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restes d'animosités que ses ennemis lui gardent encore.

Je n'ai point voulu m'abaisser à répondre aux vils folliculaires qui sont si opiniâtres à outrager le mérite et la vertu; mais j'ai adressé au rédacteur du Publiciste la lettre suivante que j'ai revêtue de ma signature, et qui a été insérée ce matin dans ce journal.

CITOYENS,

« Je fus, je serai toujours l'ami de Dupont de Nemours, et comme tel, je vous remercie des choses obligeantes que vous avez dites à son égard dans une de vos dernières feuilles.

Cet homme respectable est embarqué; il va chercher au-delà des mers une terré hospitalière où l'on sache apprécier les grands talens, la probité austère, et la philanthropie la plus douce et la plus vraie : ici des pleurs, que je ne puis retenir, s'échappent de mes paupières; je réfléchis avec amertume sur les hasards qu'il va courir, au déclin d'une vie consacrée tout entière à tant d'honorables travaux.

Lorsque nous nous sommes séparés le jour même de son départ : << Mon cher » Felix, m'a-t-il dit, en me pressant dans » ses bras qui furent toujours pour moi » comme ceux d'un père; si la France reste, » ou plutôt si elle devient enfin libre, je » m'honorerai toujours de porter le titre » de citoyen français; si les rois l'em

portent

»portent, je l'abdiquerai aussitôt et me » déclarerai citoyen des Etats-Unis de l'A» mérique.

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Voilà l'homme que de prétendus patriotes osent dépeindre et persécuter comme ennemi de la révolution, et contre qui encore ils ne rougissent pas de répandre leurs lâches calomnies, aujourd'hui qu'il n'est plus i à portée de leur répondre.... Ah! quels que soient le nombre et la puissance des divers ennemis de Dupont, je ne craindrai pas d'affirmer, moi, qui lus si souvent dans son âme probe et ingénue; oui j'affirmerai hautement, que je n'y découvris jamais que l'amour brûlant du bien public, que la réunion bien rare de toutes les vertus domestiques, et qu'une affection, je puis dire, passionnée pour la liberté.

Aujourd'hui même, parmi les spéculations peut-être incertaines auxquelles il se livre sur le sort qui l'attend dans l'avenir, l'idée que, par un nouveau genre de services, ilpourra encore être utile à son pays dans les climats qu'il va habiter, réchauffe son âme, toujours jeune de patriotisme: il peut en vouloir, et certes avec trop de raison, à ceux qui l'ont accablé d'outrages immérités; mais il n'en veut pas à la France des torts de quelques hommes.

Je n'ignore pas, qu'en m'exprimant de la sorte, je m'expose à la censure de deux espéces très-opposées d'esprit de parti; mais, quand je me plais tant à rendre cet hommage désintéressé à un ami vertueux que III.

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les flots emportent loin de moi, et que sans doute je ne dois plus revoir, que m'importent les vaines rumeurs de la prévention ou de la mauvaise foi !

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Salut etc...

J'aime à me retracer le moment, où les lignes qui précèdent parviendront à Dupont, dans l'habitation lointaine qu'il va former: je connais son cœur ; il me paiera avec usure du peu que je viens de faire pour lui.

Excellent citoyen! Quel prix tu as reçu de quarante années de travaux et d'un dévouement soutenu à la cause du peuple! Ce n'est que par miracle, pour ainsi dire, que dénoncé, proscrit, jeté dans les fers à plusieurs époques, tu as pu échapper et aux assassins de septembre, et aux échafauds de Robespierre qui t'en voulait de préférence, et à l'horrible déportation qui t'était destinée: tu as cru devoir te déporter toi-même; tu fuis nos tristes climats, où la scélératesse et l'intrigue oppriment toujours les amis les plus vrais de la patrie; tu vas chercher un refuge dans un coin privilégié de l'univers, où il n'y ait ni rois ni jacobins.

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On t'a reproché d'être systématique et rêveur; en tout cas', tu rêvas constamment le bien, et s'il est arrivé quelquefois que tu aies pu te méprendre sur les moyens de le faire, jamais du moins tu ne t'es égaré dans tes intentions qui sont demeurées pures au milieu de tant de brigues et de séductions: qu'il est peu de Français de qui on puisse avec

vérité en dire autant! quel est celui qui, comme toi, songea toujours aux intérêts de la patrie et jamais aux siens propres; qui, après avoir été long-temps en faveur auprès du peuple ainsi que dans la cour des rois, a resté avec son honorable médiocrité, ayant plutôt amoindri qu'augmenté le modique patrimoine qu'il tint de ses pères !

Puisse le sort, qui te protégea peu jusqu'ici, réaliser les espérances hazardeuses que tu as formées! puisses-tu enfin trouver un asyle, où l'on fasse cas des talens et de la vertu, où du moins on ne les persécute pas!

Pour moi, je reste sur cette terre malheureuse pour qui long-temps j'espérai des destins plus prospères; j'y reste, chargé de fonctions désormais avilies; mais j'ose te promettre, mon vénérable ami, que je ne me laisserai pas corrompre par la contagion commune, et que je ne me départirai jamais des principes que j'ai suivis constamment depuis 1789, et auxquels quelquefois tu daignas applaudir: s'il arrivait qu'ils pussent foiblir un jour, je me rappellerais ton sou venir, et mon énergie première renaîtrait aussitôt.

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Peut-être ces principes, qui sont en opposition directe avec les habitudes actuelle ment dominantes, mé vaudront-ils d'être proscrit à mon tour; mais alors, me rappelant tes invitations affectueuses, je ta cherai de me réfugier aussi sur la terre amie que tu vas chercher, et où déjà tu m'as offert un asyle; trop heureux, si je puis

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l'atteindre, d'y rencontrer des hommes qui veulent bien m'estimer, m'aimer même, et dont je m'honore de partager les opinions: ah! dans cette carrière rebutante autant que périlleuse qu'il me faut encore parcourir, il m'est doux du moins de penser qu'il sera, même au-delà des mers, des amis vrais de la liberté qui daignent prendre quelque intérêt à ma destinée, et dont les bras sont d'avance ouverts pour m'accueillir.

N.° 87.16 VENDÉMIAIRE.
PENSÉES DIVERSES.

Discipulus est prioris posterior dies. >>
PUBLIUS SYRUS. Sententiæ.

PRESSÉ par le besoin de me distraire des idées douloureuses qui m'obsèdent, je me suis occupé, depuis quelques jours, à jeter sur le papier plusieurs réflexions détachées: fruit d'une expérience chèrement achetée, et toujours dictées par l'amour du vrai, elles sont relatives, soit aux événemens divers dont j'ai été successivement témoin et où le plus souvent même je fus acteur, soit à la triste étude que j'ai faite du cœur humain, pendant ces temps d'agitations et d'épreuves qui l'ont mis à nu, pour ainsi dire.

Je vais déposer ces pensées dans mon

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