ment possible quelle leçon pour un homme accoutumé à jouir d'une puissance illi mitée ! 3.o Le même ex- Directeur, avant de quitter le Luxembourg, où il avait reçu tant d'hommages menteurs, et où tout récemment il s'était vu abandonné par ses nombreux courtisans, ne put s'empêcher de dire à un ami fidèle, le seul qui lui fût resté dans son infortune, et que ce généreux dévouement honore à mes yeux: « Je croyais connaître les hommes, mais je » sens trop bien aujourd'hui combien j'étais » dans l'erreur; je me vois délaissé, que dis-je, trahi et outragé par tous ceux en qui j'avais le plus de confiance et que j'ai » constamment obligés. Ces derniers mots me portent à observer, qu'en effet les ex- Directeurs ont été dénoncés et sont encore poursuivis avec le plus de fureur par ceux-là mêmes sur qui ils avaient placé toute leur bienveillance, et qu'ils avaient comblés, avec prédilection, de toutes leurs grâces; aujourd'hui, ces anciens adulateurs, non contens de les avoir dépouillés de leurs grandeurs, n'hésitent pas à déclarer sans cesse qu'il faut les mettre en jugement et faire tomber leurs têtes; en vérité, je ne serai point du tout surpris, s'il me faut bientôt défendre les ex-Directeurs contre ceux que naguère ils regardaient comme leurs plus chauds amis. O vous qui gouvernez les Etats, n'im porte sous quelle dénomination, attachezvous aux hommes probes, et faites qu'ils s'attachent à vous! ceux-là ne sont pas habiles en flatterie, ils ne savent dire que la vérité; mais aussi ils ne trahissent jamais, et ils se retrouvent dans le malheur. N.° 77. -10 MESSIDOR. Ο ΡΙΝΙΟ Ν Sur la question de savoir, si les membres du Corps législatif doivent s'interdire la faculté d'accepter des emplois à la nomination du Pouvoir exécutif. ་ Venalis curia Patrum; » Ad prædam strepitumque lucri suffragia vertunt.» PETRONE. Satyricon. A la séance du 19 prairial, Baudet, dans une motion préparée, avait proposé l'affirmative de la question que je viens de retracer; la grande majorité du Conseil ayant paru se ranger de son avis, le bureau nomma une commission qui ne tarda pas à faire un rapport conforme à cette opinion. Il y aurait peut-être de fortes objections à opposer à ce système, si le gouvernement était bien organisé, et si la distribution des places était confiée à des hommes probes et justes; mais aujourd'hui, la plus vile cupidité règne par-tout, démoralise tout, et depuis peu d'années, j'ai été témoin de tant de bassesses à cet égard, que je m'étais promis (1), il y a long-temps, de faire la motion dans laquelle j'ai été dévancé par Baudet, qu'en conséquence je l'appuyai de tous mes efforts. et Les derniers événemens n'ont point amé-, lioré le gouvernement, mais ils ont déplacé. les intérêts; aussi, j'ai entendu plusieurs voix, qui, jusque-là, s'étaient montrées pour. la mesure proposée, passer tout-à-coup, contre le motif de ce revirement subit d'opinion se laisse facilement deviner; tels qui, au 19 prairial, n'espéraient rien de l'ancien Directoire, espèrent beaucoup du nouveau qu'ils ont formé à leur guise et qu'ils comptent dresser à leur baguette. Pour moi, d'après cette variation qui m'a peu surpris, je m'étais disposé à soutenir le rapport, lorsque la commission des onze, établie immédiatement après la journée du 3o prairial, a placé la disposition qui en faisait l'objet, dans la compilation d'articles législatifs qu'elle a fait adopter, par le Conseil dont je suis membre, et qui sont maintenant à l'acceptation de celui des Anciens. Il résulte de là, que mon travail est encore une fois devenu inutile. J'aurais parlé ainsi; CITOYEN'S, « La question qui nous occupe en ce mo (1) Voyez la note du n.° 57. ment, est celle-ci : Les membres des deux Conseils peuvent-ils et doivent-ils s'interdire à eux-mêmes la faculté d'accepter des places à la nomination du Directoire exécutif, tant pendant la durée de leurs fonctions législatives, qu'avant une année révolue depuis la cessation de ces fonctions? » « Je prouverai qu'ils le peuvent; mais d'abord je vais prouver qu'ils le doivent et pour arriver à la démonstration de cette vérité, je profiterai du renouvellement d'énergie qui vient de ranimer la représentation nationale; je dirai ma pensée tout en⚫ tière, long-temps comprimée par les circonstances qui nous ont trop dominés. » « Assez d'autres ont peint l'état d'asser vissement où le Corps législatif fut réduit : les pensées nobles et généreuses étaient réprouvées comme des crimes; la calomnie poursuivait tous ceux des députés qui savaient encore parler en hommes libres; elle les relançait jusque dans cette enceinte qui pourtant devrait être le sanctuaire même de la liberté; les législateurs français semblaient moins les représentans du peuple que les agens du Directoire exécutif. »> « O mes collègues! sortis enfin de tutèle dans les derniers jours de prairial, vous avez rompu les lisières qui vous garrotaient en tout sens; vous sûtes alors dévoiler la vérité.... Soyez maintenant assez grands pour l'entendre ! » « Nous désirons tous que le peuple français considère les membres du Corps lé gislatif et qu'il les honore de sa confiance; son intérêt et le nôtre nous imposent doublement la loi de ce désir; mais la confiance ne se commande pas plus que l'estime; il faut savoir les inspirer, et c'est à quoi nous devons tendre de tous nos efforts. « De bonne foi, quand le peuple est instruit que tels de ses représentans sont sans cesse dans les appartemens des ministres et dans l'antichambre des Directeurs, est-ce alors qu'il s'abandonnera aux sentimens de confiance et d'estime dont vous voudriez qu'il fût pénétré pour le Corps législatif? Croyez-vous, lorsqu'il verra toutes les places accaparées par les Législateurs sortans, qu'il pourra se refuser à l'idée de les envisager comme des nobles d'une nouvelle espèce qui paraissent avoir usurpé le droit de se nantir exclusivement de tous les emplois publics? Croyez-vous qu'il n'imaginera pas que, par l'effet de conventions établies entre les nominateurs et les élus, les uns paient, et les autres reçoivent le prix d'une servile complaisance?» Quand même on voudrait supposer que la calomnie seule donne lieu à ces propos, on ne pourrait pas nier du moins que l'ordre de choses actuelles ne lui ouvre un large champ, et cette considération unique devrait suffire pour nous déterminer à adopter la mesure proposée par la commission; mais ne faisons point de supposition que la réalité dément; ne déplaçons point les mots et sachons voir les choses comme elles sont." |