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Sixième sorte d'anomale, en ce qu'elle n'a ni jambes intermédiaires, ni postérieures. Pl. 35, fig. 18-23.

Je crois avoir fait entendre en plus d'une rencontre que, quoique l'auteur de la Nature paroisse s'être proposé des lois générales, suivant lesquelles il a établi des caractères distinctifs propres aux diverses classes d'êtres animés qui habitent notre globe; on se tromperoit pourtant fort, si l'on vouloit en inférer que ces lois fussent absolument universelles, puisque pour peu que l'on étudioit notre règne animal, on y rencontroit, lors même qu'on s'y seroit le moins attendu, des exceptions aux règles que nous avions regardées comme les plus constantes, et que cela me paroissoit une preuve non équivoque, que celui qui a formé tous ces différens êtres n'a pas été contraint de les assujettir à ces règles par aucune nécessité physique ni fatale; mais qu'il les y avoit seulement soumis par sa libre volonté pour l'ordre et la perfection du plan général qu'il s'étoit proposé, et dont il ne lui avoit plu s'écarter quelquefois que pour montrer qu'il n'étoit aucunement astreint aux règles qu'il avoit établies.

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C'est ce dont la chenille qu'on va faire connoître fournira un exemple des plus frappans. Tandis que toutes les autres chenilles, décrites jusqu'à présent par divers auteurs, corps transversalement divisé au moins en douze anneaux, on n'en aperçoit aucun à celle-ci, dont le corps est très-différent de celui du commun des chenilles; et pendant qu'on n'en connoît aucune, que je sache, qui ait moins de dix jambes, celle-ci est peut-être la seule qui n'en a que les six antérieures,

encore sont-elles très-petites, difficiles à apercevoir, et de peu d'usage pour marcher.

Cet insecte, représenté de grandeur naturelle, se voit de côté fig. 18, et en dessus fig. 19. Il vit de feuilles de chêne, sur lesquelles je l'ai trouvé le 25 d'octobre. C'est peut-être. lui qu'Albin nous a voulu faire connoître pl. 68, lettres e, f et g, et auquel il dit n'avoir point aperçu de jambes; mais si c'est le même, comme il se pourroit bien, son graveur et son peintre l'ont assez mal servi. Quoi qu'il en soit, le dessus du corps de cet insecte tient beaucoup de la forme et de la convexité d'une écaille de tortue terrestre. Il est d'une substance assez ferme, mais il ne l'est pas tellement, que l'insecte, au besoin, ne se puisse un peu plier par les côtés, et même le resserrer et l'étendre. Sa couleur est d'un beau vert de Lorraine. Il paroît comme composé de trois bandes longitudinales, jointes ensemble à angles obtus, dont la plus étroite lui parcourt le dessus du dos dans toute sa longueur. Cette bande est garnie par les côtés d'un rebord jaune tant soit peu saillant, et taillé en zig-zag, dont chaque angle sortant est en dedans teint d'un peu de rouge. Du côté de la tête, cette façon d'écaille est terminée aussi par un rebord jaunâtre, mais qui n'est point taillé en zig-zag, et dont le côté postérieur est teint de rouge, et l'antérieur de blanc. Un peu plus bas que les deux raies jaunes qui lui parcourent le dessus du dos, il est marqué de part et d'autre de dix ou onze points rouges entourés de jaune. Plus bas, on lui aperçoit encore, outre cela, une rangée de points jaunâtres allignés le long du bord inférieur de sa façon d'écaille. Au-dessous de cette rangée paroissent ses stigmates comme des points blancs pres

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que imperceptibles. La façon d'écaille qui couvre cet insecte n'est point unie, mais très-finement ouvragée à la Maubois. Quand l'animal est dans son repos, on n'en aperçoit absolument rien que l'écaille qui le couvre, et sous laquelle sa tête, ses jambes, et tout le reste de son corps sont parfaitement cachés; mais quand il se met en devoir de marcher, il fait sortir de dessous le devant de son écaille une espèce d'étui vert qui ne paroît autrement que comme une fente, et où est renfermée sa tête, que l'insecte alors pousse hors de cet étui. Elle est noirâtre, et d'une forme assez semblable à celle des chenilles communes. Ensuite pour marcher, il élève tout le dessus de son corps, de façon que l'écaille ne touche nulle part le plan de position, et l'on remarque que le bas de son corps est vert, un peu transparent, et se montre alors tout muscle par les plis et replis qui s'y succèdent en tous sens. C'est au moyen seul de ces plis, dont on en a représenté un en A, fig. 18, que l'animal fait succéder les uns aux autres comme des ondes, en commençant par l'extrémité postérieure, qu'il se porte en avant, n'ayant, comme j'ai dit, aucune jambe intermédiaire ni postérieure, et tenant alors en l'air ses six jambes antérieures, trop courtes pour lui servir à marcher. Aussi son mouvement progressif n'est-il pas moins lent que celui des limaces, dont il semble avoir l'allure.

