Billeder på siden
PDF
ePub

tragedies, et ne sont-ils pas en droit de s'opposer | Voisins, qui, dans la cause de M. d'Artaguiette (1),' au jeu de Polichinel!

Ces deux grandes questions, très-intéressantes pour l'État, furent agitées et débatues du tems de M. le Regent, à l'occasion de Pierot Romulus, qui fut joué aux Marionettes dans le préau de la foire Saint-Germain.

Ce Pierrot Romulus fit une fortune immense; on le jouoit depuis dix heures du matin jusqu'à deux heures après minuit.

Les comediens proposèrent alors leurs griefs, et ils prétendirent avoir un droit exclusif, mais il fut décidé alors, en les déboutant de leurs prétentions:

1° Que l'esprit en tant qu'esprit estoit de tous les sexes, de tous les ages et de tous les tems et de toutes les professions, et qu'ainsy Polichinel pouvoit en avoir et pouvoit le debiter en tant que Polichinel, parce qu'il n'y avoit point de privilege exclusif pour l'esprit en tant qu'esprit. En vain les Academies françoise, des belles-lettres et des sciences ont voulu s'arroger ce droit : elles ont tombé de leurs pretentions, et sont devenues bêtes comme des pots, tant il est vray que l'esprit doit être libre et qu'il ne faut point luy donner ny loix, ny établissement ny confraire.

2o Il fut decidé que l'on pouroit representer toutes sortes de comedies et tragedies, pourveu que l'on les representât dans un idiome et dans une langue differente que la françoise. Les comediens françois ont le privilege exclusif pour la representation françoise, les comediens italiens pour la langue italienne, mais ils ne l'ont point pour leurs representations particulieres ny l'un ny l'autre. Je suis persuadé que s'il se presentoit une troupe de comediens bas-bretons, il faudroit la recevoir parce qu'ils font troupe de langue étrangère.

raporta des moyens plus forts que ceux que les avocats avoient exposé; j'ajouteray, dis-je, qu'il faut encore obliger Polichinel à se renfermer dans son institution, qui est d'avoir sur son théatre un voisin, un compere qui interoge Polichinel par demandes, et que Polichinel reponde avec sa precision polissonique et ordinaire (2).

CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.

F. G.

Quand en 1663, Molière faisait dire au Dorante de la Critique de l'école des femmes « qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes aussi bien qu'avec une perruque courte et un rabat uni; que du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde on se fait à la cour une manière d'esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants, » quand Molière parlait ainsi, il avait cent fois raison, et pour s'en assurer, il suffit d'ouvrir la correspondance de BussyRabutin dont il va paraître à la librairie Charpentier une édition que l'éditeur a cherché à rendre aussi complète que possible (3).

Cette correspondance est, à un certain point de vue, presque unique dans notre littérature. Que trouve-t-on, en effet, dans la plupart de nos recueils épistolaires? Les lettres d'un seul individu à un nombre plus ou moins considérable de personnes dont les réponses sont absentes. C'est un dialogue où il n'y a qu'un interlocuteur. Il n'en est point de même ici. Sans doute dans la charmante causerie à laquelle il a convié l'élite des beaux esprits de son temps, Bussy joue le principal rôle, mais chaque invité prend la parole à son tour. De là une variété de physionomies, de langage et de sujets qu'on rencontrerait difficile

On peut donc appliquer ces deux grands prin- ment ailleurs. cipes à l'espèce dont est question.

Polichinel peut de droit avoir de l'esprit, et Polichinel peut representer des comedies, pourveu qu'il les represente dans son idiome et dans son langage de Polichinel, qui est different des autres langages. Le grand point est de se renfermer dans son langage qui est celui du sifflet pratique, et de ne pas permettre qu'il parle autrement.

Comme j'ay l'honneur d'estre avocat general auprès de vous, j'ajouteray ad instar M. Gilbert de

Ces lettres qui embrassent une période de vingt

(1) Sans doute l'abbé d'Artaguiette de Lacour, incarcéré à la Bastille, puis banni comme auteur de livres jansénistes.

(2) Cet extrait est sans date, mais la pièce à laquelle il est joint, Polichinel à la guinguette de Vaugirard, ayant été représentée au mois d'août 1731, il y a apparence que la lettre de l'abbé Cherier est de la même année et probablement du mois de juin ou de juillet.

(3) Elle formera huit volumes in-18.

