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En général le ton de ces chansons est âpre et dur comme celui des pamphlets théologiques on y sent plus de colère et de passion que d'enjouement. Cependant la Chanson de la Messe (1562) se distingue entre toutes par la vivacité du rhythme et la gaieté du refrain:

L'on sonne une cloche

Dix ou douze coups;
Le peuple s'approche,

Se met à genoux :
Le prêtre se vêt.

Hari, hari l'âne ! Le prêtre se vêt :
Hari bourriquet!

Du pain sur la nappe,

Un calice d'or

Il met, prend sa chappe,

Dit: Confiteor.

Le peuple se tait.

Hari, hari, l'âne! Le prêtre se vêt :

Hari bourriquet1!

Ce petit mètre alerte et sautillant fut bientôt dans toutes les bouches: la Chanson de la Messe devint une sorte de ronde populaire parmi les réformés. Les soldats la répétaient en fourbissant leurs armes, les enfants en dansant et en se tenant par la main. Les têtes blondes s'agitaient folles et souriantes, et le lendemain les pères s'égorgeaient en chantant Hari, hari l'ane! Un seul de ces couplets fit peut-être à la messe plus d'ennemis que nombre de sermons et de traités théologiques. Nulle raillerie ne blessa plus vivement les catholiques. Ils y répondirent par la Chanson de Marcel, la veille de la Saint-Barthélemy 2.

Le colloque de Poissy fut une occasion solennelle pour les rimeurs des deux partis. Tandis qu'on se préparait à lutter d'éloquence et de savoir dans l'assemblée, au dehors on ferraillait d'avance à coups de pasquils et de couplets. Ronsard, associé à l'évêque de Riez et à Baïf, chansonnait les

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tenants de chaque église dans une complainte assez médiocre, où se trouvent mêlés à propos de l'amour divin la torche de Cupidon et le gril de saint Laurent.

Saint Augustin instruisant une dame
Dit que l'amour est l'âme de notre âme,
Et que la foi, tant soit constante et forte,
Sans vraie amour est inutile et morte 1.

On trouve ainsi que de Bèze et Despense
De bien aimer n'ont fait nulle défense.

Marlorat et le gros et gras Hugonis de Sorbonne, Pierre Martyr et Claude de Saintes, le Légat du Pape et Calvin se trouvent d'accord sur ce chapitre de l'amour, le seul où l'on s'entende, en invoquant le témoignage de l'Écriture:

Puisqu'on la voit de ce propos remplie,

Que pour aimer la loi soit accomplie.

Les beaux esprits sceptiques et railleurs semblaient ne rien. comprendre à la grandeur et à l'importance du débat qui s'engageait.

Le colloque s'ouvrit par une triple harangue, où Théodore de Bèze, le cardinal de Lorraine et le provincial des jésuites Lainez firent admirer tour à tour leur éloquence. Il finit au milieu des huées, des injures et des récriminations. Après avoir bien disputé, on reconnut qu'il était impossible de s'entendre. Chaque parti s'attribua la victoire. Le cardinal fit célébrer sa gloire par toutes les trompettes de la Renommée. Les protestants s'en vengèrent par une nuée d'épigrammes et par une gravure satirique, où l'orgueilleux prélat était représenté à quatre pattes broutant l'herbe, tandis que de Bèze monté sur son dos enseignait au peuple la parole de Dieu. Dans l'opinion commune des réformés, les docteurs catholiques avaient refusé le combat que leur offrait de Bèze sur le texte des saintes Écritures. Ils s'étaient tirés d'embarras en levant les mains au ciel, et en s'écriant comme le grand prêtre des Juifs: Il a blasphémè!

1. Leroux de Lincy. Chants hist., t. II

Ils se sont avisés pères et révérends,

Qu'ils pourraient aussi bien se montrer ignorants.

Tous ces prélats de cour coquets, parfumés, brillants d'or, d'hermine et de soie, offraient un singulier contraste avec la mise sévère et nue des ministres huguenots. Leur apparence mondaine faisait douter de leur science:

« L'on ne nous a instruits qu'à braver et danser,
Courtiser, mugueter, banqueter et chasser,
Et à faire assez mal parfois les chattemites. >>

Ainsi se confessaient pleins d'extrême souci
Une part des prélats assemblés à Poissy,

Craignant de voir bientôt renverser les marmites 1.

