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Nos alliés naturels.

Par M. L. CARPENTIER.

Les moyens employés pour détruire les insectes nuisibles sont presque oujours impraticables sur une grande échelle et la plupart du temps inefficaces.

On veut détruire des animaux presque invisibles et innombrables par des procédés analogues à ceux dont on se sert pour se débarrasser des grosses bêtes malfaisantes.

On devrait avoir plus de succès en faisant intervenir les forces de la nature et se servant des moyens qu'elle emploie pour conserver l'harmonie générale entre tous les êtres de la création: végétaux et animaux. L'observation nous a fait connaître quelques-uns de ces moyens ; c'est à nous de les mettre en pratique pour protéger nos récoltes, lorsque nous avons troublé l'orde naturel dans une contrée, en cultivant outre mesure une plante précieuse à l'exclusion d'autres espèces, qui n'ont pas pour nous la même utilité.

Si l'homme n'existait pas, aucune espèce ne deviendrait prépondérante, car la nature, qui fait si peu de cas des individus, maintient rigoureusement l'intégrité des espèces, et c'est dans ce but qu'un grand nombre d'espèces parasites ont pour mission de rétablir l'équilibre entre tous les être créés, en détruisant l'excès de reproduction chez les espèces trop fécondes.

Ces parasites, déposés par leurs mères à l'état d'œufs ou de larves dans le corps d'autres espèces, vivent aux dépens de leurs victimes et finissent par les faire mourir. Beaucoup d'insectes nuisibles périssent ainsi avant leur transformation complète.

On a remarqué, en effet, que des insectes nuisibles ayant fait invasion dans un pays où ils avaient causé de grands dommages pendant deux ou trois ans, avaient disparu comme par enchantement l'année suivante, lorsqu'on s'attendait à les voir pulluler et faire encore de plus grands dégâts.

Ce secours ne peut être attribué qu'aux parasites. Presque tous les insectes nuisibles ont les leurs et quelques-uns en ont jusqu'à cinquante espèces différentes acharnées à leur perte.

M. Rondani, savant entomologiste italien, s'est proposé de faire ressortir ce principe dans son Catalogue des insectes nuisibles et leurs parasites.

Pour ce qui concerne le Phylloxera, il fait remarquer que cet aphide est bien plus nuisible en Europe qu'en Amérique, son pays d'origine, et il attribue avec raison l'intensité du mal à ce fait qu'en Amérique le

phylloxera est attaqué par plusieurs autres insectes qui en réduisent le nombre, tandis qu'en Europe il a pu se propager inpunément sans rencontrer ses ennemis naturels.

M. Rondani se demande, en conséquenee, si l'introduction de ces insec tes en Europe, dans les vignobles infestés par le phylloxera, ne serait pas une chose utile.

Ce moyen naturel devrait réussir, car les insectes qui mangent le phylloxera en Amérique pourraient fort bien s'acclimater dans nos vignes et les débarrasser, en partie du moins, de ce fléau.

Nous ne savons si les vignerons et les savants qui s'occupent d'entomologie appliquée ont puisé à ce remède, mais nous ne croyons pas qu'il ait été assayé. Dans tous les cas, voici la liste de ces utiles auxiliaires indiqués par M. Rondani, et qu'il doit être facile de se procurer en Amérique et d'apporter vivants en France.

Leucopis ampelophila, Rondani. (Diptère.) Hemerobius Rileyi, Rondani. (Névroptère.) Hemerobius viticola, Rondani. (Névroptère.) Scymnus Rileyanus, Rondani. (Coléoptère.) Anthocoris insidiosus, Riley. (Hémiptère.) Acarus Planchonii, Rondani. (Aptère.)

Ce ne sont pas là de vrais parasites dans l'acception du mot, mais plutôt des entomophages rapaces, pouvant néanmoins rendre les mêmes services que leurs congénères européens qui détruisent une grande quantité de pucerons.

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Lorsqu'il s'agit de sauvegarder l'une des principales productions agricoles de la France, aucun moyen ne saurait être négligé, et celui-ci, basé sur l'observation de la nature, ne doit pas être mis de côté, lorsque tant de procédés saugrenus ont été essayés sérieusement.

