Billeder på siden
PDF
ePub

croît; les calamités du temps sont plus lourdes, et l'on a un plus grand besoin de remède et de consolation. L'oisiveté des cloîtres, qui ne sont plus, comme auparavant, des asiles littéraires, puisque les lettres sont à peu près mortes, favorise encore le développement de la légende; et enfin les imaginations, ébranlées par tant de catastrophes, lui fournissent et en reçoivent chaque jour un nouvel aliment. Les récits miraculeux se substituent aux argumens de théologie; les miracles sont devenus la meilleure démonstration du christianisme: c'est la seule que puissent comprendre les esprits grossiers des barbares.

La légende présente des phases successives et diverses, marquées chacune par un caractère distinctif. D'abord les premiers saints sont les martyrs. Ce sont les héros du christianisme naissant; leur histoire constitue la partie héroïque de la littérature légendaire. Après les martyrs viennent les solitaires, les anachorètes et les cénobites qui combattent contre eux-mêmes devant Dieu, par leur vie d'ascétisme et d'austérités. Cette seconde génération de saints produit tout un ordre de biographies légendaires, consacrées en général aux moines de l'Orient. Après les solitaires viennent les grands évêques; après les contemplatifs, les hommes de la vie active. Ce sont les chefs pieux et savans, ces beaux génies qui gouvernent l'Eglise : les Ambroise, les Grégoire, les Basile, les Augustin, auxquels on en associe de moins dignes, qui n'ont pour titres que leur puissance politique, leur réputation littéraire, quelquefois leur supériorité dans quelque art profane ou dans la bravoure.

Avec l'arrivée des barbares, naît une nouvelle lignée de saints; mais ceux-ci méritent mieux ce nom : ce sont les grands hommes du christianisme qui, en présence des conquérans, protègent les populations épouvantées, s'interposent entre elles et les vainqueurs, ou quelquefois les arrêtent dans leurs ravages; tel fut saint Remy, telle fut sainte Geneviève.

Les barbares, après avoir envahi le pays, se firent saints à leur tour; ces hommes à imaginations bouillantes, à mœurs dures et féroces, reproduisirent dans la Gaule les excès les plus prodigieux des macérations de l'ascétisme oriental. Tels se montrèrent Senocle de Poitiers, Wulfilaïc le stylite de la forêt des Ardennes.

Enfin nous arrivons, au septième siècle, à une classe de saints qui représentent la réaction du christianisme contre la barbarie tels sont saint Léger, saint Bavon, saint Ouen, saint Eloi, et les missionnaires qui vont chez des nations plus farouches que les Francs, au milieu des populations encore païennes de la Germanie, enseigner l'Evangile et convertir à la foi chrétienne. Dans le nombre, deux noms surtout se distinguent : l'Irlandais saint Colomban, et l'Anglo-Saxon Wilfrid, plus connu sous le nom de saint Boniface. On peut les envisager comme les types de cette classe de saints. Dans leur vie, toute de dévouement, ils errent de contrée en contrée, s'arrêtant partout où leur prédication peut être entendue, supportant les privations et les fatigues, s'exposant à tous les périls, résistant aux rois barbares, affrontant les menaces des populations féroces dont ils entreprennent de changer les croyances et les mœurs.— A travers ces faits que l'histoire peut recueillir, la légende entremêle des récits merveilleux ou puérils, par lesquels elle croit relever les traits de ses héros. Saint Colomban se fait apporter par un corbeau des gants qu'il a perdus; il retient, par ses oraisons, l'âme d'un ami près d'expirer, en sorte que cet ami lui demande de cesser et de ne pas lui fermer plus longtemps le ciel; il arrête une barque sur la Loire par une prière, et l'empêche de passer devant le tombeau de saint Martin de Tours, malgré tous les efforts des bateliers; il traverse la Gaule, faisant sur son chemin un grand nombre de miracles et entouré partout de la vénération publique. Cependant c'est un fait à remarquer, que dans la vie de Boniface, par contre, le

merveilleux ne joue aucun rôle. Jusqu'à la mort du saint, on ne rencontre aucun récit miraculeux. Il semble que l'imagination ait respecté cette vie, et l'ait trouvée trop grande par ellemême pour oser y rien ajouter. Ici la légende devient de l'histoire.

C'est par le récit des pieux travaux de ces deux hommes apostoliques que M. Ampère termine ce qu'il avait à dire sur la littérature légendaire, et qu'il conclut son second livre et son second volume.

Cependant l'ignorance s'étendait de plus en plus; les ténèbres allaient s'épaississant toujours davantage; les monastères les plus réputés autrefois pour le savoir avaient abandonné la culture des lettres; la littérature latine avait péri; les écoles étaient abolies; les disputes théologiques même avaient cessé, silence qui annonçait la mort de tout mouvement dans les esprits. Nous ne trouvons plus comme monumens littéraires que quelques annales arides, de pauvres vers tombés, on ne sait trop comment, de la plume de quelque obscur missionnaire, et les rares fragmens des pieuses homélies de saint Eloi.

