L'HIVER.
AIR: Une fille est un oiseau.
Les oiseaux nous ont quittés; Déjà l'hiver, qui les chasse, Etend son manteau de glace Sur nos champs et nos cités. A mes vitres scintillantes Il trace des fleurs brillantes; Il rend mes portes bruyantes, Et fait greloter mon chien. Réveillons, sans plus attendre, Mon feu qui dort sous la cendre. Chauffons-nous, chauffons-nous bien. O voyageur imprudent!
Retourne vers ta famille. J'en crois mon feu qui pétille, Le froid devient plus ardent. Moi, j'en puis braver l'injure. Rose, en douillette, en fourrure, Ici contre la froidure
Vient m'offrir un doux soutien. Rose, tes mains sont de glace. Sur mes genoux prends ta place; Chauffons-nous, chauffons-nous bien.
L'ombre s'avance, et la nuit Roule son char sur la neige.
Rose, l'amour nous protège;
C'est pour nous que
Mais un couple nous arrive :
Joyeux ami, beauté vive,
Entrez tous deux sans qui vive:
Le plaisir n'y perdra rien.
Moins de froid que de tendresse, Autour du feu qu'on se presse. Chauffons-nous, chauffons-nous bien. Les caresses ont cessé Devant la lampe indiscrète. Un festin que Rose apprête, Gaîment par nous est dressé. Notre ami s'est fait, à table, D'un brigand bien redoutable Et d'un spectre épouvantable Le fidèle historien.
Tandis que le punch s'allume, Beau du feu qui le consume, Chauffons-nous, chauffons-nous bien.
Sombre hiver, sous tes glaçons, Ensevelis la nature.
Ton aquilon qui murmure Ne peut troubler nos chansons. Notre esprit, qu'amour seconde, Au coin du feu crée un monde Qu'un doux ciel toujours féconde, Où s'aimer tient lieu de bien. Que nos portes restent closes, Et, jusqu'au retour des roses, Chauffons-nous, chauffons-nous bien.
MA RÉPUBLIQUE.
Am: du Vaudeville de la Petite Gouvernante, ou de la Robe et des Bottes.
J'ai pris goût à la république Depuis que j'ai vu tant de rois; Je m'en fais une, et je m'applique
A lui donner de bonnes lois. On n'y commerce que pour boire, On n'y juge qu'avec gaîté; Ma table est tout son territoire, Sa devise est la liberté.
Amis, prenons tous notre verre : Le sénat s'assemble aujourd'hui ; D'abord, par un arrêt sévère, A jamais proscrivons l'ennui. Quoi! proscrire? Ah! ce mot doit être
Inconnu dans notre cité :
Chez nous l'ennui ne pourra naître ; Le plaisir suit la liberté.
Du luxe dont elle est blessée La joie ici défend l'abus ; Point d'entraves à la pensée, Par ordonnance de Bacchus. A son gré que chacun professe Le culte de sa déité;
Qu'on puisse aller même à la messe ; Ainsi le veut la liberté.
La noblesse est trop abusive: Ne parlons point de nos aïeux. Point de titres, même au convive Qui rit le plus, ou boit le mieux. Et si quelqu'un, d'humeur traîtresse, Aspirait à la royauté,
Plongeons ce César dans l'ivresse; Nous sauverons la liberté.
Trinquons à notre république Pour voir son destin affermi. Mais ce peuple si pacifique Déjà redoute un ennemi : C'est Lisette qui nous rappelle
Sous les lois de la volupté; Elle veut régner, elle est belle: C'en est fait de la liberté.
L'IVROGNE ET SA FEMME.
AIR: Quand les bœufs vont deux à deux. Trinquons, et toc, et tin, tin, tin! Jean, tu bois depuis le matin.
Ta femme est une vertu : Ce soir tu seras battu.
Tandis que dans sa mansarde Jeanne veille, et qu'il lui tarde De voir rentrer son mari, Maître Jean, à la guinguette, A ses amis en goguette Chante son refrain chéri : Trinquons, etc.
Jeanne pour moi seul est tendre,
Dit-il, laissons-la m'attendre. Mais, maudissant son époux,
Bat sa chatte que réveille
La tendresse des matous. Trinquons, etc.
Livrant sa femme au veuvage, Jean se perd dans son breuvage; Et, prête à se mettre au lit, Jeanne, qui verse des larmes, Dit en regardant ses charmes : C'est son verre qu'il remplit! Trinquons, etc.
Pour allumer sa chandelle, Un voisin frappe chez elle :
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