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Un bois de peu d'arpens : l'indulgence des dieux,
Me prodiguant ces biens, a surpassé mes vœux.
C'est assez, je n'en puis désirer davantage.
Si je sus en jouir, conserve-m'en l'usage,
Divin fils de Maïa, par de honteux moyens
Je ne veux ni grossir ni dissiper ces biens;
Et jamais aux autels mon ame intéressée
N'importuna les cieux d'une plainte insensée.
Oh! si j'avois ce champ pour doubler mon jardin!
Si je pouvois un jour en fouillant mon terrain,
Découvrir un trésor, comme l'heureux Tibère,

Qui,
de pauvre fermier, devint propriétaire?
Vains désirs! loin de moi tous ces vœux indiscrets.
Je bénis mon partage: accueille mes souhaits,
Protège, aimable dieu, qui daignes me sourire,
Protège mes troupeaux, mes moissons et ma lyre.
Loin des ambitieux, de Rome et du fracas,
A l'abri de ces vents qui portent le trépas,
Retiré dans mon fort, qu'ai-je de mieux à faire
Que d'égayer un peu ma Muse familière ? »

Il y a de la facilité, du naturel et de la précision. dans ces vers; j'y vois peu de choses à reprendre : je n'en puis désirer davantage n'est pas tout-à-fait la même chose que je ne demande rien de plus : on peut trouver une espèce de cheville dans qui daignes mẹ sourire. Il y a un vernis de simplicité et de familiarité dans Horace que le traducteur a remplacé par un ton un peu plus noble. Il me semble qu'il ne s'est pae si heureusement tiré du passage suivant, qui a tant de suavité dans le latin.

« O rus! quandò ego te aspiciam? quandòque licebit Nunc veterum libris, nunc somno, et inertibus horis Ducere sollicita jucunda oblivia vitæ ? »

Il lui a fallu six vers pour rendre les trois vers d'Horace :

« O ma chère campagne! ô tranquilles demeures! Quand pourrai-je, au sommeil donnant de douces heures, Ou trouvant dans l'étude un utile plaisir,

Parmi ces enchanteurs, charme de mon loisir,
Au sein de la paresse et d'une paix profonde,
Goûter l'heureux oubli des orages du monde ! »

Ces vers sont embarrassés de participes, la marche en est pénible donnant de douces heures est fort dur; parmi ces enchanteurs, charme de mon loisir, est recherché : les deux derniers vers sont les meilleurs.

Un des plus grands ornemens de cette Satire, est la charmante fable du Rat de ville et du Rat des champs, que Lafontaine a imitée avec peu de succès, et qui prouve qu'on peut raconter très agréablement, sans cependant avoir la manière du fabuliste français :

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Rusticus urbanum murem mus paupere fertur
Accepisse cavo veterem vetus hospes amicum,

Asper, et attentus quæsitis ; ut tamen arctum
Solveret hospitiis animum. Quid multa ? neque illi
Sepositi ciceris, nec longæ invidit avenæ :
Aridum et ore ferens acinum, semesaque lardi
Frusta dedit, cupiens variâ fastidia cœnâ
Vincere, tangentis malè singula dente superbo :
Cùm pater ipse domûs paleâ porrectus in hornâ
Esset ador loliumque, dapis meliora relinquens

D.

Il est bien difficile sans doute d'atteindre aux finesses d'un pareil récit, et l'extrême perfection d'Horace est un grand motif d'indulgence envers son traducteur :

« Jadis

Rat des champs, rat de ville étoient deux vieux amis

Dans son trou le premier invita son compère:
C'étoit un rat fort pauvre, à lui-même sévère,
Ménager; mais sachant dans les occasions
Faire un peu de dépense et jusqu'à des façons.

Il offrit à son hôte, avec un zèle extrême,

Des restes de vieux lard, du grain, des raisins même,
Pour vaincre les dégoûts d'un ami délicat,

Ce rat de ville étoit le plus superbe rat.
Effleurant chaque mets, sa fierté dédaigneuse
Les laissoit retomber d'une dent paresseuse,
Tandis que dans un coin le maître du logis,

Lui laissant le meilleur, grignotoit du pain bis ».

Avec un zèle extrême, expressions impropres : ce rat de ville étoit le plus superbe rat, est un vers détaché qui interrompt le récit, et dont le style n'est pas heureux.

