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pour ainsi dire, en naissant la langue française avec leur propre langue. Tout le monde prit part à la joie de ce brave militaire, et chacun discuta à sa manière l'évènement qui en était la cause. On ne saurait peindre les regrets de cet officier en voyant que sa santé ne lui avait pas permis, nous dit-il, d'aller combattre les ennemis de son souverain pour partager ensuite la gloire de ses heureux frères d'armes. Il me proposa une partie sur le lac pour le lendemain; mais je ne pus l'accepter à cause de mes projets d'excursions dans la ville de Genève.

par le

La belle société que formait cette réunion de voyageurs peut donner une idée des tables d'hôte de la Suisse. Si les auberges de ce charmant pays sont agréables par les compagnies qu'on y trouve, elles ne le sont pas moins par l'extrême propreté, délicat avec lequel on y est servi génégenre ralement; il n'est même pas rare d'être traité dans certains villages comme on le serait dans nos premières villes de France. Les maîtres d'hôtel et leurs sommeillers ne négligent rien pour prévenir les goûts des étrangers, et n'épargnent aucun soin pour leur faire plaisir. Mais souvent il en coûte un peu cher! Disons néanmoins qu'ils ne justifient pas toujours ce reproche des voyageurs, que l'on n'a jamais

à se plaindre des hommes qu'on rencontre dans leurs tables d'hôte, et qu'il y règne un ton de réserve et de décence qui permet à la mère la plus sévère d'y mener sa fille.

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CHAPITRE V.

Bibliothèque publique de Genève; son origine.

Manuscrits précieux. -Collection de sermons prèchés par Calvin. - Lettres de ce réformateur, de Bèze et de Bullinger. - Homélies de saint Augustin,

écrites sur du papyrus. · Tablettes de cire contenant le journal de dépenses de Philippe-le-Bel en 1308; détails sur ce monument curieux, qui donne une idée de la vie de ce prince. -- Recueil de pièces originales relatives au concile de Bâle.

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LA bibliothèque publique de Genève doit son origine à François de Bonnivard, ancien prieur de Saint-Victor, qui lui légua, en 1551, tous ses livres et les manuscrits précieux qu'il possédait (1). On y comptait peu de volumes au commencement du siècle dernier; mais elle s'accrut bientôt par les dons des

(1) Cet ecclésiastique, qui avait employé la plus grande partie de sa fortune à la fondation de plusieurs établissemens utiles, eut le malheur d'adopter les opinions de Calvin; et, par un zèle qu'on ne saurait trop déplorer, il contribua lui-même de tous ses efforts à faire introduire la réforme à Genève.

citoyens et des étrangers dans l'espace de quarante ans elle s'enrichit des meilleurs ouvrages, ainsi que de plusieurs manuscrits d'une extrême rareté. Je consacrai quelques jours à visiter ce monument précieux, et à prendre des notes sur les livres les plus intéressans. Le caractère obligeant du conservateur facilita mes recherches, et ma qualité d'étranger me fit ouvrir tous les trésors dont il est le gardien.

Cette bibliothèque se compose aujourd'hui de quarante mille volumes imprimés, et d'environ trois cents manuscrits. On y trouve neuf volumes in-folio de Calvin, contenant deux mille vingt-trois sermons de lui; ils ne sont pas autographes (1). Tous ces sermons de Calvin, malgré leur nombre prodigieux, sont autant de pièces différentes. Une telle fécondité paraît sans doute bien extraordinaire; mais ce qui étonne non moins, c'est qu'une aussi volumineuse collection ne soit pas complète : elle ne contient, en effet, que les sermons prêchés par Calvin depuis le 29 septembre 1549 jusqu'au 15 fé

(1) On conservait autrefois dans la bibliothèque trentecinq autres volumes de manuscrits de Calvin, qui se trouvaient joints à cette collection de neuf volumes; ils ont été vendus à divers particuliers.

vrier 1560; et l'on sait que l'infatigable prédicant en débita beaucoup d'autres depuis cette dernière époque : il prêcha pour ainsi dire jusqu'au moment de sa mort, arrivée en mai 1564. On voit que l'erreur, malheureusement, ne manque ni de verve ni de courage. Au reste il Au reste il ne faut pas croire que Calvin écrivît ses sermons; il prêchait d'abondance après avoir médité ce qu'il voulait dire, et l'on écrivait ses discours à mesure qu'il les prononçait.

Vingt-deux autres volumes renferment des collections de lettres, de ce réformateur, de Bèze, de Bullinger et de divers personnages célèbres; il y en a trois cent quatre-vingt quatorze de Calvin; ce sont des lettres autographes ou des brouillons de lettres, écrites depuis 1528 jusqu'en 1564. On trouve dans ce recueil quelques lettres relatives au procès de Michel Servet et à celui de Jérôme Bolsec. Ce dernier avait attaqué publiquement, dans l'église de Saint-Pierre, le sermon d'un prédicateur sur la doctrine de la grâce et sur l'origine du mal; il fut mis en prison, puis condamné à sortir du territoire. Je raconterai plus tard le triste sort de Servet.

Il serait trop long de parler de tous les manuscrits précieux qui enrichissent la bibliothèque de Genève. Comme ce n'est point mon projet, je me

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