Un livre était ouvert près de nous, où la gloire Et près de cette mer où tonna le canon Vers vous en qui, par tant de morbidesse exquise, Et qui portez tout l'or anglais dans vos cheveux, Parfait ouvrier du vers comme son maître, Edouard Beaufils, dès ses premières publications, s'est révélé extraordinairement triste : Oh! quand le marbre noir pèsera sur nos fronts, Le souvenir des pieuses tendresses maternelles l'émeut: Quand je n'étais qu'un tout petit enfant, ma mère, Au bord de mon berceau, calmement vous asseoir, Je m'endormais très pur, ma main dans votre main, Se berçait dans un songe où nos lèvres, ma mère, Et j'ai grandi depuis et j'ai pleuré, ma mère, Mais je retiens les mots que vous m'avez appris Je les saurai toujours, ces doux mots que j'ai sus Et mon pauvre cœur sombre est consolé, ma mère, Et je me souviendrai dans ma tristesse amère Et comme au temps où j'étais tout petit enfant Je garde la candeur de votre foi, ma mère. Vivre lui pèse comme à ses camarades de vingt ans et, seules, croit le poète, les croyances religieuses pourront les consoler : Seigneur, Seigneur, par les affres de ton calvaire, Par tes pieds nus saignant aux cailloux des chemins, Que se lève l'aurore, éblouissante et pure, De ta face, et que nous tombions à tes genoux ? Dans le second volume de Beaufils: Les Houles, l'influence baudelairienne est très nettement marquée : ... Vous le rappelez-vous encor, Ce doux sonnet de Baudelaire ... Sous ma lampe, volets fermés, Et je sanglotte, en même temps, Amie aux yeux changeants, si doux, Vos cheveux roux, vos cheveux d'or Des fins pétales où s'endort Ils en ont l'échevèlement Et la grâce étrange et perverse Et de même que cette fleur Dont le charme bizarre étonne, Amie, en votre âme d'automne. Beaufils, comme son patron Beaudelaire, a des accents très passionnés; mais ce ne sont pas seulement des pensées voluptueuses qui hantent ses rêves. Il se complaît dans l'évocation de paysages entrevus au cours de ses promenades en Basse-Bretagne : Le soir tombait dans la langueur des fins d'été Un soir couleur de rêve et d'automne attristé Le ciel était d'un rose exquis; la mer, là-bas, Frissonnait sous des baisers roses, Et des feux s'allumaient sur le phare de Batz Dans le crépuscule des choses : Du côté de Saint-Jean-du-Doigt, dans les vallons, Et la chapelle où les dévots en cheveux longs La chapelle de Saint-Jean émergeait un peu, Et, vers le sud, les monts d'Arré, sur un fond bleu, Il aime à se rappeler de pieux souvenirs de son enfance : Autrefois, j'ai vu des éphèbes blonds Qui priaient la Vierge avec des mains blanches, Ils marchaient, nimbés d'extase fleurie, Il prête l'oreille à « la voix musicale des choses » et réalise tout naturellement le désir exprimé par Verlaine : « de la musique ». Les vers de Beaufils que nous venons de citer n'en sont-ils pas, et de la meilleure, comme ceux qui suivent, de son ami le compositeur Ropartz : POUR L'ENFANT MORTE Les cieux encharmés ont fleuri des fleurs d'or; Des vagues déferlant le long des grèves. Par un soir pareil j'ai reçu ses aveux Plus doux que les musiques les plus douces. Nul ne l'éveillera de son sommeil suprême. Hélas! la mort, déjà, a fait des vides dans les rangs de la vaillante pléiade de l'Hermine. Vous savez, Mesdames, Messieurs, la fin tragique de René Leclerc qui, sous le pseudonyme de René de la Villoyo, fit paraître des vers extrêmement délicats, témoin ces extraits : Dans un coffret en bois des Iles J'ai renfermé sous triples tours C'est un meuble à compartiments ... Noués en bagues, des cheveux, La Poésie Contemporaine (365) |