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cence, que le ciel donna Sicard aux Français, et, quand la reconnoissance publique eût dû presque lui dresser des autels, quel ques hommes barbares l'ont proscrit sans pitié, sans aucunes sortes d'égards, sans même user des formes tutélaires que la loi accorde aux plus grands criminels... ô Dieu, être éternel, puissance suprême, qui que tu sois, empêche l'injustice ou permets le

murmure!

Rempli des émotions qu'inspirent de pareilles idées, je me suis hasardé ce matin à me présenter chez l'un des Directeurs dont je fus le collègue en 1789; j'espérais que ce titre et la justice de la cause que je portais devant lui pourraient l'intéresser.

Je parlerai d'abord de Fontanes, me disaisje à moi-même en parcourant la longue route qui conduit de mon domicile au Luxembourg; il fut toujours si mesuré dans ses expressions, qu'il ne peut y avoir contre lui l'apparence même d'un délit politique; après, je ferai valoir les droits de Sicard; je célébrerai ses services; je détruirai la prévention qui peut découler de sa qualité de prêtre; je me récrierai ensuite contre le surplus des injustices commises le 18 fruc tidor; qui sait, si je ne ferai pas naître quelque désir de les réparer !

J'étais encore livré à ces illusions philan thropiques, lorsque mon arrivée au Luxem bourg a mis un terme à mes rêveries.

J'entre, je me fais annoncer; on me dit d'attendre; j'attends long-temps; enfin j'obtiens audience.

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A peine ai-je articulé quelques mots sur la proscription de plusieurs hommes de lettres, et prononcé le nom de Fontanes, que je reçois cette réponse textuelle;

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-Bah! les gens de lettres sont des aris

tocrates.

-Citoyen directeur, permettez-moi de vous représenter que votre phrase est trop générale; tous ne méritent pas un pareil reproche; je citerais parmi eux beaucoup de vrais patriotes, et quant à Fontanes, je vous observerai qu'il a servi la révolution, qu'il fut membre de l'institut et professeur d'une école centrale, et que, dans le moment actuel encore, ils'occupe d'un poëme important, intitulé, la Délivrance de la Grèce, où il rend de nombreux hommages à la liberté.

-Tout cela ne démontre pas qu'il soit républicain.

Quand bien même il ne le serait pas, il resterait à prouver qu'il dût être condamné à la déportation; mais j'ajoute un fait qui m'est personnel : au mois de prairial de l'an 5, ayant écrit et parlé en faveur de l'institution du divorce que des hommes alors puissans voulaient absolument renverser, je fus attaqué par plusieurs journalistes; Fontanes eut alors le courage de me défendre.

-On peut fort bien tolérer le divorce et ne pas aimer la république; au reste il paraît que vous êtes l'intime ami de ce Fontanes.

- Je m'honorerais de l'être; mais je ne

l'ai jamais vu, et ne connais de lui que ses talens, son innocence et ses malheurs.

-

Oh! je le connais bien, moi, et je sais qu'il n'est rien autre chose qu'un franc royaliste.

J'ai insisté avec fermeté; le directeur m'a refusé avec brusquerie; nous nous sommes séparés ainsi, fort peu satisfaits l'un del'autre, et moi, entièrement déchu des espérances qu'il m'avait été si doux de former.

Pour faire diversion aux idées noires qui viennent ici m'attrister, je veux m'occuper d'un autre fait, non moins authentique et arrivé hier.

Une veuve, et son fils âgé de vingt ans, étaient inscrits sur une liste d'émigrés; l'un et l'autre n'avaient jamais quitté la France; la mère, ayant obtenu une surveillance, résidait dans son département (les deux Sèvres); le jeune homme se tenait caché à Paris.

Tout-à-coup il apprend qu'il a été rayé la veille; dans la première ivresse d'une joie fort naturelle, il invite le jour même deux de ses amis à dîner; puis, la tête encore pleine de vapeurs bachiques, ils vont ensemble au théâtre du Vaudeville; là, ils entrent dans une loge, occupée déjà en partie par une dame et deux citoyens dont l'un était placé sur le devant auprès de la dame.

Après la première pièce, le citoyen, placé sur le devant, sort; aussitôt le jeune homme veut s'emparer de la place vacante; on lui

observe que le sortant va revenir; il insiste, et, le chapeau sur la tête, se place forcément près de la dame.

Le citoyen restant lui observe qu'une pareille conduite est malhonnête; -vous m'insultez, répond le jeune homme, sortons; - à ce mot, la dame tombe évanouie; l'étourdi s'opiniâtre; on sort.

Il y avait des gardes à l'extérieur de la loge; citoyens, leur dit celui qu'on voulait forcer au combat, saisissez ce jeune homme et conduisez-le au ministère de la police. L'ordre est exécuté, et bientôt le coupable comparaît en présence du ministre : qu'on juge quelles durent être sa confusion et sa frayeur! il reconnaît en lui l'homme. même qu'il venait de provoquer d'une façon aussi indiscrète que brutale.

rayer

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Le ministre demande son nom; il l'apprend; quoi ! dit-il alors, c'est vous que je fis hier de la liste des émigrés, et pour récompense, vous vouliez tout-à-l'heure me couper la gorge. Excusez, citoyen ministre, je Point d'excuse, jeune homme. Je vous assure que Silence, vous disje; comme l'insulte m'est personnelle, je puis vous pardonner; allez donc en liberté, mais à la condition que vous partirez de suite pour votre département, afin d'annoncer à votre mère que sa radiation a été prononcée ce matin. Comment, ma mère, aussi.....! que de remercimens ! Je ne veux pas plus de vos remercimens que de vos excuses; allez, mais devenez plus sage,

et qu'au moins cet événement vous tienne lieu de leçon pour l'avenir.

Un pareil fait ne saurait être trop connu ; il doit servir de modèle aux hommes en place et d'instruction aux jeunes gens; tel prédécesseur du ministre actuel eût peutêtre perdu la famille entière.

J'ai trouvé je ne sais quel charme à tracer ces lignes elles ont dissipé les impressions facheuses qu'avaient laissées en moi celles qui les précèdent ; ah ! ce serait une tâche si flatteuse, pour un ami du bien et de la franchise de pouvoir ainsi accorder des éloges à tous nos premiers magistrats; pourquoi agissent-ils presque toujours d'une manière opposée à ce qu'il faudrait faire pour les mériter!

N.° 69. 26 GERMINAL.
MA RÉELECTION.

» Felice, che dal fluttuante mar delle cose » publiche ha navigato in un porto tranquillo di » privata quiete! >>

BENTIVOGLIO.

Lettere

JAPPREN APPRENDS à l'instant que je suis réélu au Conseil des Cinq-cents.

Je vais donc continuer l'exercice de fonctions pour lesquelles je n'étais pas né; la campagne, le repos, l'étude, le bonheur

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