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dans une boîte ouverte, chez le marchand qui débite le poivre, l'encens, les parfums et tout ce qu'on enveloppe avec de mauvais papiers ».

Horace est le seul qui nous ait révélé que ce grand Alexandre, ce fameux disciple du philosophe Aristote, n'avoit point de goût pour la poésie et les lettres, malgré son enthousiasme pour Homère ; et cependant le plus beau siècle de la Grèce est appelé, de son nom, le siècle d'Alexandre.

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Quelques taches légères, répandues dans cette traduction, n'empêchent point qu'elle ne soit nonseulement la meilleure qui existe, mais même exacte et bien écrite mais il ne faut pas y chercher l'agrément de l'original: égaler Horace en français, c'est la chose impossible: en approcher plus ou moins voilà l'unique espoir des traducteurs ; la carrière est toujours ouverte.

M. Binet, dans cette seconde édition, a profité des critiques que la première avoit essuyées : il y a cependant quelques erreurs où il est resté endurci, par exemple, il persiste à croire que incolumi Jove signifie pendant que Jupiter existoit encore, comme s'il étoit possible que Jupiter n'existât plus : M. Binet connoît trop bien la force des expressions latines, pour ignorer qu'incolumis ne s'applique qu'aux objets susceptibles d'être détruits.

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XIII.

Vie de Julius Agricola, traduction nouvelle.

QUELQUES-UNS

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UELQUES-UNS des plus grands admirateurs de Tacite n'ont pu dissimuler les défauts de cet écrivain : J. J. Rousseau, dans sa lettre sur les spectacles, lui reproche de l'obscurité; M. d'Alembert, dans la préface qui est en tête des morceaux qu'il a traduits de Tacite, s'exprime ainsi : «< Quelquefois j'ai pris la » liberté d'altérer un peu le sens, quand il m'a paru présenter une image ou une idée puérile; car ma juste admiration pour Tacite ne m'aveugle pas » jusqu'au point de fermer les yeux sur les endroits » où il me paroît au-dessous de lui-même. Tel est, » par exemple, à mon avis, ce passage de la vie » d'Agricola, où Tacite oppose la rougeur du visage » de Domitien à la pâleur des malheureux qu'il faisoit exécuter en sa présence, et où il remarque » que cette rougeur étant naturelle, préservoit le visage du tyran de l'impression de la honte, cir» constance petite et frivole, etc. >>. On peut joindre à ces jugemens, qui ne sont pas suspects, celui de M. Rollin, qui, en admirant le style de Tacite, ne cache point qu'il le trouve dur et obscur. Mais Tacite ne pèche point seulement par le style : à force de vouloir expliquer le cœur humain, il consulte plus souvent son imagination que la réalité ; il écrivoit à une époque qui fut chez les Romains assez semblable au dix-huitième siècle parmi nous : les auteurs étoient alors beaucoup moins attachés aux

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intérêts du bon sens et de la vérité, qu'à ceux de leur amour-propre et de leur réputation : avant tout, ils cherchoient à briller; ils s'appliquoient d'abord à montrer de l'esprit, de l'éloquence, de la sensibilité, de la profondeur; la solidité, la justesse des pensées, le fonds des choses n'étoient pour eux qu'un accessoire dont ils s'occupoient médiocrement; peu leur importoit d'instruire et d'éclairer le lecteur; ils vouloient seulement qu'il eût à se récrier sur leurs vastes connoissances et sur leur étonnante sagacité; ils ne songeoient pas à bien faire, mais à produire de l'effet. Les auteurs des âges précédens mettoient leur premier soin à penser avec exactitude et justesse, à présenter leurs idées dans un ordre naturel et lumineux, à leur donner, en les exprimant, ce degré de couleur et de relief qui fait le mérite du style, sans montrer les prétentions de l'écrivain; car ils s'étudioient surtout à cacher l'art, qui n'est jamais plus parfait que lorsqu'il est insensible: leur premier, leur principal but étoit de composer de bons ouvrages; et, comme le dit Bossuet, pour une autre occasion, ils laissoient venir la gloire après le mérite; c'est, ajoute l'orateur, maxime qui fait les grands hommes, et l'on peut dire aussi que c'est elle qui fait les grands écrivains. Leurs successeurs, au contraire, ne considéroient que leur amour-propre; et c'est là, dans tous les temps, une des sources du mauvais goût. La bizarrerie l'affectation dans les pensées et dans le style, sont une des suites naturelles de cette disposition: on ne veut plus alors penser et s'exprimer avec simplicité; on dédaigne la nature, on méprise les règles; le style manque de vérité, parce que la bonne foi est bannie du cœur de l'écrivain; un enthousiasme faux prend la place de cette chaleur véritable qui anime et

