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auprès d'Hélène; Hélène paroît, et leurs charmes sont effacés. Ainsi, l'aurore vermeille, se montre et fait pâlir les astres de la nuit. Les couleurs de la santé animent son teint de rose, sa taille haute, droite comme le sillon que le soc a tracé, s'élève avec grâce, ainsi que le cyprès, au-dessus des jeunes arbrisseaux; Hélène est la gloire et l'ornement de Lacédémone, Qui jamais sut manier avec tant d'adresse l'aiguille et la navette? qui jamais excella comme elle dans les arts de Minerve? quelle main tira de la lyre des sons plus harmonieux ? quelle voix sut chanter avec plus de grâce les louanges de Pallas et de Diane? O vous! dont les yeux sont l'asile des ris et des amours, Hélène, c'en est donc fait, vous fûtes la plus belle et la plus aimable des filles; l'hymen a déjà dénoué votre ceinture. Demain, dès l'aurore, nous irons dans les prairies cueillir les fleurs nouvelles ; nous dirons tristement: Où est donc Hélène ? nos cœurs chercheront Hélène, comme l'agneau nouveau-né cherche sa mère. Empressées à former des couronnes de lotos, nous les suspendrons sous l'ombrage d'un platane; nos mains pencheront sur ses branches fortunées une urne d'argent, remplie des plus doux parfums; et sur son écorce, on lira ces mots gravés par la tendresse : Passant, honore-moi, je suis l'arbre d'Hélène ».

Passons à Virgile, beaucoup plus connu que Théocrite du commun des lecteurs, et dont les beautés sont plus intéressantes pour nous, par la raison que sa Muse est beaucoup moins rustique, et plus digne d'un siècle poli. N'ayant plus ici M. Gin pour concurrent, je dirai plus librement mon avis sur la traduction des Bucoliques mais je vais d'abord jeter un coup-d'œil sur le Discours préliminaire, où il agite une question souvent débattue, sur la manière

:

de traduire les poètes: plusieurs gens de lettres trèsestimables, pensent qu'un poète ne peut être traduit qu'en vers; et ce sentiment a d'abord quelque chose de très-spécieux mais quand on y réfléchit, on s'aperçoit que les entraves de notre versification, et sur-tout la tyrannie de la rime, ne permettent au traducteur qu'une imitation plus ou moins libre: l'abbé Delille, à la tête de ceux qui rejettent les traductions en prose, a plaidé dans sa préface des Georgiques, pro aris et focis c'est à son admirable talent pour le mécanisme du vers, qu'il doit toute sa gloire; et par conséquent il étoit intéressé à défendre la cause des versificateurs; mais son exemple même réfute son opinion: il n'a point traduit Virgile: les Géorgiques latines n'ont été pour lui qu'un texte sur lequel il a composé un poëme français trèsagréable; empruntant la plupart des idées de Virgile, il les a tournées à sa manière: il n'avoit garde de chercher à s'affranchir d'une gêne qui fait son prin cipal mérite, puisque, pour lui, les obstacles sont autant de triomphes: il a plus fait sans doute pour sa propre réputation; mais peut-être eût-il plus fait pour celle de Virgile, en le traduisant en próse poétique, ou, ce qui est presque la même chose, en vers blancs, genre de versification qui joint à la liberté de la prose toutes les richesses de la poésie : les traducteurs de Virgile en prose sont si froids et si plats, si dépourvus de grâce et d'harmonie, qu'ils cèdent au traducteur en vers une victoire trop facile c'est ce qui a fait naître à M. Gin l'idée de traduire lui-même, en prose poétique, un morceau des Géorgiques de Virgile, pour l'opposer aux vers de l'abbé Delille; c'est précisément le même morceau dont l'abbé Delille s'étoit servi pour faire sentir

l'avantage de la versification sur la prose maigre et décharnée de l'abbé Desfontaines.

Voici d'abord le latin:

« At dum prima novis adolescit frondibus ætas,
Parcendum teneris; et dum se lætus ad auràs
Palmes agit, laxis per purum immissus habenis,
1psa acies falcis nondum tentanda, ced uncis,
Carpendæ manibus frondes, interque legendæ.
Inde ubi jam validis amplexæ stipitibus ormos
Exierint, tunc stringe comas, tunc brachia tunde,
Ante reformidant ferrum; tum denique dura
Exerce imperia, et ramos compesce fluentes ».

