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but est de décrire un pays et de faire connaître ses institutions, ses mœurs et ses coutumes. L'esprit fécond de M. Alexandre Dumas, la poétique exaltation de M. de Lamartine, et les vues étroites, égoïstes ou partiales dont beaucoup d'autres touristes se montrent animés, lui paraissent autant d'abus fâcheux, qui ne peuvent que nuire aux jugements du voyageur et l'empêcher de remplir sa tâche d'une manière utile. Nous sommes fort de son avis. En devenant un sujet d'amplifications littéraires, le voyage a perdu toute valeur sérieuse. C'était bien assez des bévues de l'ignorance, des fanfaronnades ou des mensonges de l'amour-propre, sans y joindre encore tout le bagage de la fiction et celui de la satire injuste et passionnée. A beau mentir qui vient de loin, disait-on jadis; maintenant la distance n'est plus nécessaire; on ment tout aussi bien de près, quelquefois même sans sortir de chez soi, et les voyageurs ne sont pas rares qui n'ont jamais vu, ou du moins n'ont fait que traverser en chemin de fer les pays sur lesquels ils publient des études complètes. Ce genre de supercherie est pratiqué sans le moindre scrupule, car des écrivains d'un talent supérieur l'ont en quelque sorte pris sous leur patronage. Mais M. Grandeffe ne se laisse pas entraîner par l'exemple. Il proteste contre une tendance qui lui paraît déplorable et vise uniquement à tracer une esquisse fidèle de Rome, d'après les observations qu'il a pu faire durant un assez long séjour dans cette ville. Ses lettres, écrites en style familier, ne manquent pas d'un certain charme; elles ont la fraîcheur, la gaîté, et sans doute aussi l'inexpérience de la jeunesse. On y trouve le cachet d'un esprit aimable et d'un cœur excellent. Si de telles qualités ne suffisent pas pour le succès d'un début littéraire, c'est déjà beaucoup, et nous ajouterons que les remarques de M. Grandeffe, quoique trop multipliées et par conséquent un peu superficielles, sont en général frappées au coin du bon sens. Il eût mieux fait de choisir, d'élaguer maints détails superflus, de ne pas livrer au public sa correspondance telle qu'il l'adressait à un jeune homme, compagnon de ses travaux et de ses plaisirs. Mais une première production se ressent toujours, plus ou moins, de ce défaut de mesure, et l'auteur du Voyage à Rome a certainement des droits à la bienveillance de la critique, par la franchise de son allure, ainsi que par les aperçus intéressants qu'il présente soit sur l'administration romaine et l'influence du

clergé, soit sur le rôle de l'armée française dans la capitale du monde catholique.

Douze Histoires pour les enfants de 4 à 8 ans, par une mère de famille. Paris, Hachette et C, 1858; 1 vol. in-16, fig. : 2 fr.

Écrire pour les jeunes enfants est un art très-difficile. Les livres destinés à leur usage ne manquent pas, chaque année en voit paraître une foule. Mais sur la masse, à peine deux ou trois méritent-ils une mention honorable, encore est-on toujours obligé d'y mettre certaines réserves, car les meilleurs laissent beaucoup à désirer. Le fait est que, lorsqu'un enfant de quatre à cinq ans commence à lire, sa mère est fort embarrassée pour fournir un aliment convenable à ce besoin nouveau qui se développe chez lui. Tous les parents éprouvent à leur tour cet inconvénient, mais tous ne possèdent pas une plume élégante et facile pour y remédier. Aussi doit-on de la reconnaissance à Mme ...., d'Ingouville, si nous sommes bien informés. Ses histoires sont simplement écrites, traitent des sujets tout à fait à la portée des plus jeunes lecteurs, et portent le cachet d'une très-bonne tendance éducative. Peut-être sembleront-elles trop courtes et trop dénuées d'incidents propres à captiver l'intérêt. Mais avant de prononcer làdessus, qu'on les mette d'abord entre les mains des enfants. Ce sont les vrais juges en pareille matière. Après eux, nul n'a plus droit à notre confiance qu'une mère de famille, qui connaît toutes les difficultés de la tâche qu'elle entreprend et qui profite de sa propre expérience pour les vaincre autant que possible. Elle a certainement mieux réussi que la plupart des écrivains qui aspirent au même but. C'est un essai digne d'être encouragé. La mine est riche, Madame, lui dirons-nous, continuez donc à l'exploiter avec courage. Étudiez les enfants, suivez-les dans leurs jeux, dans leurs petits entretiens, et nous sommes sûrs qu'un plein succès couronnera vos efforts.

COMMENTARIOLA, études grammaticales, analytiques et littéraires sur toutes les fables de Phèdre, divers textes d'autres auteurs latins, grecs et français, par M. l'abbé Delrieu. Paris, Lecoffre et Ce, 1857; 1 vol. in-18: 4 fr. 50.

M. Delrieu dédie son livre aux jeunes humanistes du petit séminaire d'Agen, dont il est préfet. Il a surtout en vue d'aider dans leurs travaux les élèves studieux, et de les mettre en état de se passer d'un répétiteur. Ses petits commentaires sont passablement développés, car chacune des fables de Phèdre lui fournit au moins deux pages d'explications. Il s'applique à faire bien comprendre le sens des phrases, ainsi que le tour des constructions latines, dont l'élégance gracieuse. peut servir de modèle. Quant à la traduction des mots, il ne la donne que lorsqu'elle offre quelque difficulté trop grande pour l'élève. Les remarques grammaticales sont peu nombreuses, mais l'analyse et l'étude littéraire du texte tiennent la place principale. C'est un bon moyen de stimuler l'intelligence des jeunes gens, auxquels il importe en effet d'apprendre que la mémoire ne suffit pas pour acquérir une érudition solide. M. Delrieu sait éveiller leur intérêt par des rapprochements ingénieux et des citations bien choisies. Peut-être lui reprochera-t-on de les multiplier seulement trop ; il tombe parfois dans de subtiles distinctions, qui nous semblent n'être pas tout à fait à la portée des élèves; ce sont plutôt des curiosités philologiques dont ils ne peuvent encore bien sentir le prix. Cependant cette richesse un peu superflue contribue aussi, pour une part, à l'attrait que présentent les Commentariola, et M. Delrieu pense, avec raison, qu'une pareille méthode est plus féconde que l'enseignement aride des classes élémentaires.

