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conviendrai que vous vous entendez parfaitement à hâter l'époque de la crise; mais, quand elle est arrivée, vous demeurez immobiles et laissez traîner les victimes dans l'abyme que vous-mêmes avez creusé ; que dis-je! vous les y traînez vous-mêmes, si leurs ennemis l'exigent que de faits authentiques je pourrais citer à l'appui de ce reproche ! »>

Je supposerai qu'il fût posible, au petit nombre de membres modérés du Corps législatif, de renverser à la fois le Directoire et la Montagne; que trouveraient-ils ensuite autour d'eux ! d'incorrigibles contre-révolutionnaires qui se nourrissent sans cesse de vaines illusions.

C'est une chose bien digne de remarque et de pitié, que cette opiniâtre obstination d'hommes dont plusieurs sont infiniment estimables et remplis, sous tous les autres rapports, de sagacité et de raison : je ne disconviendrai pas, qu'ils sont secondés à merveille par la conduite de nos gouvernans ainsi que par la barbarie de quelques-unes de nos lois, et qu'ils tirent un grand avantage des circonstances actuelles qui sont peu propres, en effet, à gagner des prosélytes à la cause de la liberté; mais, quand bien même les choses prendraient un autre cours et changeraient tout-à-fait en bien, les préjugés de l'ancien régime et le désir de le voir renaître avec tous ses attributs ne s'effaceraient pas de certaines âmes; je vais plus loin, je pose en fait que, s'il était pos

sible que Dieu lui-même vînt donner la garantie d'un bonheur parfait avec des lois républicaines, il est en France tels individus, qui préféreraient, à la réalité même du bonheur, le vain culte qu'ils rendent à leur fantôme royal.

Qu'est-ce donc que les hommes!....ici des insensés; là des scélérats.

Je reviens aux motifs qui m'ont porté à ne pas paraître à la tribune depuis quelques mois, et je répète qu'il en est deux puissans, la certitude de nuire à la chose publique en attaquant trop souvent le Directoire qui n'a pas déjà trop de ses forces contre la montagne, et le dénuement absolu de moyens pour lutter à la fois contre la montagne et contre le Directoire : je me garderai bien de faire le Don Quichotte politique et de risquer des efforts qui me conduiraient presque inévitablement à ma perte, lorsque je suis pénétré de l'intime persuasion que, dans l'état actuel des choses, ces efforts, loin de guérir le mal, ne serviraient qu'à retarder le remède.

Un autre motif bien déterminant est venu, dans ces derniers temps se réunir à ceux que j'ai déjà exposés : l'époque des nouvelles élections approchait, et, comme ma carrière législative touche à sa fin, j'ai voulu qu'il restât bien démontré que je n'ai pas fait l'apparence même d'une démarche pour attirer sur moi les regards des électeurs; il me semblerait qu'une opinion un peu marquante, prononcée à la tribune dans une

pareille

pareille position serait comme un appel fait à leur suffrage, et cette considération était seule plus que suffisante pour m'engager à m'abstenir soigneusement de paraître à la tribune et de rien écrire d'ostensible.

Cette idée me rappelle, que c'est aujourd'hui le trente ventose, et que j'écris de la campagne que je n'avais pas vue depuis

six mois.

La nature, battue par un long hiver, se ressent du ravage des frimas; elle est toujours triste et décolorée; on n'y découvre encore rien qui fasse sourire les regards; mais l'espérance du moins embellit déjà le séjour des champs; on voit par la fermentation active qui y règne, qu'ils touchent à une résurrection générale; on jouit d'un plaisir anticipé, en pensant que, sous peu de jours, tout ce qui paraît mort maintenant sera alors plein de vie.

Que n'en est-il ainsi de la France! c'est de même pour elle l'époque d'un commencement possible de régénération et de prospérités futures; demain toutes les assemblées primaires renouvellent leurs importantes opérations.

La patrie a été affligée aussi par un long et douloureux hiver; toucherait-elle au printemps comme la nature!

Quelle douce illusion est venue m'aveugler!... Il est des situations où le grand jour blesse; alors il est sage de tenir quelquefois les yeux fermés; hélas! il ne faut maintenant que les ouvrir un peu et com

templer l'horizon, pour voir que de toutes parts il est encore à l'orage.

N.. 68. 8 GERMINAL.

ANECDOTES HISTORIQUES.

» Et quid sibi quisque nunc speret, cùm » videat pessima optimos pati ! »

SENECA. - De tranquillitate animi,

cap, 15.

EPUIS le 18 fructidor, j'ai médité souvent sur cette époque à jamais déplorable, qui profana sans retour le prestige de la représentation nationale; qui proscrivit arbitrairement la vertu; où l'on traita de crime l'opposition au crime; où l'on se disait clément, quand on était plus barbare que ceux qui tuent; où l'on condamna l'innocence sans l'entendre; où les coupables eux-mêmes, n'étant ni convaincus ni jugés, durent passer pour innocens aux yeux de tous ceux à qui les notions de la justice étaient chères.

Je compris qu'il n'était pas possible encore de rien tenter d'utile en faveur de ceux des proscrits qui ont été membres du Corps législatif; mais je me plaisais à penser, qu'il pourrait l'être de faire cesser ou du moins d'adoucir la proscription des autres vic

times.

On sait que la paisible carrière des lettres

me fut pas à l'abri des atteintes révolutionnaires de fructidor; au moyen de l'effet rétroactif, cette arme familière à toutes les espèces de tyrannie, on s'avisa de faire un crime à une foule d'individus de ce qu'ils avaient fourni leurs plumes ou leurs presses pour publier, dans un temps déjà écoulé, telles ou telles idées qu'on imagina tout-àcoup devoir leur attirer l'horrible peine de déportation.

Je n'excuserai point tous ces écrivains; j'observerai seulement que, pour avoir quelque apparence du droit de les déporter, il aurait fallu deux choses, et que d'avance ils eussent été prévenus de la peine, et qu'ensuite on les eût entendus et jugés avant de les proscrire; dailleurs, si dans cette classe d'hommes, il fut des étourdis et peut-être même des coupables, combien en pourrais-je nommer qui furent toutà-fait innocens! quel fut le crime du bienfaiteur de l'humanité, du respectable Sicard? Qu'avait fait l'un de nos premiers poètes, l'intéressant Fontanes? Celui-ci avait dit quelques vérités à des hommes puissans; celui-là avait voulu servir Dieu à sa manière. Ma plume n'aura point tracé le nom de Sicard sur ces feuilles solitaires, sans que je paie mon tribut d'hommages à cet instituteur vénéré qui, gratifiant ses élèves du bienfait inappréciable de l'intelligence et de la raison, les créait de nouveau, pour ainsi dire, et était pour eux comme une autre providence: ce fut dans un jour de munifi

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