MONSIEUR JUDAS.
AIR; J'ons un curé patriote. Monsieur Judas est un drôle Qui soutient avec chaleur Qu'il n'a joué qu'un seul rôle Et n'a pris qu'une couleur. Nous qui détestons les gens Tantôt rouges, tantôt blancs, Parlons bas,
Ici près j'ai vu Judas, J'ai vu Judas, j'ai vu Judas. Curieux et nouvelliste, Cet observateur moral Parfois se dit journaliste, Et tranche du libéral; Mais voulons-nous réclamer Le droit de tout imprimer, Parlons bas, etc.
Sans respect du caractère, Souvent ce lâche effronté Porte l'habit militaire, Avec la croix au côté. Nous qui faisons volontiers L'éloge de nos guerriers, Parlons bas, etc.
Enfin, sa bouche flétrie Ose prendre un noble accent, Et des maux de la patrie Ne parle qu'en gémissant. Nous qui faisons le procès A tous les mauvais Français, Parlons bas, etc.
Monsieur Judas, sans malice, Tout haut vous dit : « Mes amis, » Les limiers de la police
>> Sont à craindre en ce pays. » Mais nous, qui de maints brocards Poursuivons jusqu'aux mouchards, Parlons bas, etc.
LE DIEU DES BONNES GENS. AIR du Vaudeville de la Partie carrée.
Il est un Dieu : devant lui je m'incline, Pauvre et content, sans lui demander rien. De l'univers observant la machine,
J'y vois du mal, et n'aime que le bien. Mais le plaisir à ma philosophie Révèle assez des cieux intelligens: Le verre en main, gaîment je me confie Au Dieu des bonnes gens.
Dans ma retraite, où l'on voit l'indigence, Sans m'éveiller, assise à mon chevet, Grace aux amours, bercé par l'espérance, D'un lit plus doux je rêve le duvet. Aux dieux des cours qu'un autre sacrifie ! Moi, qui ne crois qu'à des dieux indulgens, Le verre en main, gaîment je me confie Au Dieu des bonnes gens.
Un conquérant, dans sa fortune altière, Se fit un jeu des sceptres et des lois, Et de ses pieds on peut voir la poussière Empreinte encor sur le bandeau des rois. Vous rampiez tous, ô rois qu'on déific! Moi, pour braver des maîtres exigeans,
Le verre en main, gaîment je me confie Au Dieu des bonnes gens.
Dans nos palais, où, près de la victoire,
Brillaient les arts, doux fruits des beaux climats, J'ai vu du Nord les peuplades sans gloire De leurs manteaux secouer les frimas. Sur nos débris Albion nous défie; Mais les destins et les flots sont changeans : Le verre en main, gaîment je me confie Au Dieu des bonnes gens.
Quelle menace un prêtre fait entendre ! Nous touchons tous à nos derniers instans ; L'éternité va se faire comprendre : Tout va finir, l'univers et le temps. Oh! chérubins, à la face bouffie, Réveillez donc les morts peu diligens ! Le verre en main, gaîment je me confie Au Dieu des bonnes gens.
Mais quelle erreur! non, Dieu n'est point colère. S'il créa tout, à tout il sert d'appui : Vins qu'il nous donne, amitié tutélaire, Et vous, amours, qui créez après lui, Prêtez un charme à ma philosophie, Pour dissiper des rêves affligeans. Le verre en main, que chacun se confie Au Dieu des bonnes gens!
ADIEUX A MES AMIS.
AIR: C'est un lanla, landerirette.
D'ici faut-il que je parte, Mes amis, quand loin de vous Je ne puis voir sur la carte D'asile pour moi plus doux !
Même au sein de notre ivresse', Dieu! je crois être à demain : Fouette, cocher! dit la Sagesse; Et me voilà sur le chemin.
Malgré les sermons du sage, On pourrait, grace aux plaisirs, Aux fatigues d'un voyage Opposer d'heureux loisirs. Mais une ardeur importune En route met chaque humain : Fouette, cocher! dit la Fortune; Et nous voilà sur le chemin. Ne va point voir ta maîtresse, Ne va point au cabaret, Me vient dire avec rudesse Un médecin indiscret: Mais Lisette est si jolie! Mais si doux est le bon vin! Fouette, cocher! dit la Folie; Et me voilà sur le chemin.
Parmi vous bientôt, peut-être, Je chanterai mon retour. Déjà je crois voir renaître L'aurore d'un si beau jour. L'allégresse, que j'encense, A mon paquet met la main. Fouette, cocher! dit l'Espérance; Et me voilà sur le chemin.
LA REVERIE.
AIR La signora malade.
Loin d'une Iris volage Qu'un seigneur m'enlevait,
Au printemps, sous l'ombrage, Un jour mon cœur rêvait. Privé d'une infidèle,
Il rêvait qu'une autre belle
Volait à mon secours.
Venez, venez, venez, mes amours! (bis.)
Cette belle était tendre, Tendre et fière à la fois. Il me semblait l'entendre Soupirer dans les bois. C'était une princesse, Qui respirait la tendresse
Loin de l'éclat des cours. Venez, venez, venez, mes amours! (bis.)
Je l'entendais se plaindre Du poids de la grandeur. Cessant de me contraindre, Je lui peins mon ardeur. Mes yeux versent des larmes, Ravis de voir tant de charmes Sous de si beaux atours.
Venez, venez, venez, mes amours! (bis.)
Telle était la merveille
Dont je flattais mes sens; Quand soudain mon oreille S'ouvre aux plus doux accens. Si c'est vous, ma princesse, Des roses de la tendresse
Venez semer mes jours.
Vencz, venez, venez, mes amours! (bis.)
Mais non c'est la coquette
Du village voisin,
Qui m'offre une conquête,
En corset de basin.
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