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LETTRE IX.

A M. L'ABBÉ DE GUASCO

L'ABBE

'ABBÉ Venuti m'a fait part, mon cher abbé, de l'affliction que vous a causée la mort de votre ami le prince Cantemir, et du projet que vous avez formé de faire un voyage dans nos provinces méridionales pour rétablir votre santé. Vous trouverez par-tout des amis pour remplacer celui que vous avez perdu; mais la Russie ne remplacera pas si aisément un ambassadeur du mérite du prince Cantemir. Or je me joins à l'abbé Venuti pour vous presser d'exécuter votre projet : l'air, les raisins, le vin des bords de la Garonne l'humeur des Gascons, sont d'excellens antidotes contre la mélancolie. Je me fais une fête de vous mener à ma campagne de la Brède, où vous trouverez un château, gothique à la vérité, mais orné

et

se

a Après avoir passé un an à Turin, il étoit revenu à Paris, et s'étoit voué aux fonctions de son état; mais, voyant qu'elles ne feroient que l'exposer au fanatisme qui régnoit alors en France, à cause des disputes théologiques, il y renonça, livrant uniquement à la culture des lettres et à la société des dans la vue d'obtenir une place à l'académie royale des inscriptions et belles-lettres, où il fut depuis reçu en qualité d'un des quatre honoraires étrangers.

savans,

On peut voir ce qui en est dit dans sa vie, qui est à la tête de la traduction en français de ses Satyres russes, par un anonyme que l'on croit être l'ami à qui Montesquieu écrit cette lettre.

de dehors charmans, dont j'ai pris l'idée en Angleterre. Comme vous avez du goût, je vous consulterai sur les choses que j'entends ajouter à ce qui est déjà fait; mais je vous consulterai sur-tout sur mon grand ouvrage a, qui avance à pas de géant depuis que je ne suis plus dissipé par les dîners et les soupers de Paris. Mon estomac s'en trouve aussi mieux; et j'espère que la sobriété avec laquelle vous vivrez chez moi, sera le meilleur spécifique contre vos incommodités. Je vous attends donc cette automne, très-empressé de vous embrasser.

a L'Esprit des Lois.

De Bordeaux, le premier août 1744.

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Nous partirons lundi, docte abbé, et je compte

sur vous. Je ne pourrai pas vous donner une place dans ma chaise de poste, parce que je mène madame de Montesquieu; mais je vous donnerai des chevaux. Vous en aurez un qui sera comme un bateau sur un canal tranquille, et comme une gondole de Venise, et comme un oiseau qui plane dans les airs. La voiture du cheval est très-bonne pour la poitrine M. Sydenham la conseille surtout; et nous avons eu un grand médecin qui prétendoit que c'étoit un si bon remède, qu'il est mort à cheval, Nous séjournerons à la Brède jusqu'à la Saint-Martin; nous y étudierons, nous nous promenerons, nous planterons des bois, et ferons des prairies. Adieu, mon cher abbé, je vous embrasse de tout mon coeur.

De Bordeaux, le 30 septembre 1744.

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LETTRE X I.

A U MÊME.

E serai en ville après-demain. Ne vous engagez pas à dîner, mon cher abbé, pour vendredi; vous êtes invité chez le président Barbot. Il faudra y être arrivé à dix heures précises du matin, pour commencer la lecture du grand ouvrage que vous saveza on lira aussi après dîner; il n'y aura que vous, avec le président et mon fils; vous y aurez pleine liberté de juger et de critiquer b

Je viens d'envoyer votre anacréontique © à ma fille; c'est une pièce charmante dont elle sera fort flattée. J'ai aussi lu votre étrenne ou épître pétrarquesque à madame de Pontac d; elle est pleine d'idées agréables. L'abbé, vous êtes poète, et on diroit que vous ne vous en doutez pas. Adieu.

a L'Esprit des Lois.

De la Brède, le 10 février 1745.

b L'un de ceux qui assistoient à cette lecture m'a dit que, dès qu'on relevoit quelque chose, il ne faisoit pas la moindre difficulté de le corriger, de le changer, ou de l'éclaircir.

c Il s'agit ici d'une petite pièce de poésie envoyée pour étrennes de la nouvelle année à mademoiselle de Montesquieu. Cette pièce a été imprimée dans le Mercure de janvier 1745, avec la traduction en français faite par M. le Franc de Pompignan.

d Comme il est souvent parlé dans ces lettres de madame la comtesse de Pontac, il est bon de remarquer ici que c'est une des dames de Bordeaux qui brille autant par son esprit et par ses liaisons avec les gens de lettres, qu'elle a brillé par sa beauté. Il est parlé d'elle dans quelques poésies de M. l'abbé Venuti.

LETTRE

X I I.

A LA COMTESSE DE PONTA C.

De Clérac à Bordeaux.

Vous êtes bien aimable, madame, de m'avoir

écrit sur le mariage de ma fille a: elle et moi vous sommes très-dévoués; et nous vous demandons tous deux l'honneur de vos bontés. J'apprends que les jurats ont envoyé une bourse de jetons de velours brodé à l'abbé Venuti: je croyois qu'ils ne sauroient pas faire cela même. Le présent n'est pas important, mais c'est le présent d'une grande cité; et ce régal auroit encore très-bon air en Italie: mais là il n'a pas besoin de bon air, parce

a Il venoit de la marier à M. de Secondat d'Agen, gentilhomme d'une autre branche de sa maison, dans la vue de conserver ses terres dans sa famille, au cas que son fils, qui étoit marié depuis plusieurs années, continuât de n'avoir point d'enfans. Mademoiselle de Montesquieu fut d'un grand secours à son père dans la composition de l'Esprit des Lois, par les lectures journalières qu'elle lui faisoit pour soulager son lecteur ordinaire. Les livres même les plus ingrats à lire, tels que Beaumanoir, Joinville, et autres de cette espèce, ne la rebutoient point; elle s'en divertissoit même, et égayoit fort ces lectures en répétant les mots qui lui paroissoient risibles.

b Titre des premiers magistrats de la ville de Bordeaux. Ils firent ce présent à M. l'abbé Venuti pour lui marquer la reconnoissance de la ville pour les inscriptions et autres compositions qu'il avoit faites à l'occasion des fêtes données à Bordeaux au passage de madame la dauphine, fille du roi d'Espagne.

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