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Un livre était ouvert près de nous, où la gloire
De Surcouf le corsaire et ses exploits anciens
Vivent par le savoir pieux de l'un des siens,
Un livre de ceux-là qui font aimer et croire.

Et près de cette mer où tonna le canon
Tant de fois contre les marins de l'Angleterre,
Nos rêves, dans le soir alangui de mystère
S'en allèrent vers vous qui portez ce haut nom;

Vers vous en qui, par tant de morbidesse exquise,
S'attendrit l'âpreté farouche des aïeux,

Et qui portez tout l'or anglais dans vos cheveux,
Et dans vos yeux d'azur toute la mer conquise.

Parfait ouvrier du vers comme son maître, Edouard Beaufils, dès ses premières publications, s'est révélé extraordinairement triste :

Oh! quand le marbre noir pèsera sur nos fronts,
Seigneur, est-ce le jour où nous les étreindrons,
Ces bonheurs des lointains paradis que je pleure ?

Le souvenir des pieuses tendresses maternelles l'émeut:

Quand je n'étais qu'un tout petit enfant, ma mère,
Vous veniez chaque soir

Au bord de mon berceau, calmement vous asseoir,
Et nos voix se mêlaient pour dire une prière.

Je m'endormais très pur, ma main dans votre main,
Et ma jeune chimère

Se berçait dans un songe où nos lèvres, ma mère,
Chantaient jusqu'au réveil l'espoir du lendemain.

Et j'ai grandi depuis et j'ai pleuré, ma mère,
Car le rêve m'a pris ;

Mais je retiens les mots que vous m'avez appris
Le soir, de votre voix si pieuse et si chère.

Je les saurai toujours, ces doux mots que j'ai sus
De la douce prière,

Et mon pauvre cœur sombre est consolé, ma mère,
Quand j'ai prié, comme autrefois, le bon Jésus.

Et je me souviendrai dans ma tristesse amère
Du passé réchauffant,

Et comme au temps où j'étais tout petit enfant

Je garde la candeur de votre foi, ma mère.

Vivre lui pèse comme à ses camarades de vingt ans et, seules, croit le poète, les croyances religieuses pourront les consoler :

Seigneur, Seigneur, par les affres de ton calvaire,

Par tes pieds nus saignant aux cailloux des chemins,
Par le trou de ton flanc, par les clous de tes mains,
O Seigneur Christ, veux-tu nous dire ton mystère ?
Seigneur Christ, non, Jésus, Jésus, aux cheveux roux
Ecarte seulement un peu ta chevelure,

Que se lève l'aurore, éblouissante et pure,

De ta face, et que nous tombions à tes genoux ?

Dans le second volume de Beaufils: Les Houles, l'influence baudelairienne est très nettement marquée :

... Vous le rappelez-vous encor,

Ce doux sonnet de Baudelaire
Que me chantait votre voix d'or
Un soir que j'avais su vous plaire ?

... Sous ma lampe, volets fermés,
Je relis les vers, chère enfuie,
Du poète que vous aimez
Au bruit du vent et de la pluie.

Et je sanglotte, en même temps,
Très chère, très belle et très bonne,
Qu'au dehors, dans la nuit, j'entends
Tomber les larmes de l'automne.

Amie aux yeux changeants, si doux,
De par l'automnal diadème
Que font vos nobles cheveux roux,
Vous êtes un beau chrysanthème,
Un beau chrysanthème onduleux
Dont penche la corolle, éclose
Par un soir d'octobre frileux
Au pays gris de la névrose.

Vos cheveux roux, vos cheveux d'or
Ont la fauve couleur, amie,

Des fins pétales où s'endort
L'âme même de l'anémie.

Ils en ont l'échevèlement

Et la grâce étrange et perverse
Quand sur votre front, follement,
Ils s'ébouriffent en averse,

Et de même que cette fleur

Dont le charme bizarre étonne,
Vous fleurissez de votre langueur,

Amie, en votre âme d'automne.

Beaufils, comme son patron Beaudelaire, a des accents très passionnés; mais ce ne sont pas seulement des pensées voluptueuses qui hantent ses rêves. Il se complaît dans l'évocation de paysages entrevus au cours de ses promenades en Basse-Bretagne :

Le soir tombait dans la langueur des fins d'été
Sur la plaine et sur la montagne,

Un soir couleur de rêve et d'automne attristé
Comme il n'en tombe qu'en Bretagne.

Le ciel était d'un rose exquis; la mer, là-bas,

Frissonnait sous des baisers roses,

Et des feux s'allumaient sur le phare de Batz

Dans le crépuscule des choses :

Du côté de Saint-Jean-du-Doigt, dans les vallons,
Flottait une vapeur lointaine,

Et la chapelle où les dévots en cheveux longs
Trempent leurs yeux dans la fontaine,

La chapelle de Saint-Jean émergeait un peu,
Toute blanche, de la verdure,

Et, vers le sud, les monts d'Arré, sur un fond bleu,
Profilaient leur échine dure.

Il aime à se rappeler de pieux souvenirs de son enfance :

Autrefois, j'ai vu des éphèbes blonds

Qui priaient la Vierge avec des mains blanches,
Et mêlaient leur âme, aux soirs des dimanches,
A l'âme de l'orgue et des violons.

Ils marchaient, nimbés d'extase fleurie,
Beaux comme l'aurore et comme les lys;
Leurs fronts étaient ceints de volubilis,
Et leurs regards bleus pleins de rêverie.
De leur âme ainsi que d'un encensoir,
Vers la chevelure aux torsades rousses
De Jésus, l'ami des âmes très douces,
Voguaient les parfums du rêve et du soir.

Il prête l'oreille à « la voix musicale des choses » et réalise tout naturellement le désir exprimé par Verlaine : « de la musique ». Les vers de Beaufils que nous venons de citer n'en sont-ils pas, et de la meilleure, comme ceux qui suivent, de son ami le compositeur Ropartz :

POUR L'ENFANT MORTE

Les cieux encharmés ont fleuri des fleurs d'or;
Dans l'air flotte un subtil parfum de rêves.
La brise tiédit et la plainte s'endort

Des vagues déferlant le long des grèves.

Par un soir pareil j'ai reçu ses aveux

Plus doux que les musiques les plus douces.
Mon souffle se jouait dans l'or de ses cheveux,
Le vent léger jouait dans l'or des mousses.
Elle s'est endormie au dernier printemps,

Nul ne l'éveillera de son sommeil suprême.
O mort, viens à moi! O mort, je t'attends!
Mort, conduis-moi près de celle que j'aime !

Hélas! la mort, déjà, a fait des vides dans les rangs de la vaillante pléiade de l'Hermine. Vous savez, Mesdames, Messieurs, la fin tragique de René Leclerc qui, sous le pseudonyme de René de la Villoyo, fit paraître des vers extrêmement délicats, témoin ces extraits :

Dans un coffret en bois des Iles

J'ai renfermé sous triples tours
Des reliques de vieux amours
Sentimentales et futiles.

C'est un meuble à compartiments
Où tout se classe et s'étiquette :
Pour chaque case, une amourette;
Là, des regrets là, des serments.

... Noués en bagues, des cheveux,
Boucles blondes et mèches brunes,
Bonnes et mauvaises fortunes,
Plaisirs passés, lointains aveux.

La Poésie Contemporaine (365)

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