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Dans la première se rangent les lettres pontificales qui formaient titre pour les parties intéressées, notamment les indulgences dont il a été question dans le chapitre précédent. Pour entrer dans quelques détails, je signalerai plus particulièrement les actes par lesquels le pape concédait ou confirmait différents droits dans l'ordre spirituel ou dans l'ordre temporel, renouvelait d'anciens titres, conférait des bénéfices, promulguait des statuts, jugeait les causes portées à son tribunal. Innocent III désigne ces différents actes par les noms suivants : Constitutio, concessio, confirmatio, diffinitio, protectio, innovatio, conscriptio, præceptio, jussio, inhibitio, prohibitio. Les lettres de cette classe se distinguent presque toutes par des formules faciles à reconnaître. Le dispositif de l'acte contient d'ordinaire une de ces locutions : auctoritate præsentium indulgemus... auctoritate præsentium inhibemus... auctoritate apostolica confirmamus... auctoritate sedis apostolicæconfirmamus... Après le dispositif viennent les deux phrases Nulli ergo omnino (ou bien: Decernimus ergo ut nulli omnino) hominum liceat hanc paginam nostræ concessionis (ou, suivant le cas, l'un des noms qui ont été énumérés quelques lignes plus haut) infringere vel ei ausu temerario contraire; et : Si quis autem hoc attemptare præsumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli, apostolorum ejus, se noverit incursurum.

Les lettres pontificales de la seconde classe sont des mandements administratifs, tels que les lettres par lesquelles le pape nommait des commissaires pour veiller à l'exécution de ses volontés, pour faire des enquêtes, pour réformer des abus et pour terminer certains procès; ou bien encore les lettres écrites pour notifier les événements qui touchaient aux intérêts de la chrétienté, pour tracer aux prélats la ligne de conduite qu'ils avaient à suivre et pour inviter les rois et les grands à respecter les lois de l'Église, à protéger les clercs et à rendre justice aux opprimés. A cette classe appartiennent les lettres qu'Innocent III appelle litteræ commissionis, litteræ executoriæ, litteræ monitoriæ, etc. Le dispositif de presque toutes ces lettres renferme les mots : per

sollicite providere ne contra tenorem privilegiorum litterarumve nostrarum possitis qualibet temeritate vexari.» Lettre d'Innocent III, du 20 février 1199, aux Arch. de l'Emp., Bullaire, Innocent III, n. 3, L. 236. — « Privilegium vel litteras. » Lettre d'Innocent IV, postérieure au 5 juillet 1252, et publiée plus loin, p. 72. Voy. aussi le texte cité plus haut, p. 16, not. 2.

apostolica scripta mandamus, ou per apostolica scripta præcipiendo mandamus, ou bien, ce qui est plus rare præsentium auctoritate committimus. On rencontre encore parfois à la même place les verbes rogamus, obsecramus, exhortamur, monemus. Le dispositif n'est pas suivi des phrases: Nulli, etc. (ou : Decernimus, etc.), et: Si quis, etc., dont je parlais tout à l'heure.

On conçoit que souvent la mème affaire donnait lieu en même temps à deux lettres pontificales de nature différente. Prenons un exemple. Le 14 juillet 1211, Innocent III décide que l'abbé de Marmoutier doit rester en possession du monastère de FontaineGéhard. A cette date, deux lettres sont expédiées pour faire connaitre la décision du pape. L'une est adressée à l'abbé et au couvent de Marmoutier elle contient dans le dispositif les mots : auctoritate apostolica confirmamus, et se termine par les phrases: Decernimus, etc., et: Si quis, etc. L'autre est adressée à l'évêque, au doyen et au chantre d'Angers; sur la fin nous y remarquons les mots : Discretioni vestræ per apostolica scripta mandamus quatinus, etc., et l'absence des formules: Decernimus, etc., et: Si quis, etc. La première de ces lettres est, à proprement parler, le titre en vertu duquel l'abbé de Marmoutier devait jouir du monastère de Fontaine-Géhard; la seconde n'est qu'un mandement destiné à faire exécuter la décision du pape.

