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métrique ou régulière; nous établissons en quoi diffèrent essentiellement ces deux genres de poésie; ensuite nous prouvons que la Poésie métrique n'a point fait disparoître la rhythmique, et que celle-ci a continué de subsister jusqu'à ces derniers tems. On voit par ce simple exposé, que notre Essai renferme nécessairement deux parties, l'une systématique et l'autre historique. Muratori, dans sa Dissertation, a ni gligé la partie systématique de ce sujet; il n'en a embrassé que l'historique, et à cet égard nous lui sommes redevables de plusieurs sources qu'il nous a indiquées, et de plusieurs monumens qu'il nous a conservés. Nous en avons profité, sans néanmoins nous faire une loi d'adopter ses opinions en matière de critique. Nous avons au contraire pris quelquefois la liberté de les com

battre. Nous osons donc assurer avec confiance que notre Essai sur la Poésie rhythmique n'a presque rien de commun avec la Dissertation de Muratori; et c'est une raison de plus pour inviter le lecteur à joindre l'un avec l'autre. Peut-être trouvera-t-il dans la Dissertation de ce savant homme, de nouvelles semences d'idées qui nous seront échappées.

Cet Essai est le premier ouvrage que j'ai donné pour attirer sur moi l'attention de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, qui me permit de le lui dédier. J'en fis tirer, en 1763, deux cents exemplaires, qui furent distribués à tous les membres de l'Académie et à quelques gens de lettres. Il fut bientôt suivi de Recherches historiques, ou d'un Traité de l'impôt sur les successions, et de l'impôt sur les marchandises

chez les Romains. Ces deux ouvrages me concilièrent les suffrages de l'Académie. En 1766, je devins membre de cette savante compagnie. Aujourd'hui je fais paroître au grand jour cette Dissertation sur la Poésie rhythmique. Puisse-t-elle recevoir du public un accueil favorable!

DISSERTATION

SUR

LA POÉSIE RHYTHMIQUE.

ES

Les dieux, disoit Platon, touchés des travaux et des peines inséparables de l'humanité, firent présent à l'homme du chant et de la poésie. Ainsi, dès le premier âge du monde, les hommes, nés avec le goût de l'harmonie, formèrent des sons mélodieux; et ce goût leur fit d'abord inventer des instrumens propres à rendre ces sons. Ensuite ils imaginèrent de marier leurs voix avec ces instrumens; ce qui les conduisit bientôt à substituer des paroles aux sons vides de sens qu'ils avoient jusque-là proférés, en chantant; et ces paroles, assujetties à la mélodie du chant, furent les premiers vers et le berceau de la poésie.

Cette première poésie ( ce terme ne veut dire ici que ce que signifie oratio stricta), n'avoit et ne pouvoit avoir d'autre mesure que celle même des airs ou des chants

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auxquels les paroles étoient asservies; et certain nombre de sons ne comportant qu'un certain nombre de syllabes, les premiers vers ne furent composés que d'une quantité de syllabes, plus ou moins considérable, suivant le nombre de sons qui composoit chaque phrase du chant. L'art d'accumuler divers sons sur une seule syllabe, dut être un des fruits de la musique rendue systématique par la méditation, et devenue capable d'ajouter à sa première simplicité des agrémens qu'elle ne pouvoit pas avoir dans sa naissance. Si donc les phrases du chant étoient toutes du même nombre de les vers étoient tous du même nombre de syllabes. Si le nombre des sons varioit dans les différentes phrases du chant, le nombre des syllabes étoit de même inégal dans les vers.

sons,

Voilà quelle fut la première poésie; et ce fut, selon Aristote (1) et selon la vérité, dans les sacrifices, dans les noces, dans les repas, dans les transports de joie après les victoires, dans l'intervalle du délassement après les travaux, dans les différentes ré

(1) Lib. 8, de Moribus, ad Nicomachum.

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