Nous pourrions faire la même remarque au sujet de la Doryphora decemlineata, dont les ravages s'étendent de plus en plus aux ÉtatsUnis. Les craintes que l'on avait conçues sur son apparition en Europe se sont malheureusement réalisées, puisque sa présence vient d'être signalée en Suède. Nos champs de pommes de terre sont maintenant menacés directement.

Que l'on étudie les parasites que cette chrysomèle peut avoir en Amérique, afin de pouvoir, par leur importation, mettre une entrave à la propagation d'un insecte qui peut devenir désastreux pour certaines populations européennes.

(Extrait du Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France).

Le Polygonum amphibium.

Il arrive chaque jour que l'on signale comme nouvelle la constatation d'une qualité utile chez tel ou tel végétal, et que l'on fait beaucoup de bruit autour de cette prétendue découverte. C'est ce qui vient de se

produire pour une plante de la famille des Polygonacées, le Polygonum amphibium, que les journaux des États-Unis ont annoncé comme devant remplacer dans l'industrie l'écorce du chène et les autres produits analogues. D'après les renseignements fournis par ces journaux et reproduits dans la chronique scientifique de la Revue Britannique (voir l'analyse de cet article à notre compte rendu bibliographique du mois d'avril dernier, Bull. 1876, p. 333), cette plante, qui serait connue sous le nom de plante à tanin, serait annuelle; elle contiendrait 18 pour 100 de substance tannante, et il aurait été fondé à Lincoln, dans le Nébraska, une tanrerie qui n'emploierait que cet agent.

Ces indications ne sont pas entièrement exactes.

La famille des polygonacées comprend vingt-trois genres et six cent quatre-vingt-dix-neuf espèces; elle est fort répandue par toute la terre, mais elle se rencontre plus fréquemment dans les climats tempérés de l'hémisphère boréal. Très-peu de ces plantes sont ornementales; leurs racines sont plus ou moins purgatives. Citons, parmi les genres: la Rhubarbe (Rheum), la Patience (Rumex) et la Renouée (Polygonum), qui comprend, en France seulement, la Renouée amphibie, la Bistorte ou Serpentaire, le Liseron, la Persicaire, etc.

Dans ce dernier genre, le Polygonum amphibium, qui est vivace et non annuel, est très-commun au bord des ruisseaux et dans les fossés humides. Sa racine astringente a été employée à la place de la Salsepareille. Déjà en 1836, Duchesne, dans son Répertoire des plantes utiles, la signalait comme pouvant remplacer le tan. M. Bernardin, conservateur du Musée commercial-industriel de Melle-les-Gand (Belgique), constate que ses racines contiennent 22 pour 100 et ses tiges 17 pour 100 de tannin (1). Cette plante se trouve en abondance dans certaines parties de l'Amérique. Une variété, le Polygonum amphibium natans, pousse souvent dans l'eau et l'on en rencontre, sur certains lacs du Canada, des étendues très-considérables formant de vastes tapis de verdure émaillés de fleurs purpurines.

Voici, au sujet de ce végétal, une première note que nous recevons de M. A. Rivière, membre de la Société :

« Le Polygonum amphibium n'est pas une plante annuelle, mais bien vivace et très-traçante. D'un autre côté, il n'est pas besoin d'aller dans l'Amérique du Nord pour la trouver, car elle est extrêmement commune en France on l'y rencontre dans presque tous les étangs et les mares. J'ajouterai que sur les bords de la Seine, et dans la Seine même, au milieu de Paris, elle croît en abondance. On reconnaît facilement le Polygonum amphibium à ses jolies petites fleurs roses disposées en épis. » De son côté, notre confrère M. Vilmorin nous adresse la communication suivante :

(1) Supplément du 15 octobre 1875, à la Classification de 250 matières tannantes, publiée à Gand, en 1872, chez Annoot-Braeckman.

(....

Paris, 24 juin 1876.

Le Polygonum amphibium est une plante qui croît à l'état sauvage dans les endroits marécageux, non-seulement en Amérique, mais en Europe; elle n'est pas cultivée, attendu qu'on ne lui a reconnu jusqu'ici aucun mérite particulier. Pour ces motifs nous n'en avons pas de graines et nous ne pensons pas qu'il en existe nulle part dans le commerce. Il importerait, sans doute, de faire subir une modification nécessaire aux renseignements fournis par les journaux étrangers.

