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durant sa vie entière, il en a reçu les inspirations les plus variées, et le flambeau du goût en éclaire toujours l'expression.

Ce poète est l'un des esprits éminents qui ont fait décerner le nom de grand au siècle d'Auguste. Il a partagé avec Virgile l'honneur d'avoir porté la poésie à son plus haut degré de splendeur, dans l'un de ses genres les plus élevés, et la palme est restée incertaine entre eux. La beauté du poème lyrique a lutté noblement avec la majesté du poème épique. La même rivalité et le même partage du triomphe ont eu lieu dans la Grèce. Pindare a marché à côté d'Homère. Si la grandeur de l'épopée et la pompe de son harmonie entraînent la plus haute admiration, la fierté des chants lyriques, soutenue en de nombreux ouvrages, commande à son tour des suffrages semblables, et elle exerce sur les cœurs le même empire.

Le mérite particulier d'Horace est d'avoir été

le poète de la grande époque où il a vécu. Elle revit tout entière dans ses tableaux. Les odes qu'il adressait aux premiers personnages de Rome nous font assister au mouvement de cette capitale du monde, dont les capitales modernes les plus puissantes ne nous donnent qu'une faible idée. La République transformée en empire, cet événement qui les domine tous dans les fastes romains, les mœurs et les ambitions nouvelles, les fluctuations et les orages d'un ordre de choses inconnu, tout se retrouve dans les chants du poète, et ce que le burin énergique de l'histoire a tracé y frappe plus vivement encore sous des traits de feu.....

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La position personnelle d'Horace contribue à l'impression qu'il nous fait éprouver. Guerrier sous Brutus et tribun d'une légion, il avait combattu à Philippes contre Auguste. Comment le cruel triumvir et le meurtrier de Cicéron, sacrifié à Antoine, a-t-il pu en être célébré? Mais on se rappelle que le vengeur de César, devenu tout

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puissant, a gouverné l'empire avec une sage modération, l'a fait refleurir avec habileté, et a mérité, en quelque sorte, l'oubli de ses premières fureurs. Cette réflexion fait cesser l'étonnement et absout le poète.

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Si l'on trouve les odes adressées à Auguste remplies de louanges trop exaltées et contraires au goût des temps modernes, il faut observer que cette exagération a eu sa source dans les prestiges de l'ancien culte qui divinisait tout. La composition de l'Olympe, la descente journalière de ses dieux sur la terre, et l'apothéose de tous les hommes que la reconnaissance ou la politique voulait honorer, expliquent facilement le langage des poètes de l'antiquité dans les hommages qu'ils rendaient à la puissance. Virgile n'a pas été moius prodigue qu'Horace d'un encens pour ainsi dire sacré. Tout autre eût été de peu de valeur pour les maîtres absolus des empires qui prétendaient à une origine céleste. Mais il est à remarquer que

le génie ne sacrifie pas aux préjugés de son siècle sans compensation; ses éloges les plus outrés ont eux-mêmes un but généreux. Ils préparent l'effet. des nobles instructions qui les suivent; aussi voyons-nous qu'Horace ne loue jamais le nouveau maître du monde, sans lui montrer dans le bien public la base de toutes les louanges véritables. Au milieu même de ses flatteurs et parmi les feux ardents encore d'une révolution immense, il lui peint sans cesse la puissance de la justice, la nécessité de la clémence, et les lui fait aimer.

Le haut personnage qui inspire le plus souvent le poète est Mécène, ce modèle des grands ministres, que distinguent surtout l'amour et la protection des lettres. On sait que, présenté par Virgile à cet ami d'Auguste, il le fut ensuite par lui à l'empereur, dont il obtint un accueil que suivit bientôt la faveur. Sa situation était épineuse, comme on vient de le dire. Jeune et achevant le cours de ses études dans Athènes, il avait vu Brutus qui l'enga

gea dans son parti. Ce chef des conjurés contre César cherchait à rallier les forces de la République; il levait des légions, conférait des commandements, et l'on voit avec un vif intérêt Horace, nouvel Alcée, s'arracher aux délices de la littérature grecque et marcher à la tête des cohortes. La victoire ayant prononcé en faveur d'Auguste, il fallut sans doute tout le crédit de Mécène pour le rendre favorable au jeune poète qui l'avait combattu. Quel grand service rendu aux lettres! Quel beau souvenir est en même temps celui que nous a laissé l'Homère latin! Il hasarde sa faveur naissante pour un rival, qui avait été l'ennemi de l'empereur, et il parvient à la lui faire partager au sein des orages civils et des proscriptions.

Mécène ne se borna pas à repousser les effets du ressentiment qui poursuit trop souvent le parti vaincu. Il donna au poète, sous son égide, le repos et la sécurité. Il savait que le génie a besoin luimême du calme de la vie pour créer son avenir. Il

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