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supérieurs avec les caractères permanents des animaux inférieurs (1)!

Voilà ce qu'Harvey osait penser et écrire, non pour son siècle qui ne pouvait le comprendre, mais pour le nôtre !

La vérité est lente à se faire jour. La circulation ellemème du sang, dont la démonstration était cependant aussi facile à saisir que rigourense, n'eut pas beaucoup plus de succès, à l'origine, que les hautes vues d'Harvey sur l'embryogénie. Dès 1619, l'auteur avait complété sa découverte, et l'enseignait publiquement; en 1628, il fit paraître son célèbre traité De motu cordis (2), et il semblait dès lors qu'Harvey ne pût plus avoir contre lui que ceux «qui ne savent pas distinguer les raisons vraies » et certaines d'avec celles qui sont fausses et incer

(1) De même que j'ai reproduit plus haut le passage, si longtemps négligé, où l'on voit Césalpin devancer Harvey de plus d'un quart de siècle, je reproduirai celui, encore moins connu peutêtre, où l'on voit Harvey devancer d'un siècle et demi mon père et Meckel.

Ce passage d'Harvey, déjà cité par M. SERRES, loc. cit., et par moimême, Vie, travaux et doctrine d'Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, p. 160, se trouve dans les Exercitationes anatomicæ de motu cordis, p. 164 des édit. in-18 de Rotterdam, 1654 et 1660. L'auteur s'exprime ainsi :

« Sic natura perfecta et divina, nihil faciens frustra, nec cuipiam » animali cor addidit, ubi non erat opus, neque, priusquam esset ejus » usus, fecit; sed iisdem gradibus, in formatione cujuscunque ani» malis, transiens per omnium animalium constitutiones (ut ita di» cam, ovum, vermem, fœtum), perfectionem in singulis acquirit. Hæc » alibi in fretus formatione, multis observationibus confirmanda

>> sunt. »>

(2) Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus, in-4, Francfort.

» taines (1). » Mais le nombre en fut grand. La découverte d'Harvey eut quelques défenseurs, et parmi eux Willis, mais une foule d'adversaires; et Riolan lui-même se mit à leur tête, lui que ses contemporains appelèrent le prince des anatomistes (2). Au milieu du xvné siècle, les vieilles idées dominaient encore dans les écoles. Un professeur de Leyde, ayant osé dire, en 1640, que le sang circule dans les vaisseaux et que la terre tourne autour du soleil, se vit sévèrement réprimandé; et l'autorité supérieure défendit, par un acte spécial, l'enseignement de ces dangereuses nouveautés dont l'une pourtant datait déjà de plus de vingt ans (de soixante même, si nous remontons à Césalpin), et l'autre d'un siècle tout entier! Et c'est à peine si Harvey, après avoir employé sa jeunesse à faire sa découverte, son âge mûr à la défendre, put, durant quelques années, se reposer dans sa gloire (3).

(1) Expressions de DESCARTES, De l'homme, in-4, 1664, p. 124. » Cela a été si clairement prouvé par Hervæus, dit encore Descartes, » qu'il ne peut plus être mis en doute que par ceux qui sont attachés » à leurs préjugés, ou... accoutumés à mettre tout en dispute. »

(2) Anatomicorum sui sæculi princeps. Telle est l'inscription mise au bas d'un portrait de Riolan, appartenant à l'ancienne Faculté de médecine, et qui existe encore aujourd'hui.

C'est à Riolan que sont spécialement adressées les deux Exercitationes anatomicæ de circulatione sanguinis, publiées par HARVEY en 1649.

(3) Selon CUVIER (ou du moins selon une phrase que lui attribue M. MAGDELEINE DE SAINT-AGY), loc. cit., t. II, p. 53, Harvey aurait dû ce bonheur à l'adhésion donnée à sa découverte par Descartes, dans le traité De l'homme. Cette adhésion (voy. p. 48, et ci-dessus, note 1) est en effet des plus explicites; et Descartes a fait, comme le dit Cuvier, de la circulation du sang, l'une des bases de sa physiologie. Mais le traité De l'homme ne parut que plusieurs années après la mort d'Harvey: une traduction latine fut d'abord publiée en 1662, puis le texte français

VIII.

Les noms illustres de l'Histoire naturelle à la fin du XVI° siècle et dans la première moitié du xvie sont ceux de Fabio Colonna, plus connu sous le nom de Fabius Columna, et des deux frères de Bâle, Jean et Gaspard Bauhin.

