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DU

BIBLIOPHILE

ET

DU BIBLIOTHÉCAIRE

REVUE MENSUELLE

fondée en 1834

PAR

J. TECHENER

avec le concours de CHARLES NODIER, Baron JÉRÔME PICHON,
PAUL LACROIX, G. PEIGNOT, J. C. BRUNET, etc., etc.,

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LIBRAIRIE HENRI LECLERC

219, RUE SAINT-HONORÉ, 219
et 16, rue d'Alger.

DE

BUSSY-RABUTIN

Le 2 avril 1665, le Grand Condé écrivait à Marie de Gonzague, reine de Pologne : « On a faict un roman escrit à la main, à ce que l'on dit, de toute la cour. On dit que c'est Bussy qui l'a faict, qu'il dit beaucoup de mal de tout le monde et que je n'y suis pas oublié. Je ne l'ay pas encore veu, car il n'est pas fort commun. Bussy le désavoue, mais le bruit public n'est pas bon pour luy ». Condé fut vite éclairé, et sa fureur fut telle que Bussy ne sortit plus qu'armé et cuirassé. En quelques jours la clameur devint générale; tous ceux que Bussy malmenait dans l'Histoire amoureuse des Gaules jetèrent feu et flammes, et Louis XIV crut bon de donner au coupable une solide protection: « L'on a mis aujourd'hui, ce 17 avril (1665), dans la Bastille M. de Bussy-Rabutin, qui a écrit un libelle qui offense les puissances. M. le Prince s'en est plaint au Roi, qui l'a fait arrêter et lui a donné un pourpoint de pierre dans la rue Saint-Antoine » (Gui Patin, Lettres, t. III, p. 525).

Cette mesure ne calma point les colères; Bussy n'était pas aimé ; on fouilla sa vie, on exhuma tous les griefs, vrais ou faux, et un formidable réquisitoire s'éleva contre lui. On peut en juger par la lettre que le duc d'Anguien, fils du Grand Condé, écrivit à la reine de Pologne le 24 avril : « Il a paru icy depuis quelque temps de certains ouvrages fort outrageux et fort insolens qu'un certain fripon nommé Bussy a composés. Il

s'estoit mis en teste de faire l'histoire satirique de son temps, et il a faict des choses espouvantables contre le Roy, contre la Reyne; il y en a aussy contre Monsieur, M. mon père, et il n'y a personne qui en soit exempt. Le Roy l'a faict mettre à la Bastille, et le lieutenant criminel l'a desjà interrogé trois ou quatre fois. C'est un homme qui a mesme d'autres crimes: il a faict la fausse monnoye, il a enlevé une femme, il a assassiné son cocher, il a contrefaict des ordres du Roy. Il n'y a personne à la cour qu'il n'ait sur les bras parce qu'il a offensé tout le monde. Je ne suis pourtant point dans ces ouvrages; mais c'est que, faisant une histoire, il n'en estoit pas encore au temps où je suis revenu de Flandre. Il ne m'auroit pas épargné sans doute. Le Roy est fort aigri contre luy, et je crois qu'il s'en fera justice et à tout ce qu'il y a de gens en France ». La colère des Condé était d'autant plus grande qu'ils considéraient Bussy comme un transfuge; après avoir appartenu à la maison militaire du Grand Condé et fait plusieurs campagnes sous ses ordres, Bussy l'avait abandonné en 1651 et pris le parti de Mazarin.

Louis XIV maintint Bussy à la Bastille pendant un an; il ne fallait pas moins que ce laps de temps pour calmer les animosités. Le prisonnier fut loin d'être maltraité, et, lorsqu'il tomba malade, le roi lui envoya ses propres médecins. On l'obligea à résigner sa charge de mestre-de-camp de la cavalerie légère, puis, comme une sanction s'imposait, on l'exila dans ses terres, et Bussy quitta Paris le 17 mai 1666. Au dire de SaintAignan, cette mesure fut prise à la demande du Grand Condé. Quoi qu'il en soit, Bussy n'ignorait pas que le héros était son principal ennemi; au bout de deux ans, son éloignement de la cour commençait à lui peser sin

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