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Ainsi font-ils tous... J'ai écrit, selon quelquesunes des règles que tu aimes, ô Théonoé, la vie du jeune dieu que je servis dans mon enfance; ils me traitent comme un Évhémère; ils m'écrivent pour me demander quel but je me suis proposé; ils n'estiment que ce qui sert à faire fructifier leurs tables de trapézites, Et pourquoi écrit-on la vie des dieux, ô ciel! si ce n'est pour faire aimer le divin qui fut en eux, et pour montrer que ce divin vit encore et vivra éternellement au cœur de l'humanité?

» Te rappelles-tu ce jour, sous l'archontat de Dionysodore, où un laid petit Juif, parlant le grec des Syriens, vint ici, parcourut tes parvis sans te comprendre, lut tes inscriptions tout de travers et crut trouver dans ton enceinte un autel dédié à un dieu qui serait le Dieu inconnu. Eh bien, ce petit Juif l'a emporté; pendant mille ans, on t'a traitée d'idole, ô Vérité; pendant mille ans, le monde a été un désert où ne germait aucune fleur. Durant ce temps, tu te taisais, ô Salpinx, clairon de la pensée. Déesse de l'ordre, image de la stabilité céleste, on était coupable pour t'aimer, et,

aujourd'hui qu'à force de consciencieux travail nous avons réussi à nous rapprocher de toi, on nous accuse d'avoir commis un crime contre l'esprit humain en rompant des chaînes dont se passait Platon.

>> Toi seule es jeune, ô Cora; toi seule es pure, Vierge; toi seule es saine, ô Hygie; toi seule es forte, ô Victoire. Les cités, tu les gardes, ô Promachos; tu as ce qu'il faut de Mars, ô Aréa; la paix est ton but, ô Pacifique. Législatrice, source des constitutions justes; Démocratie', toi dont le dogme fondamental est que tout bien vient du peuple, et que, partout où il n'y a pas de peuple pour nourrir et inspirer le génie, il n'y a rien, apprendsnous à extraire le diamant des foules impures. Providence de Jupiter, ouvrière divine, mère de toute industrie, protectrice du travail, ô Ergané, toi qui fais la noblesse du travailleur civilisé et le mets si fort au-dessus du Scythe paresseux; Sagesse, toi que Zeus enfanta après s'être replié sur lui-même, après avoir

1. ΑΘΗΝΑΣ ΔΗΜΟΚΡΑΤΙΑΣ. Le Bas, Inscr., I, 32'.

respiré profondément; toi qui habites dans ton père, entièrement unie à son essence; toi qui es sa compagne et sa conscience; Énergie de Zeus, étincelle qui allumes et entretiens le feu chez les héros et les hommes de génie, fais de nous des spiritualistes accomplis. Le jour où les Athéniens et les Rhodiens luttèrent pour le sacrifice, tu choisis d'habiter chez les Athéniens, comme plus sages. Ton père cependant fit descendre Plutus dans un nuage d'or sur la cité des Rhodiens, parce qu'ils avaient aussi rendu hommage à sa fille. Les Rhodiens furent riches; mais les Athéniens eurent de l'esprit, c'est-à-dire la vraie joie, l'éternelle gaieté, la divine enfance du

cœur.

>> Le monde ne sera sauvé qu'en revenant à toi, en répudiant ses attaches barbares. Courons, venons en troupe. Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris dés débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague, répareront leurs larcins, formeront des théories sacrées pour rapporter les débris qu'elles possèdent, en disant: «Par

>> donne-nous, déesse! c'était pour les sauver » des mauvais génies de la nuit,» et rebâtiront tes murs au son de la flûte, pour expier le crime de l'infâme Lysandre! Puis ils iront à Sparte maudire le sol où fut cette maîtresse d'erreurs sombres, et l'insulter parce qu'elle n'est plus.

» Ferme en toi, je résisterai à mes fatales conseillères; à mon scepticisme, qui me fait douter du peuple; à mon inquiétude d'esprit, qui, quand le vrai est trouvé, me le fait chercher encore; à ma fantaisie, qui, après que la raison a prononcé, m'empêche de me tenir en repos. O Archégète, idéal que l'homme de génie incarne en ses chefs-d'œuvre, j'aime mieux être le dernier dans ta maison que le premier ailleurs. Oui, je m'attacherai au stylobate de ton temple; j'oublierai toute discipline hormis la tienne, je me ferai stylite sur tes colonnes, ma cellule sera sur ton architrave. Chose plus difficile pour toi, je me ferai, si je peux, intolérant, partial. Je n'aimerai que toi. Je vais apprendre ta langue, désapprendre le reste. Je serai injuste pour

ce qui ne te touche pas; je me ferai le serviteur du dernier de tes fils. Les habitants actuels

de la terre que tu donnas à Érechthée, je les exalterai, je les flatterai. J'essayerai d'aimer jusqu'à leurs défauts; je me persuaderai, ô Hippia, qu'ils descendent des cavaliers qui célèbrent là-haut, sur le marbre de ta frise, leur fête éternelle. J'arracherai de mon cœur toute fibre qui n'est pas raison et art pur. Je cesserai d'aimer mes maladies, de me complaire en ma fièvre. Soutiens mon ferme propos, ô Salutaire; aide-moi, ô toi qui sauves!

» Que de difficultés, en effet, je prévois! que d'habitudes d'esprit j'aurai à changer! que de souvenirs charmants je devrai arracher de mon cœur! J'essayerai; mais je ne suis pas sûr de moi. Tard je t'ai connue, beauté parfaite. J'aurai des retours, des faiblesses. Une philosophie, perverse sans doute, m'a porté à croire que le bien et le mal, le plaisir et la douleur, le beau et le laid, la raison et la folie se transforment les uns dans les autres par des nuances aussi indiscernables que celles du cou de la colombe. Ne rien aimer, ne rien haïr

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