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(Australie) et membre de la Société zoologique d'Acclimatation, signalait dans les journaux de la localité que la destruction des orangeries était l'œuvre d'une grosse phalène appartenant au genre Ophideres. En 1871, il faisait connaître cette particularité à M. J. Künckel d'Herculais, aide-naturaliste au Muséum, et il lui remettait des spécimens de ces papillons. Mais le savant entomologiste, « convaincu avec tout le monde, dit-il lui-même dans une communication à l'Académie des sciences, que tous les Lépidoptères ont des trompes flexibles, dépourvues de rigidité et incapables, dès lors, de percer la peau d'une orange, avait hésité devant l'affirmation du colon australien, et il avait remis à plus tard l'étude de ces papillons. »

On avait admis, en effet, jusqu'à ce jour, en thèse générale, que tous les lépidoptères, sans exception, à l'état d'insectes parfaits, sont munis d'une trompe excessivement ténue et d'une longueur très-variable, mais souple et ne pouvant se roidir.

Chez tous les individus étudiés jusqu'à ces derniers temps, cette trompe se compose de deux filets concaves à l'intérieur, soudés l'un à l'autre dans toute leur longueur et formant une sorte de tube aspirant. Elle présente des fibres annulaires qui lui permettent de s'allonger, de se raccourcir, de se déplier ou de s'enrouler sur elle-même. A l'état de repos, cette trompe est toujours recourbée en spire concentrique. Il en résulte que les papillons ne peuvent se nourrir que, de matières liquides, ce qu'ils font en pompant les sucs que sécrètent les nectaires des fleurs ou la miellée qui couvre les feuilles de certains arbres. La trompe est rudimentaire chez les Bombyciens, spécialement chez le papillon du Ver à soie. Plusieurs espèces ne paraissent même pas prendre le moindre aliment pendant leur existence ailée, qui est d'ailleurs si courte. Peu de temps après leur éclosion, ces insectes s'accouplent; le mâle meurt presque aussitòt; la femelle périt également, dès qu'elle a déposé ses œufs sur la plante, où la chenille devra plus tard trouver sa nourriture.

Le 4 mai 1875, M. Thozet revenait à la charge dans le Bulletin de Rockhampton, sous le pseudonyme de Pomone. Une controverse s'élevait dans les journaux de l'Australie, et

M. W.-H. Miskin lui répondait que les Ophidères sont, comme tous les autres Lépidoptères, dépourvus d'une trompe perforante, leur permettant de traverser la peau des fruits; que, par conséquent, si l'Ophidère signalé par lui suce réellement le jus des oranges, il ne saurait le faire que sur des plaies déjà produites par la piqûre d'autres insectes.

M. Thozet répliquait, le 10 juin suivant, en reconnaissant que beaucoup d'insectes vivent aux dépens des oranges et causent un préjudice sérieux à la culture; mais il maintenait son affirmation au sujet des Ophidères, et il engageait son contradicteur à étudier de près les mœurs et la conformation de ces Lépidoptères, afin d'être persuadé à son tour.

Voici la description que notre confrère donne du papillon hétérocère qui perfore les oranges:

« L'Ophideres fullonica, dans ses proportions les plus

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Gravure communiquée par la Librairie agricole.

grandes, mesure quatre pouces et demi. Ses ailes supérieures, très-obliques vers l'angle apical, sont marbrées au-dessus de vert eau-de-mer, de blanc, de noir et de brun. Elles présentent en outre trois taches noires, en triangle irrégulier, vers le milieu de la côte marginale, et des bandes d'un gris cendré, faiblement marquées, vers le milieu et vers le bord antérieur. Le dessous de ces premières ailes offre deux bandes noires sur

un fond ocréacé uniforme, avec les pointes brunes. Les ailes postérieures sont d'une couleur jaune-orange foncé à l'angle basal, traversées au milieu par une large bande d'un noir de velours courbée extérieurement; les autres parties sont noires, à l'exception du bord antérieur qui est frangé de blanc entre les nervures. En dessous, mêmes teintes, mais moins vives. Corps, un pouce trois quarts de long sur trois huitièmes de pouce de diamètre. Tête et thorax bruns. Abdomen jaune orangé en dessus et nankin en dessous. Pattes postérieures et intermédiaires armées de forts éperons. Coloris variant tellement, non-seulement entre mâle et femelle, mais même entre individus du même sexe, qu'on pourrait croire réellement à l'existence de plusieurs espèces distinctes. >>

En joignant à ces caractères la structure nouvellement connue de la trompe, et dont nous parlerons un peu plus loin, on établira comme il suit la diagnose générique :

Genre Ophideres (Boisduval). - Antennes assez longues, épaisses, cylindriques, simples dans les deux sexes; palpes très-longs, ascendants, à troisième article comprimé, de forme oblongue; trompe assez courte, rigide, en forme de tarière, pouvant tarauder les enveloppes les plus résistantes, procédant à la fois de la lance barbelée, du foret et de la rape; corps robuste, velu. Pattes fortes, de longueur moyenne, garnies de poils serrés. Ailes épaisses, les supérieures aiguës au sommet, à bord interne ordinairement sinué et échancré; les inférieures jaunes, avec des taches ou bordures noires, à cellule fermée par la disco-cellulaire, l'indépendante insérée un peu au-dessous et en dehors des deux suivantes; nervure sous-médiane des premières ailes très-coudée, soudée à l'interne, qui est rudimentaire; une poche glanduleuse, ovaleoblongue, sous cette dernière.