Lettres scellées sur soie. Lettres scellées sur chanvre.

Aux différences de fond que je viens de signaler dans les lettres pontificales, correspondent des différences de forme, dont la signification paraît avoir échappé aux savants qui ont écrit sur la diplomatique. Ainsi personne n'a encore expliqué d'une manière satisfaisante pourquoi les lettres pontificales sont scellées, les unes sur des lacs de soie rouge et jaune, les autres sur une cordelette de chanvre. Parmi les auteurs qui ont observé le fait, plusieurs se sont tenus sur la réserve; d'autres ont dit que le pape employait tantôt la soie, tantôt le chanvre, pour mettre en relief tantôt sa majesté, tantôt son humilité; suivant d'autres enfin, la soie servait pour les matières gracieuses, et le chanvre pour les matières rigoureuses

1. Voy. Nouv. tr. de diplom., V, 329, not., et N. de Wailly, Éléments de paléo graphie, II, 34.

En comparant un grand nombre de lettres pontificales du treizième siècle, j'ai été conduit à reconnaitre que les attaches de soie se mettaient aux lettres qui se délivraient aux parties intéressées pour constater leurs droits, tandis que les attaches de chanvre étaient réservées pour les mandements'. D'ordinaire la soie indiquait que la lettre devait perpétuellement garder sa valeur, tandis que le chanvre servait pour les lettres dont la valeur était temporaire. C'est à peu près la distinction qui s'observait en France quand les actes royaux se scellaient les uns en cire verte sur lacs de soie, les autres en cire jaune sur queue de parchemin.

Dans le chapitre suivant 2 je ferai connaître un texte inédit des dernières années du treizième siècle, qui montre avec quel soin la chancellerie romaine distinguait les actes scellés sur soie et les actes scellés sur chanvre.

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Innocent III nous apprend lui-même que ses lettres étaient tantôt ouvertes (litteræ patentes), tantôt fermées (litteræ clausæ)*. Les premières s'expédiaient tout ouvertes, avec une bulle pendant au bas de l'acte. Il nous en est parvenu de très-nombreux exemples.

Les autres s'expédiaient pliées, une adresse écrite sur le revers du parchemin, les marges latérales ramenées l'une sur l'autre et percées de deux trous par lesquels on faisait passer les attaches destinées à recevoir la bulle. Pour prendre connaissance d'une missive de cette espèce, le destinataire fendait ordinairement l'un des bords de la lettre, à la hauteur des deux trous par où passaient les attaches, de manière à laisser la bulle pendue à l'un des côtés de la pièce. Les lettres closes d'Innocent III dont nous avons les originaux sont d'une excessive rareté la seule que j'aie vue est à la Bibliothèque impériale ".

Le même établissement possède aussi en original des lettres

1. Quelques mandements ont été scellés sur soie. Mais ils ont le caractère d'ordonnances générales et permanentes.

2. Page 23.

3. Reg., VI, 165.

4. Reg., VI, 166; X, 90.

5. Lettre du 18 novembre 1207, a la Bibl. imp., Suppl. lat., 878, 6°.

closes de Célestin III' et d'Innocent IV 2. On en voit une de Clément III aux Archives de l'Empire 3.

Les lettres pontificales se fermaient quand le pape voulait que personne n'en prit lecture avant le destinataire, ou bien encore quand la lettre servait d'enveloppe à des pièces annexes *.

Lettres communes.

Innocent III parle plusieurs fois des lettres écrites in forma communi ou sub forma communi3.

La correspondance du même pape nous apprend encore que les lettres écrites per illam communem formam: CUM SECUNDUM APOSTOLUM, avaient pour but de subvenir aux besoins des pauvres clercs qui n'étaient pourvus d'aucun bénéfice®.

