ODE SUR LA SITUATION DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, DURANT LA DÉMAGOGIE DE ROBESPIERRE ET DE SES COMPLICES. (Prairial, l'an II de la République. — Juin 1794.) VAISSEAU de l'État, fais un dernier effort: Vaisseau, battu par les orages, Tes mâts sont renversés; viens regagner le port: Ces rochers, qu'habite la mort, Sont témoins d'assez de naufrages. Vois-tu, le fer en main, le meurtre dans les yeux, Grandir l'anarchie aux cent têtes? Ainsi du sein des mers, s'élevant jusqu'aux cieux, Jaillit le géant furieux Lorsque, précipités par la fureur de l'or, Souillant de leur empire une onde vierge encor, Sur l'Océan d'Adamastor Faisaient voguer la tyrannie. O de nos jours de sang quel opprobre éternel! Céthégus est juge, et prononce! Des forfaits autrefois les vils machinateurs Ils siégent maintenant au rang des sénateurs; Ne sont plus aiguisés dans l'ombre. Le génie indigné baisse un front abattu Du nom de liberté le meurtre est revêtu; Se tait devant celle du crime. Le délateur vendu, pour prix de ses poisons, Baigne dans l'or ses mains avides; Et des Pères conscrits les respectables noms Des Marius et des Carbons Couvrent les tables homicides. Le peuple est aveuglé par ses vils ennemis ; Viens, Septimuléius, viens, meurtrier soumis, Liberté des Français, que d'infâmes complots Un monstre a dévoré nos fruits à peine éclos; Si purs, si brillans à leur source. Sur ton front, jeune encor, dieux! quel souffle infernal Vas-tu donc ressembler à ce fleuve inégal Baigne le nord de nos frontières? Né sur le Saint-Gothard, au milieu des torrens, Le Rhin, dans sa naissance, ennemi des tyrans, Des Suisses, des Germains, des Francs, Dans ce vaste jardin, par ses flots embelli, Bientôt, ruisseau stérile, et sans cesse affaibli, Ah! le peuple français repousse avec horreur Liberté, chez les rois va porter la terreur; Comme en tes premières journées! De la plaine de Mars où sont les jeux charmans? Où sont les fêtes solennelles Qui, dans la France entière, au milieu des sermens, Voyaient, par mille embrassemens, S'unir nos cités fraternelles! Le soleil, souriant à notre liberté, Et, sur l'autel sacré planant avec fierté, Dorait l'étendard tricolore. La nuit succède au jour, et le crêpe du deuil La licence aujourd'hui triomphe avec orgueil; Les lois l'accompagnent voilées. Vulcain, vainqueur du Xante, au fond de ses roseaux Portait la flamme dévorante; Ainsi le fanatisme, agitant ses flambeaux, De la Loire et de la Charente. Philippe, c'est ainsi qu'en tes champs inhumains Le diadême au front, le glaive entre les mains, Et la république expirante, Quand Brutus, ne voulant ni régner ni servir, Accusant la vertu qui le faisait périr, De la France éperdue infortunés enfans, Déposez votre rage et vos glaives sanglans; |