« On a manifesté, dit M. Thozet dans son article du 4 mai 1875, une grande incrédulité relativement à ce fait d'histoire. naturelle qu'un papillon peut percer la peau d'une orange; mais au lieu de discuter sur ce point, que l'incrédule prenne une lumière et qu'il aille examiner ses arbres, vers neuf

heures du soir. S'il reste là quelques instants, il apercevra son voleur aérien grimpant sur l'objet de ses convoitises. Qu'il place alors son flambeau derrière l'orange et l'insecte. Il le peut sans difficulté, et il peut examiner à son aise, car le glouton, avec sa trompe enfoncée aux deux tiers ou aux trois quarts dans le fruit, est trop occupé pour s'envoler. Quand ses yeux l'auront convaincu, qu'il saisisse la Phalène : l'opération est facile, car la coupable n'a pas le temps de retirer le long tube par lequel elle pompe le suc. Après lui avoir, séance tenante, infligé la peine capitale, qu'il presse sous ses doigts, ou mieux encore, qu'il ouvre avec un canif ou des ciseaux l'abdomen de l'insecte, il en extraira de trois à cinq gouttes de jus d'orange.

Chaque cultivateur qui se donnera la peine de suivre les Leçons de la nature, comme dit Huxley, se joindra à moi dans cette guerre d'extermination et se réjouira d'apprendre que, pour ma part, depuis le commencement de la saison, j'en tue environ une vingtaine chaque soir. Ces phalènes semblent préférer les oranges européennes-asiatiques, car jusqu'à présent elles ont rarement attaqué les mandarines dans mon orangerie; mais je suppose que, si elles n'avaient pas le choix, elles perforeraient ces dernières avec la même avidité.

» Il y a trois ou quatre autres espèces de Phalènes, plus petites, qu'on trouve presque toujours avec l'Ophidère; mais elles ne viennent que pour boire le jus, après que le fruit a été percé; n'étant pas assez fortes pour l'entamer, elles se bornent à aspirer le suc qui s'écoule là où les oranges ont été perforées.

› Les naturalistes des colonies, et plus particulièrement les savants d'Europe, qui ne sont pas à même d'observer les habitudes de cette puissante Phalène, admettront difficilement qu'elle puisse percer une écorce aussi dure que celle de l'orange; mais ce fait n'est pas plus surprenant que celui des petits moucherons qui sucent le sang des animaux à travers la peau.

» Aussi suis-je bien certain que si des recherches sérieuses étaient faites à la lumière dans les jardins et vergers situés

dans les contrées tropicales ou sub-tropicales, et même dans le sud de l'Europe, en y joignant de nouvelles observations microscopiques sur la structure de la trompe de ces Phalènes, on arriverait, dis-je, à découvrir d'autres insectes nuisibles, analogues à celui dont je parle, et qu'on aurait le même intérêt à détruire. »

En présence de ces affirmations, qui présentaient toutes les garanties d'une observation rigoureuse, M. Künckel d'Herculais a été désireux d'acquérir la preuve de leur exactitude, et il a examiné attentivement la trompe de ces insectes. Quelle n'a pas été sa surprise de découvrir un phénomène d'adaptation singulier et bien inattendu.

Nous ne pouvons que reproduire ici les termes mêmes du mémoire présenté en son nom par M. Blanchard à l'Académie des sciences, dans la séance du 30 août 1875:

« On sait que les Lépidoptères sont caractérisés, entre tous les insectes, par un trait d'organisation d'une fixité absolue: les pièces buccales sont modifiées de manière à former une trompe, ou plus explicitement, ainsi que l'a démontré L. de Savigny, les mâchoires démesurément allongées constituent un appareil de succion. Ces mâchoires, longues, grêles, flexibles, terminées par une pointe effilée d'une grande souplesse sont accolées, mais laissent entre elles un fin canal. Les papillons sont donc conformés pour pomper le nectar des fleurs ouvertes, pour humer divers aliments fluides. Par une étrange exception, les Lépidoptères du genre Ophidères (Boisduval) possèdent une trompe rigide, véritable tarière, d'une perfection idéale, capable de transpercer la peau des fruits, de tarauder même les enveloppes les plus résistantes et les plus épaisses. Cette trompe est un instrument parfait, qui serait un excellent modèle pour établir des outils nouveaux, que l'industrie emploierait au forage de trous dans des matières diverses. Procédant à la fois de la lance barbelée, du foret et de la râpe, elle peut inciser, tarauder, arracher, tout en permettant aux liquides de passer sans obstacle par le canal interne. Les deux mâchoires accolées se terminent par une pointe triangulaire

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