A ce moment, il faut bien le dire, les protestants avaient l'avantage du talent, de l'éloquence et du savoir. Saint François de Sales en faisait l'aveu un demi-siècle après, lorsqu'il s'écriait en déplorant la décadence des études sacrées : « C'est par là que cette misérable Genève nous a surpris. ›

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1. Mémoires de Condé, t. II, p. 516 Sonnets sur l'assemblée de Poissy.

CHAPITRE IV

SATIRE CATHOLIQUE.

Les docteurs de Sorbonne Pierre Doré : l'Anti-Calvin.

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de Saintes les Atheismes de Calvin. Le Passavant parisien d'Antoine Cathelan. Artus Désiré : le Combat du fidèle papiste, la Cité de Dieu, etc.. Le jurisconsulte Baudouin. - Le chevalier Ronsard et les ministres huguenots.

de Villegagnon. ·

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I

Tandis que le protestantisme poursuivait son œuvre d'attaque et de destruction, que devenait l'Église catholique ? Surprise à l'improviste et d'abord réduite à la défensive, elle n'eut pas, dès le premier jour, une armée capable de tenir tête à l'invasion des réformateurs, presque tous esprits actifs, entreprenants, armés de science et d'audace, aiguisés par la dispute, prompts à l'escalade, et joignant à tous ces avantages le prestige de la jeunesse et de la nouveauté. Au jargon pédantesque et hérissé de l'école ils substituaient la prose courante d'Érasme, les libres fantaisies du latin macaronique, ou mieux encore l'idiôme vulgaire, qui associait la foule à la lecture de la Bible et aux disputes théologiques. Contre toutes ces séductions de l'esprit et des oreilles, que pouvait l'antique Sorbonne avec ses lourdes armes d'un autre âge? Retranchée derrière ses murailles, elle laissait tomber de loin

en loin, au milieu de la foule inquiète et frémissante, quelque pesante réfutation qu'on ne lisait point,

Telum imbelle sine ictu.

La rude écorce du latin scolastique suffisait pour calmer la curiosité.

Cependant l'esprit de concurrence devait gagner peu à peu les théologiens: quelques-uns songeaient à polir et à parer leur style. Après avoir tant dédaigné la langue vulgaire, ils se décidaient parfois à en user, et se flattèrent bientôt de disputer aux novateurs, avec la conquête des âmes, la gloire de bien écrire, qui aidait à les gagner. Un prédicateur à la mode, Pierre Doré, le maître Doribus auquel Rabelais fait expliquer si plaisamment en chaire l'origine de la rivière des Gobelins, sacrifiait aux Grâces en composant les Allumeltes du feu divin, et la Tourterelle de viduité, petits manuels de dévotion mystique et quintessenciée, dignes de figurer dans le catalogue de la fameuse bibliothèque de Saint-Victor. De pareilles œuvres sans doute étaient un faible préservatif contre l'Institution chrétienne, le Traité des reliques, le Passavant ou la Nécromancie papale. Mais Pierre Doré ne s'en tint pas là. Il alla droit au chef de l'hérésie et lança contre lui l'Anti-Calvin à l'imitation de l'Anti-Luther publié, par Josse Clichtone, chanoine de Chartres, quelques années auparavant. Soit timidité, soit prudence, Pierre Doré l'écrivit en latin. Craignit-il d'initier la foule à ces débats? On serait tenté de le supposer, à voir les scrupules et les hésitations d'un autre fougueux théologien, Claude de Saintes, publiant en français sa Déclaration d'aucuns àthéismes de Calvin et Bèze (1563). « Sire 1, je crains qu'on ne trouve mauvais que j'aie recherché la doctrine des Calvinistes jusques aux premières pierres fondamentales du christianisme, et que je l'aie mise en français et proposée au peuple, qui pour la plupart n'est çapable de telles. difficultés. » Ici nous avons le nœud et l'explication de cette

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