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ailleurs soumise au honteux usage de la castration et de l'infibulation, adorant dans un tems et dans un lieu ce dont elle rit ou rougit dans d'autres tems et d'autres lieux; faisant succéder au culte de Saturne, de Jupiter, de Vénus, d'Apollon, de Bacchus, de Cérès, de Flore et de Pomone (riantes et allégoriques divinités de l'antique mythologie) le culte révoltant ou grossier de la mythologie moderne ; tantôt prosternée devant un peu de pain, un oignon, une carotte, un bœuf, un un éléphant, un crocodile, etc.; adorant même jusqu'aux excrémens de l'homme et des plus vils animaux; tantôt égorgeant ces mêmes animaux pour appaiser, honorer ou remercier d'invisibles fantômes (produits des cerveaux humains) qu'elle appelle ses dieux, et trop souvent leur offrant en sacrifice des hommes femmes et des enfans; en un mot livrée presque par-tout à une foule de coutumes et de pratiques plus ou moins bisarres, ridicules ou abominables.

des

Il ne sera surpris ni de la multitude des sectes soi-disant philosophiques, ni de l'acharnement mutuel des sectes religieuses composées (les premières de pirroniens, de sceptiques, de stoïciens, d'académiciens, de pithagoriciens, d'épicuriens, de cyniques, etc.; les secondes de luthériens, de calvinistes, de catholiques, de jansénistes et de molinistes, d'orthodoxes et d'hérétiques, de sincretistes, etc.), Il verra avec la même indifférence, la même pitié, le même dédain, et souvent avec la même indulgence, l'aruspice, le druide, le prêtre, le rabin, le bonze, le brachmane, etc. Enfin il verra comment

par

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par les suites de la même puissance, celle de l'habitude (imprimée d'abord elle-mème par la ruse ou la force, la douceur ou la crainte), Confucius Zoroastre, Numa, Moïse, Mahomet, Jésus, le Pape, etc., et tous les fabricateurs de religions et de dieux se sont tour-à-tour emparés de l'imagination des hommes pour les conduire à leur gré, et ont su conserver si longtems leur empire sur eux.

Au milieu de ce monstrueux amas d'absurdités rendues sacrées par l'habitude et le tems; parmi cette foule d'autels et de temples élevés à l'erreur, à peine trouvera-t-il, de loin en loin , quelques prêtres de la raison, quelques sages occupés à étudier la nature, à poser les fondemens des sciences à établir les règles de l'art d'observer et de penser, cherchant à se soumettre et à soumettre les autres à la rare et précieuse habitude de la vérité et de la justice, et assez heureux pourle faire impunément. Il les verra persécutés par le fanatisme et l'ignorance, exposés à la fureur d'une populace aveugle, livrés à la vengeance des moines, des prêtres, des inquisiteurs et des despotes; tantôt poursuivis par les Anitus et buvant la cigue comme Socrate, et tantôt réduits à s'empoisonner pour se soustraire à l'échafaud teint du sang des Bailli et des Lavoisier il gémira sur la triste destinée de l'homme à qui l'on ouvre par-tout les routes sans nombre de la sottise et de l'erreur, tandis qu'on est si attentif à lui fermer le chemin unique de la vérité.

Il ne s'étonnera plus de voir le génie, les sciences et les arts parcourir successivement les diverses ré

seux

gions du globe, périodiquement couvertes des ténèbres de l'ignorance et du fanatisme; il ne sera plus surpris de voir le même peuple être tour-à-tour (dans les mêmes lieux ) éclairé ou abruti, actif ou pares, pauvre ou riche, puissant ou misérable, avili ou sublime; en un mot, parcourant tous les degrés de la civilisation, et passant d'une extrémité à l'autre, suivant qu'il est plus ou moins bien gouverné, qu'il est soumis à de meilleures lois, à un meilleur systême d'éducation. Il conclura de là, comme je l'ai fait, que par-tout les hommes sont à-peu-près ce qu'on veut qu'ils soient par la toute-puissance de l'habitude, et l'art bon ou mauvais avec lequel on forme et l'on dirige leurs facultés.

