dit des abeilles ), ni que le destin, qui assigne à chaque être ses facultés, leur ait donné des connoissances supérieures: divinitus est opposé à fato.

(69) Le quatrième jour, (cet augure est certain)...

Il s'agit ici du quatrième jour de la lune. Virgile a suivi l'opinion des astronomes égyptiens, Quartam maxime observat Ægyptus.

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C'étoient des divinités de la mer. Glaucus, selon la fable, fut un berger qui, ayant pêché des poissons, les vit sauter dans la mer et lui échapper, parcequ'ils avoient touché une certaine herbe. Le berger surpris voulut goûter cette herbe; il sauta lui-même dans la mer, et devint dieu marin. Panope ou Panopée étoit fille de Nérée et de Doris, et par conséquent nymphe de la mer. Mélicerte fut le fils d'Ino, fille de Cadmus, et femme d'Athamas roi de Thèbes. Ino, selon la fable, se précipita dans la mer avec son fils; et l'un et l'autre ils devinrent dieux marins. Ino est le même que les Grecs appellent Leucothoé, et les latins Matuta. Les Grecs donnèrent aussi à Mélicerte le nom de Palamon, et les Latins celui de Portunus. (DESFONTAINES.)

(7) Quand César expira, plaignant notre misère...

Tous ces prodiges qui précédèrent ou suivirent la mort de César sont rapportés différemment par les différents historiens qui en ont parlé. On peut lire dans Ovide un récit de ces mêmes prodiges: son morceau ne peut soutenir la comparaison avec celui de Virgile. L'art de peindre par les sons, qui caractérise les grands poëtes, lui manque entièrement: Virgile, dans cet épisode, le porte au plus haut point.

(73) Combien de fois l'Etna, brisant ses arsenaux,

Parmi des rocs ardents, des flammes ondoyantes,
Vomit en bouillonnant ses entrailles brûlantes!

Il y a dans le texte liquefactaque volvere saxa. Le père Larue l'interprète par exesa, imminuta igne. C'est un contresens. Liquefacta saxa veut dire des rochers réellement fondus. L'académie de Naples, qui assurément ne peut que trop bien juger de la description d'un volcan, dans le compte qu'elle a publié de l'éruption du Vésuve, arrivée en 1737, applaudit justement à la justesse des expressions de Virgile, et relève durement la méprise du père Larue : Ex qui

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