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vivifie les ouvrages des auteurs du bon temps; l'amourpropre, l'orgueil, l'égoïsme, le charlatanisme qui président à tous les genres de compositions, les altèrent tous et les dénaturent, en corrompant les talens: c'est l'image du dix-huitième siècle, et c'est celle de l'époque où Tacite a vécu.

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Ce grand écrivain n'a pu lui-même se mettre à l'abri de cette contagieuse influence : l'envie de briller, le désir de paroître neuf et profond, la démangeaison d'étaler de la philosophie et de la subtilité, la fureur d'étonner son lecteur par des traits inattendus, ont quelquefois égaré son génie au profit de son amourpropre. Je citerai encore ici le jugement de M. Rollin, un des hommes qui ont le mieux connu l'antiquité : « N'est-il pas à craindre, dit-il, qu'un historien, >> qui affecte presque partout de fouiller dans le coeur » humain, et d'en sonder les replis les plus cachés, » ne donne ses idées et ses conjectures pour des réa»lités, et ne prête souvent aux hommes des in»tentions qu'ils n'ont point eues, et des desseins » auxquels ils n'ont jamais pensé ? Salluste ne » manque pas de jeter dans son histoire des réflexions » de politique; mais il le fait avec plus d'art et dë » réserve, et par-là se rend moins suspect. Il semble » que Tacite, dans l'Histoire des Empereurs, est plus » attentif à faire apercevoir le mal qu'à montrer le » bien; ce qui vient peut-être de ce que ceux dont » nous avons les Vies sont presque tous de mauvais princes».

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Ainsi J. J. Rousseau, d'accord avec le savant auteur de l'Histoire Ancienne, reproche à Tacite de la dureté, de l'obscurité dans le style; M. Rollin ajoute à ce reproche celui de s'être rendu suspect, en jetant trop de réflexions politiques dans ses histoires, en se mon

trant plus attentif à faire apercevoir le mal qu'à indiquer le bien, en risquant de faire croire, par une affectation de profondeur, qu'il prête souvent aux hommes des intentions qu'ils n'ont point eues, et des desseins auxquels ils n'ont jamais pensé; et le fameux M. d'Alembert, un des pontifes de cette philosophie dont le premier commandement étoit : Tu admireras Tacite, accuse cet écrivain d'être quelquefois puéril dans ses idées et dans ses images (*). On peut opposer à ces jugemens celui de Racine et de Bossuet, deux grandes autorités, qui appellent Tacite l'un le plus grave des historiens, et l'autre le plus grand peintre de l'antiquité. Mais ce ne sont pas là des décisions en forme un trait jeté dans un discours ou dans une préface ne prouve presque rien; il y a toujours dans la composition oratoire un peu d'illusion, qui tend à agrandir et à enfler les choses, une préface est faite plus ou moins pour relever l'ouvrage qu'elle annonce; c'est dans celle de Britannicus que Racine donne cet éloge à Tacite: on peut bien y soupçonner quelqu'enthousiasme pour un auteur dont la lecture lui avoit été très - utile dans la composition de sa tragédie. Racine, encore plein de cette chaleur qui accompagne le travail du poète, a donc pú appeler un écrivain dont il avoit emprunté quelques traits et

(*) A ces autorités on peut joindre celle de Blair qui, à la suite d'un bel éloge de Tacite, s'exprime ainsi sur ses défauts: «malgré tant de beautés rares et éclatantes, dit-il, cet auteur n'est point un parfait modèle ; on a vu rarement réussir ceux qui se sont formés à son école; il faut l'admirer plutôt que l'imiter; il y a dans ses réflexions trop de recherche; dans son style trop de concision, quelquefois de l'affectation, souvent de l'obscurité. L'histoire demande, à ce qu'il semble, une manière d'écrire plus coulante plus naturelle et plus simple ».

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