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Nous n'examinons pas s'il n'y a point eu un cycle de poèmes lyriques, lequel aura peut-être compris ceux qui concernoient la mythologie; nous ne nous occupons ici que du cycle épique, ou collection d'ouvrages écrits en vers épiques, genre de vers qui demande de la force et de la noblesse, mais qualités auxquelles nos poètes cycliques n'auroient pu atteindre. Quels sont en effet les poètes, et combien y en a-t-il eu, dans toute l'antiquité, qui aient approché d'Homère? Comme il paroît que les cycliques, pour l'ordinaire plus historiens (A) que poètes, étoient fort simples dans leurs narrations, qu'ils n'y faisoient entrer aucun épisode, et que s'ils y mettoient quelquefois de l'agrément, ils l'avoient emprunté d'Homère, nous pensons que c'est par cette raison qu'Horace, parlant de ce cycle, se sert de l'expression (2) orbem vilem, c'est

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(A) D'après cette idée que nous nous formons des poètes cycliques, nous trouvons qu'Horace, parlant d'Homère dans son Epitre à Lollius, lib. 2 Epistol. secundâ epist. vers. 11 se sert d'une expression peu juste, lorsqu'il appelle ce poète épique, Trojani belli scriptorem.

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(1) Artis poeticæ vers. 132.

à-dire,

à-dire, qui ne contient rien que de trivial : Nec circa vilem patulumve moraberis orbem.

Le cycle épique n'en fut pas moins d'une grande utilité. Il servit en général à éclaircir toute l'histoire ancienne. On alloit y puiser, sur cette histoire, des connoissances plus détaillées. Proclus nous fait entendre que c'est dans cette vue que les poèmes cycliques furent lus avec avidité par une infinité de gens. Ce cycle servit encore en particulier aux poètes qui, voulant composer un poème de quelque genre que ce fût, en tiroient un sujet qu'ils ornoient ensuite et amplifioient par leurs fictions et leurs épisodes, C'étoit, comme le dit Horace (1), une matière déjà donnée au public, qu'un auteur pouvoit mettre en œuvre sans s'exposer au reproche de plagiat, et qui dans ses mains devenoit son bien propre, pourvu que circa vilem patulumve orbem non moraretur, c'est-à-dire, pourvu qu'il n'imitât pas simplicité et la sécheresse de la narration du cycle épique, qu'il ne s'en tint pas au sujet tout nu mais qu'il y jetât de la

(1) Artis Poeticæ, vers. 128-135.

la

variété par des épisodes et des ornemens qui lui appartinssent, et qu'il employât des pensées et des expressions convenables au sujet. Selon le même Horace, il étoit plus sûr de faire usage de fables déjà connues, que d'en inventer de nouvelles ; c'est ce qu'il exprime dans ces deux vers:

Rectius Iliacum carmen deducis in actus,
Quảm si proferres ignota indictaque primus.

Cicéron (1), dans une lettre à Luccéius semble avoir eu en vue cet usage que les poètes tragiques firent du cycle épique qui renfermoit une continuité de mythologie, en séparant et en tirant de ce cycle le sujet de leurs drames, qu'ils ornèrent de divers épisodes. L'orateur romain dans cette lettre, invite son ami Luccéius à imiter les poètes, et à traiter séparément, et hors de l'histoire continue, les événemens de son consulat. Il compare la matière de son consulat avec un drame qui ne traite qu'une action, mais divisée en plusieurs actes. Il compare aussi l'histoire continue de Luccéius avec le cycle épique, où divers

(1) Ad Familiar. lib. 5, epist. 12.

poètes avoient exposé les fables à la manière des historiens et par ordre. Non-seulement il compare cette histoire avec les poètes cycliques, mais encore avec l'épopée, qui peut se diviser en plusieurs drames; ce qui fait qu'Aristote l'appelle xúμvbos, c'està-dire, contenant plusieurs fables, non pas qu'elle ne roule principalement sur une action, mais parce que chaque épisode de l'épopée peut être le sujet d'une tragédie;. au lieu qu'une tragédie qui rassembleroit le nombre d'actions que comporte l'épopée, seroit une tragédie vicieuse; si quelqu'un, par exemple, vouloit renfermer dans une seule tragédie, l'Iliade, ou l'Odyssée, ou l'Enéïde. Les poètes tragiques n'empruntoient donc du cycle épique, pour le drame qu'ils vouloient composer, qu'un seul épisode, tel que la mort de Patrocle, ou le massacre des poursuivans de Pénélope.

Ce ne furent pas simplement les poètes d'un talent médiocre, qui firent usage des écrivains du cycle épique et en empruntèrent différentes choses; les poètes qui eurent le plus de célébrité, en usèrent de même. C'est ainsi que Sophocle faisoit tant de cas du cycle épique, qu'il en tiroit non - seu

1

lement des mots et des façons de parler 2 mais encore les sujets entiers de ses dramés. Athénée (1) raconte que dans l'Ajax furieux, Sophocle parlant des poissons qu'il nomme (2), quelqu'un lui demanda si quelque écrivain, avant Sophocle, s'étoit servi de ce mot, Zoïle répondit à la question : Quoique je ne sois pas un gour» mand de profession, je sais que l'auteur » de la Titanomachie, soit Eumélus, soit

Arctinus, soit tout autre qui s'en fait » honneur, s'est servi de la même expres»sion au second livre de son poème, dont » Zoïle cite l'endroit ». Athénée ajoute qu'en effet Sophocle avoit emprunté des poètes cycliques les sujets de toutes ses tragédies. Ce témoignage d'Athénée a engagé Casaubon (3) à recueillir les noms de toutes les tragédies de Sophocle qui se trouvent citées dans les anciens auteurs. Ce savant pensoit

(1) Lib..7, pag. 277.

(2) Au lieu du mot aa, quelques uns lisent xxx, c'est-à-dire, mutili, parce que ces poissons n'ayant point de pieds, sont, pour ainsi dire, mutilės. Gesner croit qu'il s'agit ici du cyllus, ou scillus, chien marin du Pont-Euxin.

(3) In lib. 7 Athenæi, cap. 4.

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