L'abbé Delille a rendu en vers cette tirade, avec un brillant succès; c'est un des plus beaux endroits de son ouvrage : il n'étoit guère possible de lutter plus heureusement en vers contre son modèle:

«

Quand les premiers bourgeons s'empresseront d'éclore, Que l'acier rigoureux n'y touche point encore;

Même lorsque dans l'air qu'il commence à braver,

Le rejeton moins frêle ose enfin s'élever;
Pardonne à son audace, en faveur de son âge;
Seulement de la main éclaircis son feuillage;
Mais enfin quand tu vois ses robustes rameaux,
Par des noeuds redoublés embrasser les ormeaux,
Alors, saisis le fer, alors, sans indulgence,
De la sève égarée arrête la licence;
Borne des jets errans l'essor présomptueux,
Et des pampres touffus le luxe infructueux ».

Si toutes les Géorgiques étoient traduites avec autant de fidélité, la question seroit presque décidée en faveur des vers. Mais

« Pardonne à son audace en faveur de son âge »

est un développement doucereux de parcendum teneris, cela ressemble au sentiment, cela est plus joli que Virgile, qui est rarement joli :

• Même lorsque dans l'air qu'il commence à braver, Le rejeton moins frêle ose enfin s'élever, »

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Palmes agit, laxis per purum immissus habenis ».

Le poète traducteur n'a point rendu tum denique dura exerce imperia; les derniers vers sont diffus. Il semble que l'abbé Delille y ait mis un luxe infructueux d'épithètes ; la sève égarée de sa Muse pousse des jets errans, et se livre à présomptueux.

De la sève égarée arrête la licence;
Borne des jets errans l'essor présomptueux,
Et des pampres touffus le luxe infructueux ».

un essor

Quelle abondance de mots, pour rendre stringe somas, tunde brachia, ramos compesce fluentes! trois vers, pour rendre dix mots. Mais peut-être étoit-il impossible, dans une traduction en vers, d'approcher plus près de Virgile. Je suis surpris que M. Gin rende aussi peu de justice à l'abbé Delille et à luimême, pour mettre à côté de ces beaux vers une traduction en prose très-foible et très-peu poétique.

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Epargne les tendres rejets de la première année; laisse-les s'élever en liberté dans un air pur; gardetoi de réprimer avec le fer leur ardeur ambitieuse; borne tes soins à choisir les bourgeons, à retrancher d'une main légère les feuilles qui surchargeroient ta vigne, attendant que la tige affermie comprime l'ormeau qu'elle embrasse. Réprime alors une sève trop abondante; exerce alors un dur empire; retranche avec l'acier les rameaux parasites; avant ce temps, les jeunes plans redoutent le fer ».

M. Gin n'est pas heureux dans les preuves dont il appuie son système: ses principes valent mieux que ses exemples; et voici une autre traduction beaucoup plus exacte que la sienne, où il y a plus de nombre et de poésie, et que je n'oserois pas mettre cependant à côté de celle de l'abbé de Delille.

«Mais dans le premier essor de la jeunesse, quand les feuilles nouvelles s'empressent d'éclore, épargne ces tendres rejetons; lors même que le joyeux bourgeon s'avance vers la lumière, et s'abandonne sans crainte à la douceur d'un ciel serein, n'essaie point encore le tranchant de l'acier: 'seulement, que ta main légère choisisse et détache les feuilles inutiles. Mais quand le pampre déjà vigoureux, embrassant les ormeaux, s'élance avec audace, alors arme-toi; réprime alors sa chevelure vagabonde, mutile ses bras robustes; avant cet âge, ils redoutent le fer; alors, enfin, exerce un dur empire; il est temps d'arrêter le luxe de ses rameaux effrénés ».

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Il seroit, je crois, difficile d'être plus fidèle aux tours, aux images, aux métaphores de Virgile : ceux qui voudront se donner la peine de comparer le français avec le latin, s'en convaincront aisément; mais si les vers de l'abbé Delille rendent mieux l'esprit de l'original, c'est un grand argument contre la prose.

Après avoir annoncé le dessein de débarrasser la vie de Virgile des détails fastidieux, puérils et romanesques, dont les anciens grammairiens l'ont farcie, on est fort surpris d'entendre M. Gin faire des contes encore plus absurdes que tous ceux qu'on connoît. Qui pourroit croire, par exemple, que d'après les oracles des Sybilles qui annonçoient le Messie, lẻ sénat ait proscrit tous les enfans qui devoient naître

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