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ne l'eussent souillée. Plein d'orgueil et de vengeance, il dédaigne le genre humain, et n'y voit que des hypocrites. Cependant, l'amour de la gloire le tourmente : il ne peut plus le placer dans la vertu, il le met dans ses conquêtes; mais il n'a pas l'insouciance qui permet d'en jouir. Le type de ce personnage, si souvent reproduit par lord Byron, semble être l'archange déchu. Ses héros ont la même grandeur, la mème ambition; ils se débattent comme lui sous le poids d'une malédiction terrible.

Le poème du Corsaire abonde en faits et en sombres images. L'assaut du palais, la nuit de la prison, l'apparition de la sultane et sa terrible rencontre avec le corsaire après l'assassinat, tout fait tableau et se dessine à l'œil. La versification est solennelle. C'est la mesure de l'ancien vers héroïque des Anglais; il a dix syllabes, tandis que celui du Giaour n'en a que huit. Malgré l'admiration qu'excita cet ouvrage, ce n'est point celui que je préfère. J'y trouve plus de romanesque que de sentiment, et une sorte de gène et d'affectation. qui tient peut-être au nouveau rythme que lord Byron avait adopté. Dans sa lettre à Moore, il annonçait l'intention de se reposer pendant quelques années. Ce fut sans doute cette espèce d'engagement pris avec le public qui le décida à faire paraitre Lara sans son nom. C'est encore le Corsaire plus vieux de quelques années. Cet être à

part des

autres, est enveloppé de mystère et de ténèbres. Terrible pour tous, il n'est accessible que pour son page au teint basané qui l'a suivi dans une terre étrangère: Kaled sait des paroles qui calment ses souffrances; il sait faire évanouir les visions qui épouvantent son maître. Il a seul le secret de ses crimes, et ce secret doit être affreux. Lord Byron laisse toujours derrière ses paroles un abîme qu'on n'ose sonder. On ne cherche même pas à deviner ce qu'il cache. On éprouve le même effroi qu'en se penchant au-dessus d'un gouffre dont on ne peut découvrir le fond.

CHAPITRE V.

PORTRAIT DE LORD BYRON;· DE QUELLE MANIÈRE IL FIT CONNAISSANCE AVEC MISS MILBANK, QUI FUT

DEPUIS LADY BYRON;

DOMESTIQUES.

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SÉPARATION. L'adieu. VERS

INÉDITS DE LADY BYRON A SA FILLE ET A UNE DE SES AMIES.—esquisse d'une vie privée,

Le génie de lord Byron, l'indépendance de son caractère, son dédain pour les honneurs qui éveillent l'ambition des autres hommes, tout concourait à le rendre l'objet de la curiosité publique. Les personnes qui blamaient le plus ses ouvrages n'étaient pas les moins empressées à le connaître. Les extravagances d'une femme qui se prit d'une folle passion pour lui, achevèrent de le mettre à la mode. Tout le monde voulut le voir; et c'était une épreuve à laquelle il ne pouvait que gagner; car ses manières étaient séduisantes, et ses traits parfaitement beaux. Il avait le front haut et un peu découvert; les cheveux noirs, les yeux d'un bleu foncé; son regard, habituellement doux et pénétrant, était quelquefois vif et impérieux. Sa

bouche exprimait tour-à-tour le dédain et la tendresse. Mais le caractère le plus ordinaire de sa physionomie, c'était une grande noblesse, de la bonté, et quelque chose de pensif. Quand un ridicule le frappait, son sourire devenait ironique. Lorsqu'il était fortement ému, ou indigné, ses sensations les plus profondes se peignaient aussitôt sur son visage, dont l'expression était extraordinairement mobile et nuancée. Un poète, son rival, disait de lui: C'est un beau vase d'albâtre, uni en dehors, sculpté en dedans; allumez une flamme dans l'intérieur, vous verrez aussitôt le vase resplendir, et toutes les figures, toutes les formes que le ciseau de l'artiste a modelées dans son sein vous apparaitront brillantes (*). Il avait le son de la voix doux et vibrant. Il lisait avec beaucoup de chaleur et d'enthousiasme. J'ai entendu assurer à un littérateur anglais très distingué, qui a vécu long-temps dans l'intimité de lord Byron, que personne ne possédait à un plus haut degré les qualités qui font le charme de la vie intérieure. Cependant, il était irritable comme tous les hommes qui sentent vivement; mais c'était plutôt de l'impatience que de la colère. Il prenait les gens en aversion, dès qu'il croyait avoir découvert en eux de la bassesse et des penchans ignobles: mais

(*) Je ne sais pas de qui est cette belle image, j'emprunte cette citation à un excellent article de M. Chasles, sur les poètes anglais, qui parut dans la Revue Encyclopédique, en 1821; volume VIII, page 228 et 446.

il excusait les torts de ses amis, et les servait de

tout son pouvoir.

Il habitait Londres, en 1814, et se rendait tous les jours à midi chez son éditeur, M. Murray, où il trouvait plusieurs hommes de lettres avec lesquels il était lié. Il y passait environ trois heures occupé à parcourir les brochures nouvelles, les journaux, et à s'entretenir de littérature ou de politique. Il était fort exclusif dans le choix de son cercle intime, et désignait à M. Murray ceux qu'il voulait exclure ou admettre dans le salon qu'on lui réservait.

A l'époque où il était le plus recherché de la première société de l'Angleterre, et où il occupait toutes les têtes, il entendit parler un jour des vers qu'une jeune personne avait faits contre lui et contre ses ouvrages : c'était miss J. Milbank, fille unique de sir Ralph Milbank, baronnet. Lord Byron ne la connaissait pas; mais on la lui avait dépeinte comme une personne très accomplie et de beaucoup de talens. Dans sa critique, elle avait attaqué l'auteur plus encore que ses poésies. Elle y disait qu'il était facile de le reconnaître dans le portrait qu'il faisait de Childe Harold; que sa conduite était parfaitement d'accord avec ses principes, etc... Ses amies ajoutaient qu'elle avait pour lord Byron une horreur invincible, et qu'elle le regardait comme un monstre. Cette espèce de défi donna l'éveil à la vanité de ce dernier. Il lut les

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