Charlemagne paraît, et tout change. Dans moins d'un quart de siècle, la France littéraire est métamorphosée. Au lieu d'aller chercher à grand'peine quelques écrivains, quelques vers, quelques homélies au milieu du néant universel des lettres, nous rencontrons une foule d'hommes éminens qui produisent de nombreux ouvrages pendant l'espace d'un siècle.

Charlemagne, autour de qui ce grand mouvement se développe, se montra, par l'influence de son règne tout entier, le restaurateur des lettres et de la civilisation. Il les servit par ses guerres; car la barbarie ne régnait pas seulement au cœur de la Gaule, une barbarie plus grande encore aspirait à y pénétrer. Charlemagne a fait une guerre glorieuse de quarante ans, à cette barbarie extérieure et menaçante qui, du nord et de l'est, semblait prête à se précipiter sur la Gaule. Il a passé son long règne à repousser les Saxons encore païens, à contenir

d'autres populations germaniques, et à servir de barrière aux nations hunniques et slaves qui s'avançaient derrière les populations du Nord. Ces expéditions, protectrices du Midi, allaient aussi porter au dehors, chez les peuples barbares, les germes du christianisme et des lettres.

Une autre influence moins indirecte et plus effective, exercée par Charlemagne en faveur de la civilisation, ce furent les réformes qu'il introduisit dans l'Eglise. Dès le commencement de son règne, on le voit chercher, par diverses prescriptions, à diminuer le désordre et l'ignorance que les mœurs et les coutumes guerrières avaient introduits dans le clergé dégénéré. Il assemble des conciles; il leur fait prononcer des décrets, qui prescrivent l'étude aux évêques, défendent aux moines de sortir de leurs cloîtres, interdisent aux prêtres les divertissemens mondains, et rétablissent, par des règlemens sévères, la discipline méconnue et violée. En 787, ère mémorable dans la civilisation moderne, Charlemagne ordonne la fondation des écoles dans tout l'empire, et enjoint aux évêques de travailler sans délai à les établir. Il fait venir de Rome des maîtres de chant et avec eux des maîtres de grammaire, pour donner une impulsion générale à l'enseignement dans son royaume. La pensée de l'instruction universelle une fois proclamée, l'organisation ne se fait pas longtemps attendre. Un nouvel ordre de l'empereur prescrit dans toutes les écoles l'enseignement de la grammaire, de la musique et du calcul, et appelle chaque curé à apprendre gratuitement la lecture aux enfans de sa paroisse. A partir de ce moment, la Gaule se couvre d'écoles, et la plus célèbre, celle de Tours, est dirigée par le fameux Alcuin. Ainsi s'ouvre une ère de renaissance dont le retentissement se prolongera jusqu'au douzième siècle.

Mais Charlemagne ne se contente pas d'agir par son gouvernement en faveur de la restauration des lettres; il les cultive lui-même. Il donne l'exemple en même temps qu'il proclame ses décrets. Il veut ne demeurer étranger à aucune des études 2

XXVIX

[ocr errors]

qu'il ranime. Il cultive l'écriture qui était alors un art considéré comme une branche de la peinture. Dans ses lettres,dil adresse à Alcuin des questions qui attestent l'infatigable activité de son intelligence ; il l'interroge sur la théologie, sur l'astronomie, sur diverses autres sciences Pendant des repas il se fai sait direla Cités de Dieu de Saint-Augustim louvrage àplarfois d'une grande élévation et d'une grande subtilité! H chercha à se familiariser avec la connaissance de plusieurs langues y le la tin, le grec et même l'hébreu. Issu de la race germaniqueticil montra pour la langue et les traditions de ses pères une prédï» lection particulière. Il voulut appliquer à l'Idiome gèrmanique réputén encore barbare les règles puisées dans l'étude des idiomes classiques et il compoșa dans ce dessein unė giâmmaire franque. Il fit récueillir les vieux chants nationauxлCes chants contenaient probablement les traditions épiques dés peas ples germains dont les débris nous sont restés dans le poème des Niebelungen et dans la portion heroiqué de l'Edda Chárle! magne donna des noms germaniques auximbisɔ ɑdésignaɔ hussi les différens vents par des noms equi sonte à peu de chose près ceux qu'on emploie encore est,csud-est sud-ouest, etc.;cil écrivit ses Capitulaires; la théologie surtout occupa dans son activité intellectuelle la plus grande part. Hofigura lui-même dans les luttes dogmatiques de son temps, il seôméla à la fameuse dispute des leonoclastes. It prit parti. Il écrivit les livres carolins, polémique animée et savante contre le culte dés images._ej v s.mem.bd) ob zuno el é ìàn mik

Mais l'œuvre véritable du grand monarquerne, se compose pas seulement de ses études particulières; ou des livres, qu'il a écrits ou fait écrire ; elle se compose surtout des institutions qu'il a fondées, des écoles qu'il a ouvertes, des hommes qu'il a appelés à lui ou qu'il a formés, de tout ce qu'il a fait pour la civilisation et les lumières dans un temps de barbarie et de ténèbres.. Voilà ce qui justifie l'épithète de, Grand unie pour toujours à son nom, de manière à n'en pouvoir plus être sé

"

« ForrigeFortsæt »