Un traité composé en Allemagne peu de temps après la mort d'Innocent III nous fera parfaitement comprendre ce qu'il faut entendre par les mots forma communis. On y voit que certaines lettres pontificales étaient simples, d'autres communes et d'autres à lire. Les lettres simples ou communes se donnaient simplement et de droit commun aux parties qui les demandaient; les notaires ou le chancelier les délivraient ordinairement de leur propre autorité. Les lettres à lire devaient être lues par le pape; elles ne se donnaient jamais sans qu'il en eût pris connaissance". Cette explication est confirmée par le pape Nicolas III. Ce pontife détermina les formules de lettres qui devaient se donner avec ou sans lecture (cum lectione, vel sine). Nous en possédons

1. Lettre du 1er mars 1196, à la Bibl. imp., chartes de Baluze, Bulles, n. 25. Le texte de cette lettre est dans Vaissète, II, pr., 181; Jaffé l'indique sous le n° 10578 de son Regesta.

2. Chartes de Baluze, Bulles, n, 53.

3. Lettre de la fin de juin 1188, adressée au comte R. d'Auvergne, et relative aux affaires de l'ordre de Grammont. Arch. de l'Emp., Bullaire, Clément III, n. 5, L. 234. 4. Reg., X, 90.

5. Reg., IX, 156; XII, 146; XVI, 53.

6. Reg., XVI, 165.

7. « Notandum quod commissionum aliæ sunt simplices, aliæ communes, aliæ legendæ. Et dicuntur simplices vel communes eo quod sine difficultate dantur, cum simpliciter de jure communi earum ordo dependeat et processus. Legendæ dicuntur eo quod semper oporteat eas legi domiro papæ. De communibus et simplicibus est regula generalis quod dari possunt a notario vel cancellario. Bibl. imp., Suppl. lat. 1128, fol. 19.

le catalogue', ainsi qu'une table du même genre, intitulée : Rubricæ formarum communium2. Ces tables sont utiles à consulter pour reconnaître les lettres composées ou approuvées par le pape et les lettres qui sont uniquement l'œuvre des employés de la chancellerie. Un autre moyen peut encore conduire à ce résultat, mais seulement quand on examine des actes de la fin du treizième ou du commencement du quatorzième siècle. A cette époque, dans les lettres simples, l'initiale du mot qui suit la formule salutem et apostolicam benedictionem est une petite capitale, tandis que dans toutes les autres lettres le mot correspondant commence par une grosse majuscule 3. La connaissance de cette particularité aiderait peut-être à discerner les lettres de Boniface VIII qui expriment la pensée personnelle de ce pape; mais on n'en saurait, je crois, tirer parti quand il s'agit d'Innocent III: au commencement du treizième siècle, c'est seulement l'étude comparative des formules qui permet de reconnaître les lettres simples ou communes.

FORMULES ET PARTICULARITÉS PALÉOGRAPHIQUES.

Avant d'entrer dans l'examen des formules et des particularités paléographiques qui sont à remarquer dans les actes d'Innocent III, je dois étudier un texte des dernières années du treizième siècle, qui fait connaitre plusieurs curieux usages de la chancellerie romaine sous le pontificat de Boniface VIII. On y verra quelques-uns des moyens auxquels on avait recours pour déjouer l'habileté des faussaires. Ce texte, conservé dans une sorte de formulaire, est très-incorrect et très-obscur. C'est seulement en étudiant les actes originaux de Boniface VIII que je crois avoir réussi à interpréter dans tous ses détails la pensée de l'auteur.

1. Ce catalogue est à la Bibl. imp., ms. lat. 4184, fol. 230; il est précédé de cette note : <«< Anno nativitatis Christi 1278, 12 kal. febr., pontificatus domini Nicolai papæ III anno primo, cum quædam cedula continens formas litterarum apostolicarum infra scriptas oblata esset eidem domino per vicecancellarium, idem dominus, dictis formis inspectis et discussis, præsentibus eodem vicecancellario et quibusdam notariis, dedit certum modum quem circa easdem formas vult observari quousque aliud duxerit ordinandum. »

2. Bibl. imp., ms. lat. 4172.

3. Voyez l'article 4 du texte qui est publié et commenté plus loin, p. 23. ̧

4. Bibl. imp., ms. lat. 4163, f. 5 vo.

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