Le premier de ces animaux singuliers que je trouvai étoit apparemment malade: il ne voulut point manger. Il ne changea qu'une fois de place par jour, sans faire beaucoup de chemin, après quoi il se tint retiré sous son écaille jusqu'au lendemain. Il fila un peu, et mourut sans se faire de coque ni changer de forme.

Mém. du Muséum. t. 20.

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Le 19 d'octobre, j'en trouvai deux autres à terre, sous des chênes. Ils étoient, à tous égards, faits comme le précédent : ce qui me rendit certain que leur forme extraordinaire n'étoit point un jeu de nature, mais le caractère distinctif de leur espèce; à plus forte raison, que peu après j'en trouvai encore deux autres faits comme les premiers. Tous quatre avoient déjà quitté les feuilles dont ils se nourrissoient, pour aller ailleurs changer en chrysalides. Aussi refusèrent-ils de manger, et, sans entrer en terre, ils commencèrent, depuis le 20 au 23 d'octobre, à se filer des coques. D'abord, je les vis attacher à droite et à gauche, sans aucun ordre, des fils qui leur devoient apparemment servir de points d'appui, sur lesquels ils se filèrent chacun une coque sphéroïde très compacte, et unie en dehors, fig. 20. D'abord elle étoit couleur de citron, mais deux ou trois jours après, elle devint couleur de canelle par dehors, quoique parfaitement blanche par dedans.

J'en eus la première phalène le 7 juin de l'année suivante, ce qui me détermina à ouvrir le même jour une des trois coques qui me restoient, et j'y trouvai encore la chrysalide à peu près sphéroïde, fig. 21, représentée par le dos, et, 22, du côté du ventre. On voit que c'est une des moins coniques, si on les peut ainsi nommer, de celles d'où naissent les phalènes. Ce qui la distinguoit encore étoit sa couleur de paille un peu ternie, qui n'est guère celle des chrysalides de ce genre, et six lames dont son dos étoit pourvu, qui, examinées avec une loupe, se trouvoient armées d'un nombre prodigieux de piquans bruns obliquement fléchis vers la partie postérieure, et qui lui servent apparemment de points d'appui, comme elles le font dans d'autres espèces, pour sé

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pousser en avant, quand le temps de leur transformation est arrivé, afin de se faire jour au travers de leurs coques, et ouvrir ainsi une sortie à la phalène qui en doit naître.

Cette phalène, au reste, a été représentée dans son état de repos, fig. 23. Je ne lui ai point aperçu de caractère remarquable, comme l'on eût pu s'y attendre, eu égard aux formes singulières qu'elle avoit eues dans ses deux états précédens. Ses ailes supérieures étoient un peu plissées longitudinalement; leur couleur étoit feuille-morte, et deux traces brunes obliques, de direction fort différentes, les traversoient. Voilà tout ce qui m'en est connu, les phalènes m'ayant échappé avant que je les eusse pu observer davantage, et les dessiner à ailes déployées.

Chenilles irrégulières.

Après avoir décrit le petit nombre de chenilles anomales que j'ai pu découvrir parmi la quantité d'autres qui m'ont passé par les mains, je viens à celles que j'ai nommées irrégulières, parce qu'elles s'écartent plus ou moins de la forme cylindrique alongée qu'ont ordinairement le gros des chenilles, quoique pourtant elles aient la même quantité de jambes. Le nombre de celles qu'en ce sens on peut appeler irrégulières surpasse de beaucoup celui des anomales, et il est même un peu arbitraire, puisque, suivant la façon dont un naturaliste envisage les objets, il se déterminera à décider si une chenille s'écarte suffisamment ou non de la forme cylin→ drique ordinaire de ces insectes pour mériter, ou non, d'être reléguée parmi les chenilles irrégulières. Voilà pourquoi aussi,

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