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Père cruel! il fallait de ta fille

Aux murs d'un cloître ensevelir les jours.
Là, Dieu du moins nous crée une famille,
Là, son amour éteint tous les amours.
Où donc est-il l'époux que ma jeunesse
Avait rêvé jeune, beau, caressant?
Entre ses bras ma pudique tendresse
Eût été seule un philtre assez puissant.
De mon hymen, oui, la froideur me tue;
D'un plaisir chaste allumons le flambeau.
Ah! cessons d'être une vaine statue,
Dont un mari décore son tombeau.

La tendre vieille a dit : « Soyez docile,
» Et dès demain renaîtront vos couleurs :
» Demain moi-même, au seuil de votre asile,
» Je suspendrai deux couronnes de fleurs. >>
Meurs, il le faut; meurs, ô toi qui recèles
Des dons puissans, à la volupté chers;
Rends à l'amour tous les feux que tes ailes
Ont à ce dieu dérobés dans les airs.

LE TOURNE-BROCHE.

AIR: Le bruit des roulettes gâte tout.

Du dîner j'aime fort la cloche,
Mais on la sonne en peu d'endroits;
Plus qu'elle aussi le tourne-broche
A nos hommages a des droits.
Combien d'ennemis il rapproche
Chez le prince et chez le bourgeois!
A son doux tic tac un jour les partis
Signeront la paix entre deux rôtis.
Qu'on reprenne sur la musique
Les querelles du temps passé;

Que par l'Amphion italique
Le grand Mozart soit terrassé:
Je ne tiens qu'au refrain bachique
Par le tourne-broche annoncé.
A son doux tic tac, etc.

Lorsque la Fortune à sa roue
Attache mille ambitieux,
Les précipite dans la boue
Ou les élève jusqu'aux cieux,
C'est la broche, moi, je l'avoue,
Dont la roue attire mes yeux.
A son doux tic tac, etc.

Une montre, admirable ouvrage,
Des heures décrivant le cours,
Règle, sans en charmer l'usage,
Le cercle borné de nos jours:
Le tourne-broche a l'avantage
D'embellir des instans trop courts.
A son doux tic tac, etc.

Ce meuble, suivant maint vieux conte,
A manqué seul à l'âge d'or;

C'est l'amitié qui, pour son compte,
Dut en inventer le ressort :
Vivent ceux que sa main remonte,
Mais gloire à celui du Trésor!
A son doux tic tac, etc.

LES SCIENCES.

AIR :

Fatigué des clartés confuses

Qui m'ont égaré bien souvent,
J'allais bannir amours et muses;

J'allais vouloir être savant.
Mais quoi! pour une ame incertaine,
La science est d'un vain secours.
Gardons Lisette et La Fontaine :
Muses, restez; restez, amours.

La nature était mon Armide;
Dans ses jardins j'errais surpris.
Mais un chimiste moins timide
Règne en vainqueur sur leurs débris.
Dans son fourneau rien qu'il ne jette
Des gaz il poursuit le concours.
Ma fée y perdrait sa baguette :
Muses, restez; restez, amours,
J'ai regret aux contes de vieille,
Quand un docteur dit qu'à sa voix
Les morts lui viennent à l'oreille
De la vie expliquer les lois.
De la lampe il voit la matière,
Les ressorts, le fond, les contours;
Je n'en veux voir que la lumière;
Muses, restez; restez, amours.
Enfin aux calculs qu'on entasse
Si les cieux n'obéissaient pas :
Plus d'une erreur passe et répasse
Entre les branches d'un compas.
Un siècle a changé la physique;
Nos temps sont féconds en retours.
Je crains que le soleil n'abdique :
Muses, restez; restez, amours.

Enivrons-nous de poésie,

Nos cœurs n'en aimeront que mieux. Elle est un reste d'ambroisie, Qu'aux mortels ont laissé les dieux. Quel est sur moi le froid qui tombe?

C'est le froid du soir de mes jours.
Promettez un rêve à ma tombe,
Muses, restez; restez, amours.

LE TAILLEUR ET LA FÉE.

CHANSON CHANTÉE

A MES AMIS LE JOUR

ANNIVERSAIRE DE MA NAISSANCE, 19
AOUT 1822.

AIR: d'Angeline (DE WILHEM).

Dans ce Paris plein d'or et de misère,
En l'an du Christ mil sept cent quatre-vingt,
Chez un tailleur, mon pauvre et vieux grand-père,
Moi, nouveau-né, sachez ce qui m'advint.
Rien ne prédit la gloire d'un Orphée

A mon berceau, qui n'était point de fleurs ;
Mais mon grand-père, accourant à mes pleurs,
Me trouve un jour dans les bras d'une fée.
Et cette fée, avec de gais refrains,
} (bis.)
Calmait le cri de mes premiers chagrins.
Le bon vieillard lui dit, l'ame inquiète :
« A cet enfant quel destin est promis? »
Elle répond: « Vois-le, sous ma baguette,
>> Garçon d'auberge, imprimeur et commis.
>> Un coup de foudre ajoute à mes présages * :
>> Ton fils, atteint, va périr consumé ;
» Dieu le regarde, et l'oiseau ranimé

>> Vole, en chantant, braver d'autres orages. >> Et puis la fée, avec de gais refrains, Calmait le cri de mes premiers chagrins.

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(bis.)

L'auteur fut frappé de la foudre dans sa jeu

<< Tous les plaisirs, sylphes de la jeunesse,
» Éveilleront sa lyre au sein des nuits.
» Au toit du pauvre il répand l'allégresse,
>> A l'opulence il sauve des ennuis.

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(bis.)

>> Mais quel spectacle attriste son langage?
D Tout s'engloutit, et gloire, et liberté ;
>> Comme un pêcheur qui rentre épouvanté,
» Il vient au port raconter leur naufrage.
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cridemes premiers chagrins.
Le vieux tailleur s'écrie: « Eh quoi! ma fille
» Ne m'a donné qu'un faiseur de chansons!
>> Mieux, jour et nuit, vaudrait tenir l'aiguille,
>> Que, faible écho, mourir en de vains sons. >>
«< Va, dit la fée, à tort tu t'en alarmes,

>> De grands talens ont de moins beaux succès.
>> Ses chants légers seront chers aux Français,
» Et du proscrit adouciront les larmes. »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cride mes premiers chagrins.

Amis, hier, j'étais faible et morose,
L'aimable fée apparaît à mes yeux.
Elle me dit : « Tu te vois déjà vieux.

(bis.)

>> Tel qu'aux déserts parfois brille un mirage*. >> Aux cœurs vieillis s'offre un doux souvenir,

>> Pour te fêter, tes amis vont s'unir;

>> Long-temps près d'eux revis dans un autre âge.» Et puis la fée, avec ses gais refrains, Comme autrefois dissipa mes chagrins.

(bis.)

* Les effets fantastiques du mirage trompent les yeux du voyageur au milieu des sables du désert: il croit voir devant lui des forêts, des lacs, des ruis

seaux, etc.

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