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notre égard le même effet que celui du temps, il cherche avec succès les raisons d'une pareille union dans les institutions des législateurs de la Chine. Il pénètre à fond les principes de la constitution de ce vaste empire, et l'objet particulier de son gouvernement, pour faire mieux sentir le rapport intime des choses, qui paroîtroient d'ailleurs trèsindifférentes, comme les cérémonies et les rites, à la constitution fondamentale.

Il nous montre comment les lois en général sont relatives aux moeurs et par conséquent combien la bonté des moeurs influe sur la simplicité des lois. C'est la découverte d'une mine bien riche que de savoir bien démêler les théories, que notre auteur ne fait qu'indiquer ici, pour bien connoître le véritable esprit des lois romaines, liées si étroitement aux moeurs.

En effet, quelle différence entre les lois faites pour ces premiers Romains qui ne se portoient pas moins au bien par inclination que par la crainte des lois, et ne disputoient entre eux que de vertu, et entre ces dispositions qu'on fut obligé d'opposer au luxe, à l'avarice et à l'orgueil d'un peuple qui, lors de la corruption du gouvernement, se portcit à toutes sortes d'excès, foulant aux pieds les choses divines et humaines!

Si les lois sont protégées par les moeurs, les moeurs sont aussi secourues par les lois. Notre auteur, qui a su pénétrer à fond les effets de cette action réciproque, doué d'un génie assez vaste pour embrasser toutes les différentes relations

prévoit le caractère, les moeurs et les manières qui ont résulté des lois de la constitution de l'Angleterre, dont il a développé ailleurs les principes jusqu'à se rendre maître des événemens à venir, semblable à Tacite, qui prévit, plusieurs siècles auparavant, les causes de la chûte de l'empire

romain.

A la vue du tableau qu'il nous présente de cette nation et de ses peuples, qu'il regarde plutôt comme des confédérés que comme des concitoyens, on diroit qu'il a adopté leurs passions, leurs inclinations, leurs terreurs, leurs animosités, leurs foiblesses, leurs espérances, leurs querelles, leurs jalousies, leurs haines, leurs vaines clameurs leurs injures, qui, bien loin de faire tort à l'harmonie de la constitution, concourent à l'accord total de toutes ses parties.

Il voit comment les lois de ce pays libre ont dû contribuer à cet esprit de commerce, à ce sacrifice de ses intérêts pour la défense de la liberté publique, à ce credit sur des richesses même de fiction, à la force offensive et défensive du gouvernement, à cette grande influence de la nation sur les affaires de ses voisins, à cette bonne foi tant requise dans les négociations.

Il prédit ce qui a dû résulter par rapport aux rangs, aux dignités, au luxe, à cette estime des qualités réelles, c'est-à-dire des richesses et du mérite personnel.

Enfin il apperçoit comment a pu se former cet esprit d'éloignement de toute politesse fondée

sur l'oisiveté, ce mélange de fierté et de mauvaise honte, cette humeur inquiète au milieu des prospérités, cette modestie et cette timidité des femmes, cette préférence du véritable esprit à tout ce qui n'est que du ressort du goût, cette étude de politique jusqu'à prétendre calculer tous les événemens, cette liberté de raisonner. Il connoît même le caractère de la nation dans ses ouvrages d'esprit.

Le portrait que notre auteur vient de donner d'une nation si commerçante de l'Europe, d'une nation qui, selon lui, fait même céder ses intérêts politiques à ceux du commerce, d'une nation où il fut si chéri et si respecté, le conduit à l'examen des lois dans le rapport qu'elles ont avec le commerce considéré dans sa nature et dans ses distinctions, dans les révolutions qu'il a eues dans le monde, et dans sa relation avec l'usage de la monnoie.

Je l'ai dit, cet ouvrage ne paroît fait que pour inspirer de la modération, de l'humanité et des moeurs. Ainsi il est beau d'apprendre ici que l'esprit du commerce est de guérir des préjugés destructeurs, de produire la douceur des moeurs, et de porter les nations à la paix, vu que toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Il est aussi consolant pour quelques peuples malheureux d'être ici assurés qu'étant pauvres, non à cause de la dureté du gouvernement, mais parce qu'ils ont dédaigné ou parce qu'ils n'ont pas connu les commodités de la vie, ils peuvent

malgré cela faire de grandes choses, parce que leur pauvreté fait une partie de leur liberté.

De là on voit combien l'esprit de commerce est lié à la constitution. Dans le gouvernement d'un seul, il est fondé sur le luxe; dans le gouvernement républicain, il est ordinairement fondé sur l'économie. Par conséquent, comme dans ce dernier gouvernement l'esprit de commerce entraîne avec lui celui de frugalité, de modération, de travail, de sagesse, de tranquillité, d'ordre et de règle, il est aisé de comprendre comment il peut arriver que les grandes richesses des particuliers n'y corrompent point les moeurs.

C'est en développant les ressorts de ce commerce d'économie que notre auteur approfondit les principes qui rendent certains établissemens plus propres au gouvernement de plusieurs qu'à celui d'un seul; tels que les compagnies, les banques, les ports francs: principes qui ne laissent pourtant pas d'avoir leur limitation, lorsqu'on les examine sans les séparer de la sage administration de ceux qui sont à la tête des affaires, même dans le gouvernement d'un seul.

Les grandes vérités que notre auteur établit ici pour se conduire dans les matières du commerce, font voir combien on auroit tort de regarder les sciences comme incompatibles avec les affaires, sur-tout lorsqu'il fixe la juste idée de la liberté en fait de commerce, si éloignée de cette faculté qui seroit plutôt une servitude; lorsqu'il nous fait sentir combien, pour le maintien de

cette

cette liberté, il est important que l'état soit neutreentre sa douane et son commerce; lorsqu'il nous apprend que, dans ce genre d'affaires, la loi doit faire plus de cas de l'aisance publique que de la liberté d'un citoyen; enfin lorsqu'il montre que, comme le pays qui possède le plus d'effets mobiliers de l'univers, savoir de l'argent, des billets, des lettres-de-change, des actions sur les compagnies, des vaisseaux et des marchandises, gagne à faire le commerce, au contraire le pays qui est dépourvu de ces effets, et qui par conséquent est obligé d'envoyer toujours moins qu'il ne reçoit, se mettant lui-même hors d'équilibre, perd à faire le commerce, et s'appauvrit.

Ces théories capitales ne pouvoient guère demeurer stériles entre les mains de notre auteur: ainsi c'est par leur secours qu'il dicte des dispositions très-sensées sur le sujet du commerce, sans pourtant être gêné par une exactitude servile. Ici notre auteur, conduit plus, si j'ose le dire, par un esprit citoyen que philosophique, se hâte d'aller au fait. Il veut que la méditation du lecteur se charge de placer d'autres vérités dans la chaîne de celles qu'il établit sur des fondemens solides. Il l'emporte dans ce qui est essentiel au sujet, sans le fatiguer par de longs détours; il suppose qu'il sait tout cela a: on diroit que sa modestie

a Semper ad eventum festinat, et in medias res,
Non secus ac notas, auditorem rapit.

HOR. de Arte poet. v. 148 et 149.

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