Pour vous fournir les éléments de cette rectification, nous vous demandons la permission de vous communiquer la lettre que nous écrivions dernièrement à ce sujet à un organe spécial, La Halle aux Cuirs, qui s'était fait le premier l'écho des publications anglaises et américaines. C'est le résultat d'une petite enquête que nous avons faite auprès de nos correspondants des États-Unis, et, vous le jugerez sans doute comme nous, le Polygonum amphibium, qui est une de nos plantes indigènes communes, pour revenir de loin, n'en a pas plus de valeur aujourd'hui que par le passé.

Agréez, etc.

VILMORIN, ANDRIEUX ET Cie.

M. Ch. Vincent, rédacteur du journal « La Halle aux Cuirs »,
41, boulevard du Temple.

Monsieur,

Paris, 16 juin 1876.

Il a été publié, dans votre journal La Halle aux Cuirs, vers la fin de mars ou au commencement d'avril, un article sur le Polygonum amphibium (Renouée amphibie), annonçant que cette plante était beaucoup employée en tannerie par les tanneurs américains.

A la suite de cet article, quelques personnes nous ayant demandé notre avis à ce sujet, ainsi que quelques renseignements que nous ne pouvions pas donner, nous nous sommes adressés nous-mêmes en Amérique pour obtenir des renseignements précis, et nous pensons bien faire de vous transmettre ci-après les réponses que nous avons reçues, espérant qu'elles auront peut-être quelque intérêt pour vous.

New-York, 15 mai, 1876.

«En réponse à votre lettre relative au Polygonum amphibium, je dois vous dire que la plante n'est pas du tout connue de nos tanneurs de NewYork. J'ai fait toutes les recherches possibles à ce sujet, et mon avis est que la chose n'est pas sérieuse.

» Je vous communique ci-après les renseignements qui me sont donnés par un de mes correspondants:

» C'est dans le Nebraska qu'il a été découvert, en premier lieu, que

le Polygonum amphibium contenait du tannin dans une certaine proportion. Immédiatement une Compagnie fut proposée pour faire ramasser et emballer la fameuse plante Great American Tanning Plant, et faire disparaître toutes les autres matières tannantes de sur les marchés. La Compagnie alla jusqu'à publier des prospectus, mais je n'en ai plus entendu parler depuis. >

Un autre correspondant nous écrit ce qui suit:

Philadelphie, 25 mai 1876.

«En réponse à votre lettre, je dois vous dire qu'il n'est pas correct que le Polygonum amphibium soit beaucoup employé en Amérique pour la tannerie. Ce n'est que récemment que l'on a découvert que cette plante contenait du tannin, mais bien qu'il ait été publié dans les journaux plusieurs articles relatifs à cette plante, je n'ai jamais pu voir un échantillon de cuir préparé avec ce nouveau produit. La découverte a été faite dans l'ouest de l'Amérique, où le chêne est rare et où la plante est très-abondante. Mon opinion est qu'elle ne peut être qu'un substitut de peu de valeur là où l'écorce de chêne manque. >

En vous priant, Monsieur, de faire de ces renseignements l'usage que vous jugerez à propos, etc. VILMORIN, ANDRIEUX ET Cie.

Signé :

Naturalisation de végétaux à l'île de la Réunion.

Extrait d'une lettre adressée à M. le Secrétaire général par M. Paul Lépervanche, sous-inspecteur des eaux et forêts à Saint-Denis

Monsieur,

A la suite de défrichements immodérés, opérés le plus souvent par le feu, la colonie de la Réunion a vu ses cours d'eau diminuer sensiblement de volume, et la santé publique s'en est gravement ressentie. C'est alors que le service des forêts, auquel j'appartiens, a été organisé, pour réprimer les abus qui se commettaient dans l'intérieur, réparer les désastres qui en étaient la conséquence et sauvegarder les bois qui nous restaient

encore.

Sous le simple effet d'une surveillance active, nous avons obtenu un gazonnement efficace, et le reboisement des localités élevées qu'occupaient depuis peu de temps les envahisseurs du domaine. Grâce à la puissance de notre végétation tropicale, les semences contenues dans le sol ont immédiatement germé, et nous avons aujourd'hui d'épais fourrés, là où la hâche et le feu avaient tout détruit il y a quelques années. Mais il n'en est pas de même des régions basses, épuisées par d'incessantes cultures, et c'est pour arriver à y reconstituer le couvert indispen

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