Effleurant chaque mets.

de

Il y a dans ces deux vers, qui sont bien faits, l'élégance et du travail, peut-être un peu trop; ce ton poétique est trop discordant avec lui laissant le meilleur, qui est plat et trivial, ainsi que grignotoit.

Le discours du rat de ville a dans le latin des délicatesses que M. Daru a senties, mais qu'il n'a pu transporter dans un idiome rebelle.

« Tandem urbanus ad hunc, quid te juvat, inquit, amice Prærupti nemoris patientem vivere dorso?

Vis tu homines urbemque feris præponere sylvis?

Carpe viam (mihi crede) comes: terrestria quando
Mortales animas vivunt sortita; neque ulla est,

Aut magno, aut parvo,

lethi fuga. Quo, bone circa

Dum licet, in rebus jucundis vive beatus :

Vive memor quàm sis ævi brevis. Hæc ubi dicta

Agrestem pepulêre : domo levis exsilit. Indè

Ambo propositum peragunt iter,

urbis aventes

Moenia nocturni subrepere ».

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« Ciel! dit le citadin, comment est-il possible
De vivre confiné dans ce séjour horrible ?
La ville et les humains ne valent-ils pas mieux
Que ce désert sauvage et ses hôtes affreux?
Croyez-en mes conseils, consentez à me suivre.
Les rats petits et grands doivent cesser de vivre.
Songez-y bien, mon cher, tout est né pour mourir;
Puisque la vie est courte, il faut savoir jouir.
Ce discours ébranla le pauvre solitaire ;
De son réduit paisible il saute à la légère,
Et les voilà tous deux trottant à petit bruit,
Pour entrer dans la ville à l'ombre de la nuit.

Le plaisant de ce discours, dans le latin, consiste dans les sentences morales du rat, qui sont générales. Le traducteur me paroît avoir affloibli la plaisanterio en les appliquant spécialement aux rats :

<<< Les rats petits et grands, etc. »

Ce vers,

<< De son réduit il saute à la légère,

n'est pas exact; sauter à la légère ou sauter légère-» ment ne sont pas la même chose: on dit en français vêtu à la légère, mais non pas sauter à la légère : le copiste est ici bien loin de cette chute dont l'harmonie imitative est si parfaite :

Domo levis exilit,

qui peint si bien le saut d'un rat.

< Pour entrer dans la ville..

Ce tour est un peu louche: on peut trotter à petit bruit sans entrer la nuit dans la ville; il falloit exprimer que l'intention des rats étoit de se glisser dans la ville à la faveur des ténèbres.

XI. année.

La description du repas et de la manière dont il fut troublé, offrent les mêmes beautés dans Horace; et dans le traducteur, les mêmes efforts plus ou moins heureux.

«

Ergo ubi purpureâ porrectum in veste locavit
Agrestem, veluti succinctus cursitat hospes,
Continuatque dapes, necnon vernaliter ipsis
Fungitur officiis, prælambens omne quod affert.
Ille cubans gaudet mutatâ sorte, bonisque
Rebus agit lætum convivam: cùm subitò ingens
Valvarum strepitus lectis excussit utrumque.
Currere per totum pavidi conclave, magisque
Exanimes trepidare, simul domus alta Molossis
Personuit canibus. Tum rustious, Haud mihi vitâ
Est opus hâc, ait; et valeat. Me sylva, cavusque
Tutus ab insidiis tenui solabitur ervo ».

Comparons maintenant avec ce tableau délicieux, tracé par le pinceau d'Horace, l'estampe gravée par M. Daru.

Sur un riche tapis l'étranger est placé,

Et notre citadin, poliment empressé,

Comme un maître d'hôtel, va, vient, sert, se tourmente,

Ayant soin de goûter tous les mets qu'il présente.

Mollement étendu, le campagnard ravi,

Bénit à tout moment son sort et son ami.

Mais voilà qu'à la porte un tapage effroyable
Se fait entendre. Où fuir? Le couple misérable
S'élance mort de peur, et cherchant quelque trou,
Tâche de se sauver sans savoir trop par où;
Quand tout-à-coup encor, pour nouveau rabat-joie,
D'une effroyable voix toute une meute aboie;
De ces longs hurlemens la maison retentit.
Adieu, compère, adieu, je n'ai plus d'appétit,
Dit le rustique; aux champs je vais vivre tranquille,
Sans avoir nul regret aux festins de la ville ».

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