HISTOIRE D'ANGLETERRE depuis les temps les plus reculés, par E. de Bonnechose, tomes I et II. Paris, Didier et Ce, 1858; 2 vol. in-8: 14 fr.

Parmi les États de l'Europe, l'Angleterre est un de ceux dont l'histoire offre certainement le plus vif intérêt. Elle doit ce privi

lége au profond sentiment national dont elle porte l'empreinte, ainsi qu'à l'amour de la liberté qui, dès les temps anciens, se développa chez le peuple anglais d'une manière si remarquable et le fit travailler avec non moins d'énergie que de persévérance à la conquête des institutions sur lesquelles reposent sa gloire et sa grandeur. C'est le seul pays où se soit réellement opérée la conciliation des principes qu'on voit partout ailleurs obtenir tour à tour des succès plus ou moins éphémères, sans pouvoir arriver au même résultat. Le respect de la tradition et de la loi s'y montre dans toute sa force, et cependant les réformes s'opèrent, les progrès s'accomplissent, en suivant une marche, lente peut-être, mais continue et certaine. La résistance, quoique opiniâtre, régularise plutôt qu'elle n'arrête ce bienfaisant essor, et le patriotisme domine en général au-dessus des querelles de partis. Un trait non moins frappant du peuple anglais, c'est l'indépendance du caractère. Nulle autre part on ne rencontre un aussi grand nombre d'individualités originales qui marquent, par leur influence, sur les destinées de la nation. A cet égard, l'Angleterre offre presque autant d'intérêt dramatique et la même variété d'incidents qu'un État républicain. Il en résulte que son histoire exige des développements nombreux; les détails y sont indispensables, parce que la vie politique, au lieu d'être concentrée dans une cour et dans une capitale, se manifeste également sur toute la surface du pays. L'unité monarchique n'a point détruit ses franchises municipales, qui s'opposent à l'établissement d'une centralisation trop absorbante. Aussi l'historien éprouve-t-il beaucoup d'embarras lorsqu'il se propose de resserrer son travail dans les proportions d'un simple résumé. à la fois clair et concis. Il doit éviter, d'une part, la sécheresse, qui détruirait tout le mérite d'une œuvre pareille, et de l'autre se tenir en garde contre les inconvénients non moins graves de la confusion. La tâche est difficile, mais M. de Bonnechose ne se le dissimule point, car il en signale très-justement les principales exigences. « Être concis sans être obscur, sobre de détails sans supprimer la couleur et la vie; saisir, dans les hommes et dans les choses, le trait qui caractérise et résume; généraliser sans digression comme sans système; donner aux faits leur signification véritable en tirant d'eux l'enseignement caché qu'ils contiennent; tout voir enfin, tout apprécier, puis choisir. ‣

A ce programme, il donne pour objet de bien faire comprendre, par l'histoire des faits, celle des institutions; de montrer tout ce qu'un peuple a d'obstacles à traverser, de combats à soutenir, de sacrifices à faire pour arriver à ce but désirable où la plus libre expression des volontés individuelles se rencontre avec la plus grande force de la puissance publique; de connaître enfin à quelles conditions une nation devient puissante et redoutable sans cesser d'être libre. » On ne saurait mieux indiquer ce que doit être un abrégé de l'histoire d'Angleterre. Le plan de l'auteur nous paraît également bien conçu. Il groupe les événements autour de quelques faits que leur importance rend tout à fait propres à marquer les grandes périodes historiques. Ce sont: 1o Les invasions qui viennent combiner ensemble les éléments divers dont se compose le peuple anglais. La Bretagne, avant Jules-César, forme le sujet de l'introduction; ensuite viennent les conquêtes successives par les Romains, les Saxons, les Danois et les Normands.

2o Les longues luttes pour les chartes, sous les Plantagenets, qui déjà contribuent à poser les bases du régime représentatif. 3o La révolution religieuse du seizième siècle.

4o La révolution politique du siècle suivant, qui règle et circonscrit, dans leurs limites nécessaires, les rapports mutuels et les attributions de la couronne et du parlement.

5o Enfin, les grandes guerres et les luttes parlementaires du siècle dernier, de 1688 à 1789, époque mémorable durant laquelle, au milieu des plus rudes épreuves, on vit la constitution se fortifier, l'union devenir indissoluble entre l'Angleterre et l'Écosse, et la nation grandir par l'éloquence et les armes, ainsi que par l'industrie et le commerce.

Le style de M. de Bonnechose a d'ailleurs les qualités qui conviennent à l'histoire; il est simple et digne. L'écrivain s'efface pour laisser agir et parler les personnages qu'il met en scène. Il cherche surtout à faire preuve d'une sage impartialité soit en politique, soit en religion, à s'élever au-dessus des préjugés de race, de secte ou de parti, et nous estimons que son livre mérite à tous égards d'obtenir, auprès du public français, l'accueil le plus favorable. La conclusion de sa préface exprime parfaitement l'esprit qui l'anime:

• S'il y a,» dit-il, trop de gens parmi nous toujours prêts à

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