Cela est si vrai qu'une nation qui seroit d'abord composée des débris de divers peuples, ou de la réunion de toutes sortes d'individus pris dans tous les climats (comme presque toutes le sont plus ou moins par l'effet des conquêtes, des voyages, des allian

ces,

des migrations, de la guerre et du commerce), finiroit, à la longue, par ne plus présenter qu'une masse homogène par suite de la force des mêmes institutions et des mêmes lois. Comment, sans le pouvoir de la législation, du gouvernement et des habitudes qui en dérivent, expliquer ces grands changemens de civilisation si fréquens chez un même peuple et dans un même pays? Pourquoi, dans le même climat, de si grandes différences, et tant d'égalité dans des climats si divers ? Pourquoi tant de diversité entre des peuples qui habitent une même zône de la surface du globe, où le degré

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de latitude est le même ? Pourquoi la philosophie, les sciences et les arts sont-ils voyageurs sur la terre? Comment reconnoître dans les Turcs et les Grecs de nos jours, les descendans de ces anciens Grecs si fameux par les lumières, les arts et la législation? Est-il possible (doit-on se dire, en jettant les yeux sur la carte de la Grèce actuelle) que ce soit-là le pays des Solon, des Licurgue, des Aristide, des Epaminondas; la patrie d'Homère d'Euclide d'Archimède, de Zeuxis, de Phidias et d'Apelle? Tout est perdu, tout a changé par le changement de législation. Combien a été petit et mesquin le peuple qui a succédé à ces fiers Romains, dominateurs de l'univers ! C'est qu'il a été gouverné par un pape et des théologiens, au lieu de l'être par un sénat illustre. Quelle révolution, quel bouleversement en France et en Europe depuis dix ans ! Cependant le sol de la Grèce, de l'Italie et de la France n'a point changé : c'est donc à des causes morales qu'il faut attribuer de si grands changemens. En effet, c'est presque toujours dans la constitution des peuples, dans l'état actuel de la civilisation dans leur degré de raison, enfin dans la nature de leur gouvernement, créateur de leurs passions et de leurs habitudes, qu'on sera sûr de trouver le principe de ces différences qui nous étonnent. Les hommes sont une étoffe dont on fait tout ce que l'on veut il ne s'agit que de vouloir et de savoir en tirer parti et ce talent est celui de l'instituteur philosophe, du législateur et de l'homme d'état. Tous trois doivent s'entr'aider et marcher ensemble. Le

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premier prépare l'esprit et le cœur aux bonnes lois, le second les fait, et le troisième les fait exécuter.

CHAPITRE X I.

Résultat naturel des bonnes habitudes, d'un bon plan d'éducation, de législation et de gouvernement, ou de la liberté et du bonheur.

La liberté, ce bien si cher, éternel objet des vœux

de l'homme, qui est avec la santé, le travail et la paix, la source de tous les vrais biens; la liberté est une chose aussi difficile à conserver qu'à acquérir. Cette plante morale ne croît pas sans peine sur le globe habité par l'homme; globe malheureux, antique séjour des ténèbres, de la folie et du crime, où le génie et la vertu n'ont fait jaillir encore que des éclairs passagers', qui n'offre presque par-tout que le règne de la force sur la foiblesse, le triomphe de la ruse et de la fourberie sur la droiture et la simplicité, enfin celui des passions féroces, des préjugés et de l'erreur sur les lumières, la raison et la justice.

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Quoi qu'il en soit, la liberté chez l'homme civilisé est la faculté de disposer comme il veut de sa personne, de sou tems et de sa fortune. On est libre tant que l'on sent en soi le pouvoir de remuer les diverses parties de son corps ou de rester immobile, de donner ou de refuser son attention à certains ob

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