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de ses nouvelles, mais ne causait jamais avec elle, si ce n'est de choses insignifiantes. La malheureuse s'éprenait de lui de plus en plus. Le vicaire était la seule personne de son rang qu'elle vît, s'il est permis de parler de la sorte. Ce jeune prêtre était avec cela une personne très attrayante. A la pudeur exquise que respirait tout son extérieur se joignait un air triste, résigné, discret. On sentait qu'il avait un cœur et des sens, mais qu'un principe plus élevé les dominait, ou plutôt que le cœur et les sens se transformaient chez lui en quelque chose de supérieur. Tu sais le charme infini de quelques-uns de nos bons ecclésiastiques bretons. Les femmes sentent cela bien vivement. Cet invincible attachement à un vou, qui est à sa manière un hommage à leur puissance, les enhardit, les attire, les flatte. Le prêtre devient pour elles un frère sûr, qui a dépouillé à cause d'elles son sexe et ses joies. De là un sentiment où se mêlent la confiance, la pitié, le regret, la reconnaissance. Mariez le prêtre, et vous détruirez un des éléments les plus nécessaires, une des nuances les plus dé

licates de notre société. La femme protestera; car il y a une chose à laquelle la femme tient encore plus qu'à être aimée, c'est qu'on attache de l'importance à l'amour. On ne flatte jamais plus la femme qu'en lui témoignant qu'on la craint. L'Église, en imposant pour premier devoir à ses ministres la chasteté, caresse la vanité féminine en ce qu'elle a de plus intime.

» La pauvre fille se prit ainsi pour le vicaire d'un amour profond, qui occupa bientôt son être tout entier. La vertueuse et mystique race à laquelle elle appartenait ne connaît pas la frénésie qui renverse les obstacles, et qui estime ne rien avoir si elle n'a pas tout. Oh! elle se fût contenté de bien peu de chose. Qu'il admit seulement son existence, elle eût été heureuse. Elle ne lui demandait pas un regard: une pensée eût suffi. Le vicaire était naturellement son confesseur; il n'y avait pas d'autre prêtre dans la paroisse. Les habitudes de la confession catholique, si belles mais si périlleuses, excitaient étrangement son imagination. Une fois par semaine, le samedi, c'était

une douceur inexprimable pour elle d'être une demi-heure seule avec lui, comme face à face avec Dieu, de le voir, de le sentir remplissant le rôle de Dieu, de respirer son haleine, de subir la douce humiliation de ses réprimandes, de lui dire ses pensées les plus intimes, ses scrupules, ses appréhensions. Il ne faut pas croire néanmoins qu'elle en abusât. Bien rarement une femme pieuse ose se servir de la confession pour une confidence d'amour. Elle y peut jouir beaucoup, elle risque de s'y abandonner à des sentiments qui ne sont pas sans danger; mais ce que de tels sentiments ont toujours d'un peu mystique est inconciliable avec l'horreur d'un sacrilège. En tout cas, notre pauvre fille était si timide, que la parole eût expiré sur ses lèvres. Sa passion était un feu silencieux, intime, dévorant. Avec cela, le voir tous les jours, plusieurs fois par jour, lui, beau, jeune, toujours occupé de fonctions majestueuses, officiant avec dignité au milieu d'un peuple incliné, ministre, juge et directeur de sa propre âme! C'en était trop. La tête de la malheureuse enfant n'y tint pas,

elle s'égarait. Des désordres de plus en plus graves se produisaient dans cette organisation forte et qui ne souffrait pas d'être déviée. Le vieux père attribuait à une certaine faiblesse d'esprit ce qui était le résultat des ravages intimes de rêves impossibles en un cœur que l'amour avait percé de part en part.

>> Comme un violent cours d'eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne, la pauvre fille, n'ayant aucun moyen de dire son amour à celui qu'elle aimait, se rabattait sur des riens : obtenir un instant son attention, ne pas être pour lui la première venue, être admise à lui rendre de petits services, pouvoir s'imaginer qu'elle lui était utile, cela lui suffisait. <«<Mon >> Dieu, qui sait? » pouvait-elle se dire, « il >>est homme après tout; peut-être au fond se >> sent-il touché et n'est-il retenu que par la >> discipline de son état...» Tous ces efforts rencontrèrent une barre de fer, un mur de glace. Le vicaire ne sortit pas d'une froideur absolue. Elle était la fille de l'homme qu'il respectait le plus; mais elle était une femme.

Oh! s'il l'avait évitée, s'il l'avait traitée durement, c'eût été pour elle un triomphe et la preuve qu'elle l'avait atteint au cœur; mais cette politesse toujours la même, cette résolution de ne pas voir les signes les plus évidents d'amour, étaient quelque chose de terrible. Il ne la reprenait pas, ne se cachait pas d'elle; il ne sortait pas du parti inébranlable qu'il avait pris de n'admettre son existence que comme une abstraction.

» Au bout de quelque temps, ce fut cruel. Repoussée, désespérée, la pauvre fille dépérissait, son œil s'égara, mais elle s'observait; au fond personne ne voyait son secret, elle se rongeait intérieurement. « Quoi!» se disait-elle,

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je ne pourrai arrêter un moment son re

gard? il ne m'accordera pas que j'existe? je » ne serai, quoi que je fasse, pour lui qu'une » ombre, qu'un fantôme, qu'une âme entre >> cent autres? Son amour, ce serait trop dé>> sirer; mais son attention, son regard?... Être son égale, lui si savant, si près de » Dieu, je n'y saurais prétendre; être mère » par lui, oh! ce serait un sacrilège; mais être

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