Aldrovande et Jonston, très renommés aussi de leur temps, sont aujourd'hui tombés à un rang secondaire. Tous deux marchaient au XVIIe siècle dans des voies où le xvi n'avait fait lui-même que suivre le xv. On est étonné de trouver à Fabrice et à Harvey des contemporains aussi arriérés. Aldrovande et Jonston ne sont que des compilateurs. Le gigantesque ouvrage du premier, dont la publication, commencée par l'auteur de 1599 à 1605, s'est longtemps poursuivie par les soins de divers continuateurs ; l'Histoire naturelle de Jonston, qui a paru de 1649 à 1653, sont le fruit de recherches, malheureusement aussi mal dirigées qu'immenses. L'esprit scientifique y fait presque complétement défaut. Nulle critique, nul discernement dans le choix des matériaux. Souvent même, en copiant Gesner, Aldrovande le gâte; et Jonston le traitant lui-même comme il avait traité Gesner, leur double travail n'aboutit parfois qu'à introduire dans les anciens textes des erreurs nouvelles.

L'ouvrage de Thomas Moufet, Theatrum insectorum,

en 1664. Harvey avait cessé de vivre le 3 juin 1657 (et non 1658, comme le dit JOURDAN, Biographie médicale, t. V, p. 91, dans un article d'ailleurs généralement exact).

mérite une plus haute estime, parce que l'observation y tient une plus grande place. Mais si important qu'il puisse être dans l'histoire particulière de l'une des branches de a science, il n'a exercé sur son ensemble qu'une influence à peine sensible. L'entomologiste anglais fait à l'égard d'une partie des animaux articulés ce que Rondelet et Belon avaient fait pour les poissons; et il le fait, malgré la différence des temps, sans une supériorité marquée sur nos deux illustres compatriotes.

Les travaux de Colonna sur les mollusques pourraient le placer, comme zoologiste, à côté de Moufet. Mais Colonna est bien supérieur comme botaniste; c'est un observateur infatigable, et il dessine et grave lui-même les résultats de ses observations: on lui doit la connaissance de près de cent plantes nouvelles, et des notions très précises sur les organes de la fructification dans un grand nombre d'espèces. Colonna s'est donc distingué comme organographe, et sous ce point de vue, il est hors ligne dans son époque. En outre, dans ses ouvrages, on trouve parfois les plantes rapprochées selon leurs affinités; et les groupes qu'il forme ainsi peuvent être considérés déjà comme des genres naturels.

Les deux, ou plutôt les trois Bauhin, car Jean Gaspard Bauhin, fils de Gaspard, doit être cité à la suite de son père et de son oncle (1), ont écrit, comme presque tous

(1) Je ne rendrais pas à cette illustre famille un hommage complétement juste, si je ne citais deux noms de plus : ceux de BAUHIN le père, auteur d'une partie de l'Historia naturalis plantarum de DALÉCHAMPS ; et de CHERLER, gendre et collaborateur de Jean Bauhin.

Plusieurs Bauhin, petits-fils et arrière-petits-fils de Gaspard, se sont distingués dans la carrière médicale,

ceux de leur temps, sur des sujets variés; mais c'est essentiellement comme botanistes qu'ils ont illustré leur nom. Les recherches de Jean et de Gaspard, parallèlement poursuivies, mais dans lesquelles ils se prêtaient souvent une aide fraternelle, embrassent le règne végétal tout entier.

Ni l'un ni l'autre ne conduisirent jusqu'au terme leurs colossales entreprises. L'Historia universalis de Jean Baubin, dans laquelle on trouve jusqu'à 5000 plantes décrites et plus de 3600 figurées, nombres immenses pour cette époque, fut entièrement rédigée, mais ne parut que trente-huit ans après la mort de l'auteur, et alors que les progrès de la science lui avaient enlevé une grande partie de son intérêt. Le Theatrum botanicum, œuvre du second des Bauhin, dut pareillement attendre plus de trente ans un éditeur; et alors même il n'en parut qu'un volume, le seul qui cût été terminé. Mais le Pinax avait yu le jour du vivant de Gaspard, et quoique ce livre ne soit, en réalité, qu'un abrégé, ou, selon son titre même, la table, faite à l'avance, du Theatrum botanicum, il a suffi pour placer son auteur à la tête de tous les botanistes de cette époque, sans excepter Jean Bauhin luimême. Le Pinax, c'est un relevé habilement fait de tous les travaux antérieurs ; c'est la coordination, la synonymie de tous les auteurs enfin établic; c'est la nomenclature qui commence à se fixer; c'est une voie heureusement tracée à travers le chaos de toutes les terminologies et de toutes les classifications jusqu'alors concurremment et confusément en usage. Ainsi, des deux frères, l'un a surtout enrichi la science; l'autre a dressé l'inventaire de ses richesses, l'a perfectionnée dans ses formes, et

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