que j'ai déjà faites sur les divers événemens qui ont eu lieu pendant ce laps de temps; je veux uniquement déposer, dans ces feuilles, l'adieu tendre et douloureux que je viens d'adresser à mes estimables compagnons d'armes, nommés comme moi en l'an 4, avec qui j'ai fait trois longues campagnes, qui emportent tous mes regrets, et dont très-peu ont été réélus, parce que l'esprit. d'impartialité et de modération ne l'a emporté que dans un infiniment petit nombre d'assemblées électorales.

Ils ont été calomniés souvent; mais je dois à la justice ainsi qu'à la vérité, de répéter ici (1), qu'en général, à l'exception de quelques fous qui donnèrent dans les extrêmes opposés, il n'exista jamais de citoyens meilleurs, plus sages, plus franchement patriotes, plus réellement dévoués à l'amour du bien; aussi ne craignent-ils point, comme plusieurs de ceux qui les ont précédés dans les mêmes fonctions, de retourner sous leurs toits domestiques, où ils seront accompagnés de l'estime des hommes probes et du calme d'une conscience pure.

Peut-être, parmi eux, en était-il quelques-uns qui n'eussent pas choisi de préférence le régime républicain; mais ceux-là encore étaient trop bien intentionnés et trop éclairés sur les véritables intérêts de la patrie, pour ne pas lui sacrifier leurs

(1) Voyez les numéros 16, 17 et 34.

opinions individuelles, et pour chercher à la compromettre par de nouvelles agitations: hélas ! si un pareil exemple eût été suivi par tous les députés nommés en l'an 5, il n'y aurait pas eu de 18 fructidor; nous aurions la paix, nous serions heureux et libres.

:

J'observerai à cet égard, que jusqu'à présent il n'y a eu en France d'élections vraiment bonnes, vraiment loyales, vraiment populaires, que celles faites en 1789 et 1795, et je me glorifie d'y avoir été compris l'intrigue et l'esprit de faction présidèrent à la composition de l'Assemblée législative; la Convention fut créée, après les massacres de septembre, sous les auspices de l'exagération et de la terreur; les Corps électoraux de l'an 5 furent en général dominés par les prêtres, et ceux de l'an 6 par l'anarchie; ceux de cette année l'ont été par le Directoire et plus encore par la Montagne : (on concevra sans peine que, réélu il y a peu de décades, je n'entends pas interdire les exceptions.)

Adieu, Députés de l'an 4! adieu, collègues toujours chers, dont je m'applaudirai sans cesse d'avoir partagé les honorables travaux ! allez, dans vos retraites paisibles, méditer sur ce que vous avez fait, sur ce que vous avez vù! vous n'y serez poursuivis par aucuns remords.

Un jour, lorsque l'impartiale histoire tracera le tableau de notre révolution, elle

saura y distinguer votre conduite soutenue mêlée à la fois de fermeté et de sagesse, pendant les dix-neuf premiers mois de notre session elle rappellera que vous étiez en grande minorité dans le corps dont vous faisiez partie, et que néanmoins vous étiez parvenus à donner à la France un avantgoût du calme, de l'abondance et du bon

heur.

Adieu! Je ne reverrai jamais aucun de vous, sans éprouver les douces émotions que fait naître la présence inespérée d'un vieil ami vos mains alors seront pressées par les miennes, avec un plaisir peut-être égal à celui que je ressentais jadis, dans l'âge d'or de ma vie, en pressant celles de

COUP D' OE I L

Sur le nouveau Corps législatif.

» L'ennemi est au milieu de nous, dans le » sénat, dans les assemblées de la nation; ses » progrès sont si rapides, qu'à moins que les » Dieux ou les gens de bien n'arrêtent ses entreprises, il faudra bientôt renoncer à » tout espoir de réforme et de salut. >>

>>

BARTHELEMI.

Anacharsis. liv. 78.

Je sors de la première séance tenue avec

mes nouveaux collègues: oh! comme je

me suis senti douloureusement affecté lorsqu'arrivé dans ma place ordinaire, là, où hier encore j'étais entouré d'hommes que dès long-temps j'avais appris à estimer, je n'ai vu que des figures qui me sont trop bien connues, et d'autres tout-à-fait étrangères avec qui il me faudra faire un nouveau cours d'observations et d'expériences.

C'est donc en vain que désormais je chercherai autour de moi la modération et la justice; où sont-elles aujourd'hui ? c'est en vain que je chercherai 'amour sincère de la patrie; ce beau sentiment n'existe nulle part; il est remplacé par l'intrigue et le crime qui se trouvent par-tout, et qui partout ont usurpé une puissance exclusive: c'est en vain encore que je chercherai la paix qui est reculée dans la plus lointaine perspective; les débuts de la guerre, mal organisés, mal conduits, n'ont entraîné jusqu'ici que des revers; pour les réparer, on parle déjà de mesures révolutionnaires, qui pèsent d'autant plus sur l'âme d'un député bien pensant, qu'on le rend, en quelque sorte, responsable de ces mesures, malgré qu'il en gémisse plus que personne et qu'il soit évidemment hors d'état de les empêcher.

Quant à la composition du nouveau Corps législatif, il est de toute évidence, que l'exagération au moins en sera la base principale, et comme la majorité de la saine partie de mes anciens collègues déposa hier ses fonctions, il y a tout lieu de croire que désormais

désormais les deux Conseils seront entraînés bien loin au-delà des principes et de la justice.

O céleste liberté ! fille immortelle de la vertu, toi qui seras toujours chère à mon cœur, quelle que soit l'issue des nouveaux événemens qui se préparent! n'aurais-tu donc paru sur l'horison français que comme un de ces météores brillans, mais fugitifs, qu'un instant fait éclore, et qu'un autre instant fait disparaître aussitôt !

Au reste, les partisans du Directoire et ceux de la Montagne, également amis de moyens violens, mais divisés sur les moyens de dominer, ne tarderont pas à entrer en guerre ouverte.

Le dernier parti est composé d'hommes plus unis, plus audacieux, plus opiniâtres et sur-tout plus fidèles; or, comme ils ne se cachent pas de déclarer que leur intention formelle est d'attaquer les Directeurs, dont certains d'entre eux ont été même jusqu'à dire assez hautement, en ma présence, qu'ils feraient rouler les tétes sur l'échafaud, il doit nécessairement arriver bientôt, ou que la Montagne renversera les Directeurs, ou que ceux-ci, armés du pouvoir, et personnellement instruits par les crises révolutionnaires qui leur ont appris qu'en affaires de ce genre l'avantage demeure presque toujours à l'agresseur, net tarderont pas à renverser la Montagne.

J'ai penché long-temps pour le Directoire, malgré les sujets de plaintes person

A