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Auprès de mes chastes grand' mères
Que son ame soit en repos !
Seuls arbitres, etc.

Mon père, que sans flatterie
Je cite avant tous ses aïeux,
Etait chevalier d'industrie,
Sans en être moins glorieux.
Comme il avait, pour plaire aux dames,
De vieux cordons et l'air dispos,
Il vécut aux dépens des femmes :
Que son ame soit en repos !

Seuls arbitres, etc.

Endetté de plus d'une somme,
Et dans un donjon retiré,
Mon aïeul, en bon gentilhomme,
S'enivrait avec son curé.

Sur le dos des gens du village,
Après boire, il cassait les pots.
Il but ainsi son héritage:
Que son ame soit en repos!

Seuls arbitres, elc.

Mon bisaïeul, chassant de race,
Fut un comte fort courageux,
Qui, laissant rouiller sa cuirasse
Joua noblement tous les jeux.
Après une suite traîtresse,
De pics, de repics, de capots,
Un as dépouilla son altesse:
Que son ame soit en repos !

Seuls arbitres, etc.

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Mon trisaïeul, roi légitime
D'un
pays fort mal gouverné,
Tranchait parfois du magnanime,
Surtout quand il avait dîné.

Mais les plaisirs de ce grand prince
Ayant absorbé les impôts,

Il mangea province à province :
Que son ame soit en repos !

Seuls arbitres, etc.

De ces faits dressez un sommaire,
Messieurs, et prouvez qu'à moi seul
Je vaux autant que père et mère,
Aïeul, bisaïeul, trisaïeul.

Grace à votre art que j'utilise,
Qu'on me tire enfin des tripots;
Qu'on m'enterre au chœur d'une église :
Que mon ame soit en repos !
Seuls arbitres, etc.

LES ÉTOILES QUI FILENT.

(JANVIER 1820.)

AIR: du Ballet des Pierrots.

- Berger, tu dis que notre étoile Règle nos jours et brille aux cieux.

Oui, man enfant; mais dans son voile La nuit la dérobe à nos yeux.

Berger, sur cet azur tranquille

De lire on te croit le secret:
Quelle est cette étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît?

Mon enfant, un mortel expire;
Son étoile tombe à l'instant.
Entre amis que la joie inspire,
Celui-ci buvait en chantant.
Heureux, il s'endort immobile
Auprès du vin qu'il célébrait...

Encore une étoile qui file, Qui file, file, et disparaît.

Mon enfant, qu'elle est pure et belle!
C'est celle d'un objet charmant.

Fille heureuse, amante fidèle,
On l'accorde au plus tendre amant.
Des fleurs ceignent son front nubile,
Et de l'hymen l'autel est prêt...
-Encore une étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît.

Mon fils, c'est l'étoile rapide

D'un très-grand seigneur nouveau-né :
Le berceau qu'il a laissé vide,
D'or et de pourpre était orné.
Des poisons qu'un flatteur distille,
C'était à qui le nourrirait...
- Encore une étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît.

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Mon enfant, quel éclair sinistre!
C'était l'astre d'un favori,

Qui se croyait un grand ministre
Quand de nos maux il avait ri.
Ceux qui servaient ce dieu fragile
Ont déjà caché son portrait...
Encore une étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît.

Mon fils, quels pleurs seront les nôtres ?
D'un riche nous perdons l'appui;
L'indigence glane chez d'autres,
Mais elle moissonnait chez lui.
Ce soir même, sûr d'un asile,
A son toit
pauvre accourait...
Encore une étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît.

C'est celle d'un puissant monarque!... Va, mon fils, garde ta candeur;

Et

que ton étoile ne marque
Par l'éclat ni par la grandeur.
Si tu brillais sans être utile,
A ton dernier jour on dirait:
Ce n'est qu'une étoile qui file,
Qui file, file, et disparaît.

L'ENRHUMÉ.

VAUDEVILLE SUR LES NOUVELLES LOIS D'EXCEPTION.

(MARS 1820.)

AIR: du petit mot pour rire.

Quoi! pas un seul petit couplet!
Chansonnier, dis-nous donc quel est
Le mal qui te consume?
Amis, il pleut, il pleut des lois;
L'air est malsain, j'en perds la voix.
Amis, c'est là,

Oui, c'est cela,

C'est cela qui m'enrhume.

Chansonnier, quand vient le printemps,
Les oiseaux plus gais, plus contens,
De chanter ont coutume.
-Oui, mais j'aperçois des réseaux :
En cage on mettra les oiseaux.
Amis, etc.

La Chambre regorge d'intrus;
Peins-nous l'un de ces bas ventrus,

Aux dîners qu'il écume.

-Non, car ces gens, si gras du bec,

Votent l'eau claire et le pain sec *.
Amis, etc.

Pour nos pairs fais des vers flatteurs;
Des Français ce sont les tuteurs;
Qu'à leur nez l'encens fume.
-Non, car ils ont mis de moitié
Leurs pupilles à la Pitié.
Amis, etc.

Peins donc Siméon l'anodin;
Peins-nous surtout Pasquier-Dandin,
Si fort quand il résume.
-Non, Cicéron m'a convaincu.
Pasquier dirait: Il a vécu**.
Amis, etc.

Mais la Charte encor nous défend;
Du roi c'est l'immortel enfant ;
Il l'aime, on le présume.
Mais le papa qui tient la dot
Traite sa fille comme Loth.
Amis, etc.

Qu'ai-je dit? et que de dangers!
Le ministre des étrangers,
Dandin taille sa plume;

On va m'arrêter sans procès :
Le vaudeville est né français.
Amis, etc.

*Messieurs du centre voulurent qu'on laissât aux ministres le soin de régler la nourriture des per sonnes arrêtées comme suspectes.

** Allusion à une citation sans doute fort heureuse, mais peu rassurante, que s'est permise un ministre.

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