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Amis, renonçons à briller.
Donnons les marbres d'une tombe
Pour les plumes d'un oreiller.
Sur des roses, etc.

Sans bruit, ensemble, ô vous que j'aime,
Trompons les hivers meurtriers.

On peut braver le temps lui-même
Quand on a bravé les geoliers.

Sur des roses,

etc.

LE CENSEUR.

(1822.)

AIR: de la Robe et des Bottes.

On me disait : il est temps d'ètre sage;
Au Pinde aussi l'on change de drapeaux.
Tentez la gloire, et, dans un grand ouvrage,
Pour le théâtre abdiquez les pipeaux.

De mes refrains j'ai repoussé le livre ;
Mais quand j'invoque et Thalie et sa sœur,
Leur voix me crie: Ah! que Dieu nous délivre,
Nous délivre au moins du censeur !

La Liberté, nourrice du génie,

Voit les beaux-arts pleurant sur son cercueil.
Qui va d'un joug subir l'ignominie,
A de son vers d'avance éteint l'orgueil.
Réponds, Corneille, oserais-tu revivre?
Et toi, Molière, admirable penseur?
Non, dites-vous, ou que Dieu vous délivre,
Vous délivre au moins du censeur!

Tu veux encor ravir le feu céleste,

Jeune homme, épris des lauriers les plus beaux,

Quand la censure, à son rocher funeste,
De ton génie a promis les lambeaux!
D'affreux vautours, que leur pâture enivre,
Vont mutiler le noble ravisseur.
Fils de Japhet, ah! que Dieu te délivre,
Te délivre au moins du censeur!

Avec Thalie, en satires féconde,

Peignons nos grands, leurs valets, leurs rimeurs;
Les vils ressorts qui font mouvoir le monde,
Et la cour même envenimant nos mœurs.
Délateur, tremble! en scène il faut me suivre.
Jeffrysen vain t'a pris pour assesseur.
Quoi! tu souris! ah! que Dieu nous délivre,
Nous délivre au moins du censeur!
De Louis onze évoquons les victimes.
Que, dévoré d'un sanguinaire ennuí,
Ce roi bigot, pour se soûler de crimes,
Mette sa vierge entre le diable et lui **.
Mais, tout sanglans, nos Tristans***vont poursuivre
Ce vœu formé contre un lâche oppresseur.
Morts, taisez-vous! ou que Dieu nous délivre,
Nous délivre au moins du censeur !
Je laisse donc Thalie et Melpomène
Pour la chanson, libre en dépit des rois.
Sans le régir, j'agrandis mon domaine;
D'autres un jour lui traceront des lois.

Juge anglais devenu fameux pendant la restauration des Stuarts, et dont le nom est un peu estropié ici par nécessité pour la mesure.

** Louis XI, au dire de quelques historiens, demandait pardon de ses crimes à la bonne Vierge de plomb qu'il portait à son chapeau.

***Tristan est le nom du grand-prévôt de Louis XI. Il était gentilhomme, et réunissait aux fonctions de juge celles d'exécuteur des hautes-œuvres.

Qu'en république on puisse y toujours vivre : C'est un état qui n'est pas sans douceur. Pauvre Français, ah! que Dieu vous délivre, Vous délivre au moins du censeur!

LE MAUVAIS VIN,

ου

LES CAR.

AIR: On dit partout que je suis bête.

Béni sois-tu, vin détestable!

'Pour moi tu n'es point redoutable,
Bien qu'au maître de ce banquet
Des flatteurs vantent ton bouquet.
Arrose donc, fade piquette,
Les fleurs peintes sur mon assiette.
Vive le vin qui ne vaut rien!
Notre santé s'en trouve bien.

Car, si tu m'invitais à boire,
Bientôt je perdrais la mémoire
Du docteur, qui me dit toujours :
« Pour vous c'est assez des Amours.
>>> Chantez Bacchus, ainsi qu'un prêtre
» Parle des dieux sans les connaître. >>
Vive le vin qui ne vaut rien !
Notre belle s'en trouve bien.

Car, si tu portais à l'ivresse,
Certaine Espagnole en détresse
Ce soir pourrait bien, je le sens,
Mettre à sec ma bourse et mes sens.
Et Lisette, qui tient ma caisse,
Aurait à souffrir de la baisse.

Vive le vin qui ne vaut rien !
Notre raison s'en trouve bien.

Car, si tu réchauffais ma veine,
Armé de vers forgés sans peine,
Tout en chantant je tomberais
Peut-être au milieu d'un congrès.
Puis j'irais, pour démagogie,
En prison terminer l'orgie.
Vive le vin qui ne vaut rien !
Notre gaîté s'en trouve bien.
Car en prison l'on ne rit guère.
Mais, vin, à qui je fais la guerre,
Tu disparais, et sous mes yeux
Mousse un nectar digne des dieux.
Au risque d'une catastrophe,
Versez-m'en, je suis philosophe.
Versez versez! je ne crains rien.
Du bon vin je me trouve bien.

LA CANTHARIDE,

OU

LE PHILTRE.

AIR: des Comédiens,

ou du Rondeau de Miller, intitulé: UN TOUR DE JARDIN.

Meurs, il le faut; meurs, ô toi qui recèles
Des dons puissans, à la volupté chers;
Rends à l'amour tous les feux que tes ailes
Ont à ce dieu dérobés dans les airs.

<< Clara, » m'a dit cette femme si vieille,

«

Qui chaque jour pleure encor son printemps, «Quoi! votre joue est déjà moins vermeille, >> Vous languissez et n'avez que vingt ans !

>> Un père altier, que seul l'intérêt touche,
» Vous a jetée au lit d'un vieil époux;

>> L'espoir en vain sourit sur votre bouche:
» L'hymen l'effleure et s'endort près de vous.
» A votre abord naît la froide risée ;

» L'Amour se dit : On m'a fait un larcin,
>> Mais cette terre a des nuits sans rosée,
>> Et d'aucun fruit ne parerà son sein.

>> Trompez l'Amour, croyez-en ma sagesse ;
>> Un philtre heureux, plein de tendres chaleurs,
>> De votre époux exhumant la jeunesse,
» Peut de la vôtre épanouir les fleurs. »
La vieille alors, baissant sa voix tremblante,
M'enseigne l'art de ce philtre charmant.
J'allais, sans elle, en ma fièvre brûlante,
Maudire époux, père, autel et serment.
Mais vers ce frêne, accourant dès l'aurore,
Dans ses rameaux j'ai su glisser ma main.
La cantharide y reposait encore;
Heureuse aussi, je dormirai demain.

Meurs, il le faut; meurs, toi qui recèles
Des dons puissans, à la volupté chers;
Rends à l'amour tous les feux que tes ailes
Ont à ce dieu dérobés dans les airs.

Mes jours, mes nuits, ma vie, étaient sans charmes ;
Je répugnais à d'innocens plaisirs.

Tout bas, ma bouche insultant à mes larmes,
Osait donner un nom à mes désirs.

Mon cœur brûlait, hélas ! il brûle encore.
Jamais breuvage aura-t-il cette ardeur
Qui dans mon sang circule, me dévore,
Et d'un long trouble accable ma pudeur !

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