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vers, les trouva fort piquans, et ne pensa plus qu'à se faire présenter à la personne qui le traitait si mal. La curiosité de miss Milbank l'emporta sans doute sur sa haine, puisqu'elle consentit à se trouver à une soirée avec lord Byron. Ils se virent alors pour la première fois. Sans être belle, elle était agréable; et son esprit acheva sa conquête. Lord Byron n'épargna aucun soin pour la faire revenir de ses préventions. Il mit une sorte de coquetterie à lui plaire, et il y parvint. Il est à craindre que, d'un côté, l'orgueil de vaincre une antipathie déclarée; et de l'autre, celui d'attacher et de fixer un homme de génie dont le nom était déjà dans toutes les bouches, ne fût l'origine et la cause de cet attachement mutuel. Quoi qu'il en soit, il devint si vif de part et d'autre, qu'au commencement du mois de décembre 1814, lord Byron demanda la main de miss J. Milbank. Il l'épousa, le 2 janvier 1815, à Seham, dans le comté

de Durham.

Ce mariage étonna généralement. On ne comprenait pas que lord Byron, qui avait à peine vingt-sept ans, eût renoncé si jeune à son indépendance. La sévérité des principes de miss Milbank, et de ceux de son père qui poussait la dévotion jusqu'au puritanisme, rendait la chose encore plus singulière. Non pas que lord Byron eût mené une conduite plus dissipée que la foule des jeunes gens riches du même âge; mais son ta

lent ayant excité l'envie, il avait été l'objet des calomnies les plus fausses et les plus odieuses. Avant son mariage, lady Byron s'informa, dit-on, avec soin, de toutes les circonstances de la vie passée de son mari, et probablement qu'elle n'y découvrit rien que de pardonnable, puisqu'elle consentit à devenir sa femme. Peut-être l'espoir d'une réforme, et la gloire d'y avoir coopéré furent-ils pour quelque chose dans sa décision. Avec du charme dans l'esprit, et du dévouement à ceux qu'elle aimait, elle passait pour avoir un caractère hautain et jaloux.

Après leur mariage, les deux époux revinrent à Londres. Lord Byron publia des mélodies Hébraïques, et quelques pièces de vers, entr'autres, l'Adieu à Napoléon, l'Ode sur l'étoile de la Légion d'honneur, l'Ode sur Waterloo, et l'Ode sur la France. (*) Il allait rarement dans le monde, et ne s'y montrait guère qu'avec sa femme. Peu de gens connaissaient leur intérieur. Lady Byron avait auprès d'elle son ancienne gouvernante, qu'elle regardait comme une amie, et qu'elle traitait avec beaucoup d'égards. Soit que lord Byron fùt fatigué de la présence continuelle d'un tiers, soit qu'il vît avec chagrin l'influence qu'une étrangère exerçait dans sa maison, il paraît qu'il offensa grièvement l'orgueil de cette femme. C'est du moins le seul

(*) La dernière n'a jamais paru traduite en français.

motif auquel on puisse attribuer la haine profonde et infatigable qu'elle lui montra depuis. Connaissant mieux que personne le caractère de lady Byron, elle sut faire agir à propos tous les ressorts pour exciter sa jalousie, et empoisonner son bonheur domestique. Elle attisait ses moindres ressentimens contre lord Byron. Elle le noircissait par de faux rapports, et aggravait les torts qu'il pouvait avoir. L'irritabilité de ce dernier ne lui permettait pas de répondre avec calme à des reproches injustes: l'amour sincère qu'il avait pour sa femme redoublait sa fureur contre la mégère dont l'ascendant était si funeste à son repos. Il s'en plaignit : elle le sut, et jura de s'en venger. Une occasion s'offrit bientôt.

Lord Byron fut nommé membre du comité de Drury-Lane. Ces fonctions l'obligeaient à entretenir des relations continuelles avec les acteurs et les actrices de ce théâtre. Lady Byron, livrée à sa perfide confidente, jugea que c'était un prétexte spécieux pour cacher quelque intrigue elle ne parla point de ses soupçons à son mari, mais elle le traita avec hauteur et dédain.

A la fin de 1815, lady Byron accoucha d'une fille. Lord Byron en ressentit une extrême joie; il aimait naturellement les enfans, et il passait souvent des heures entières assis auprès du berceau de sa petite Ada. A peu près vers le même temps, la belle Mistress Mardyn, qui faisait alors

a

partie de la troupe de Drury-Lane, se présenta chez lord Byron pour lui parler d'affaires. Il écrivait dans sa bibliothèque; le domestique la fit entrer. Pendant sa visite, il survint un orage et une pluie si abondante, que, ne pouvant retourner chez elle à pied, elle envoya chercher un fiacre. On n'en trouva pas; lord Byron ordonna qu'on mit les chevaux à sa voiture, et qu'on reconduisit Mistress Mardyn chez elle. Lady Byron, avertie par son argus de la présence de cette actrice, oublia sa dignité au point de défendre au cocher d'obéir à son maître. Elle renvoya le domestique lui dire qu'on avait emprunté la voiture et qu'elle était dehors. Irrité d'un refus dont il pénétrait le motif, lord Byron reprit avec impétuosité: « En ce cas, attelez de suite celle de madame. >> Cet ordre ne fut pas plus suivi que l'autre. Lady Byron dit au domestique : « Allez dire à votre maître que jamais Mistress Mardyn ne montera dans une voiture qui m'appartienne. » L'injustice d'un pareil procédé révolta lord Byron il se tourna vers Mistress Mardyn et la pria de lui faire l'honneur de rester à dîner, puisqu'il ne pouvait pas la

faire reconduire chez elle.

à

Il lui donna la main pour passer dans la salle manger, où lady Byron les avait précédés; et, s'avançant à sa rencontre, il lui présenta Mistress Mardyn. Au lieu de l'accueillir avec bonté, elle recula de quelques pas, et lui adressa les plus

amères railleries sur le but de sa visite et sur sa conduite; puis, s'élançant vers la porte, elle sortit. Lord Byron, trop irrité pour se contenir, la suivit en lui disant de ces mots offensans que l'orgueil ne pardonne point. Il referma la porte sur elle avec bruit. Elle rentra au bout d'un moment; son maintien était calme et composé. « Je vous laisse pour toujours, lui dit-elle; je ne veux plus vivre avec un pareil homme. » Ce furent les dernières paroles que lord Byron entendit prononcer par sa femme : il la vit alors pour la dernière fois. Elle monta dans la voiture qu'on venait d'atteler pour Mistress Mardyn, d'après un nouvel ordre de lord Byron, et s'enfuit en quelque sorte de sa propre maison : elle se retira chez son père, laissant son mari confondu, et Mistress Mardyn, cause innocente de tout ce trouble, à demi évanouie.

Le bruit de cet événement se répandit bientôt à Londres: il devint l'objet de toutes les conversations. On prit fait et cause pour lady Byron: on ne vit plus en elle que la victime d'un homme capricieux et sans mœurs, d'un fou dont elle avait tout à craindre (*). Le nom de Mistress Mardyn se mêlait à tous ces commérages: on l'accusait d'avoir

(*) A cette époque, le bruit se répandit que lord Byron avait des accès de démence; on alla même jusqu'à dire que, dans un de ces momens de frénésie, il avait tenu son enfant qu'il adorait, suspendu par une senêtre, en menaçant de le laisser tomber. Ces contes absurdes ont été démentis par toutes les personnes qui le voyaient alors.

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