|

six ans, commencent précisément à l'époqne où ...... Quand j'ai commencé ma lettre, écrit-elle finissent les Mémoires de Bussy, au mois de sep- à Bussy au mois de juin 1671, j'avois oublié que j'étembre 1666, c'est-à-dire au moment où à peine tois en colère contre vous. Comment, monsieur, me sorti de la Bastille, il part pour aller subir en Bour- dire que je suis bien aise d'être veuve, moi qui gogne un exil qu'il espérait devoir être de courte trois ans durant ai pensé mourir de douleur d'avoir durée, et que la rigueur inexorable de Louis XIV perdu un fort bon homme qui étoit de mes amis, prolongea pendant dix-sept ans. Elles se continuent comme s'il n'eût pas été mon mari; qui ne m'a presque sans interruption jusqu'à sa mort, jamais contrariée un moment; qui m'a toujours arrivée le 9 avril 1693. Il avait laissé à Paris louée, toujours estimée, toujours bien traitée, et quelques amis, des femmes surtout, qui pour le qui me déchargeoit tout au moins de la moitié du distraire et le tenir au courant de tout ce qui pou- | mal que j'ai à cette heure à souffrir ma mauvaise vait servir ses intérêts, se chargèrent de l'informer fortune toute seule! Sachez s'il vous plaît, monde ce qui se passait dans la brillante société qu'il sieur, que quand je parle des sentiments ordinaires avait quittée avec tant de regrets. Les lettres que, des femmes, je ne m'y comprends point. Si j'ose le de son côté, il leur adressait, circulèrent et ne dire, je me trouve toujours fort au-dessus d'elles tardèrent pas à lui attirer une foule de corres- et je vis d'une manière où la liberté ne me sert de pondants qui se firent un honneur d'être en com- rien; la société d'un honnête homme m'étoit plus merce régulier avec un homme vanté, à juste titre, douce. Faites-moi donc toutes les réparations que pour son esprit, son goût, sa galanterie, et dont vous me devez. Mme de Montglas disait plaisamment qu'il n'en arrivait qu'un en trois bateaux. » Aux nouvelles de cour, aux nouvelles politiques, se mêlent bien vite les nouvelles littéraires. On échange avec lui des ballades, des sonnets, des bouts-rimés. On lui envoie les pièces et les livres qui viennent de paraître. Les auteurs lui soumettent leurs ouvrages avant de les donner au public, et le consultent comme un des maîtres de la langue. Flatté, comme il devait l'être, d'un pareil empressement, Bussy fait face à tout et ne laisse guère attendre ses réponses. Prose et vers abondent sous sa plume élégante, et sa causticité naturelle relève singulièrement les jugements qu'il porte sur les hommes et sur les choses.

[ocr errors]

Outre Bussy, qu'elle nous fait connaître à fond avec toutes les qualités de son esprit et tous les défauts de son caractère, la Correspondance met en lumière des personnages plus ou moins oubliés jusqu'ici, et dont quelques-uns nous semblent mériter d'être classés au nombre des excellents écrivains du XVIIe siècle Nous placerons en tête la belle-sœur de Sapho, Mme de Scudéry, dont les lettres pleines d'élévation, de simplicité et de sentiment respirent une mélancolie touchante. Il y a chez elle des pages d'une exquise délicatesse.

Qu'on nous permette de citer entre autres la lettre où elle parle de son mari (l'auteur d'Alaric) qu'elle avait perdu trois ans auparavant et où elle a tracé du célèbre P. Rapin un portrait qui nous semble un petit chef-d'œuvre.

» Mais reparlons du P. Rapin, qui est l'ami que je vous veux donner, monsieur. Il a une physionomie qui découvre une partie de sa bonté et de sa douceur. Dans ses manières et dans son procédé il n'y a rien d'affecté, comme ont la plupart de ceux qui portent un habit de religieux. Il se contente de garder les bienséances et d'avoir la sagesse qui convient à un homme de son âge et de sa profession. Il est non-seulement moralement bon, il a une grande piété : sa dévotion lui fait faire mille bonnes choses pour lui; mais, à l'égard du prochain, elle ne le rend point un persécuteur de ceux qui ont des défauts: car il est tellement persuadé que le retour du mal au bien doit venir de la grâce de Dieu, qu'il aime mieux prier pour les pécheurs que de s'amuser à leur faire des remontrances, quand il voit qu'elles ne serviroient qu'à leur aigrir l'esprit. L'on ne voit donc de sa dévotion qu'autant qu'il en faut pour en être fort édifié et pour connoître qu'un extrêmement honnête homme peut être extrêmement dévot. Il a une qualité dans l'esprit qui, à mon gré, est la marque de l'avoir véritablement grand : c'est qu'il le hausse et qu'il le baisse tant qu'il lui plaît. Il est, à ce que disent tous les savants, un des plus savants hommes de son siècle. Cependant on peut dire de lui qu'il n'est pas un docteur tout cru; mais sa science est si bien digérée qu'il ne paroît dans sa conversation ordinaire que du bon sens et de la raison. On a, ce me semble, beaucoup d'obligations à un homme qui sait dire mille belles choses

d'en vouloir bien dire de communes pour s'accom-¡ le contenu était de nature à éveiller bien des susmoder à la portée de ceux à qui il parle. Personne ceptibilités, furent laissées de côté; seulement au ne sait plus précisément que lui parler à chacun milieu du XVIIIe siècle une main inhabile se de ce qu'il sait le mieux et de ce qui lui plaît da- hasarda à imprimer un Supplément où abonvantage. Cela est admirable à un jésuite de savoir dent des fautes de tout genre et qui est devenu si bien une chose qui, à mon avis, est la plus fort rare. grande science du monde. Il est aimé et recherché de ce qu'il y a de grand dans le royaume. Cependant on ne lui voit nul entêtement pour les personnes de grande qualité et de grand esprit, ni aucun mépris pour les personnes de mérite audessous de cela. Il a la plus grande droiture et la plus grande équité qu'on puisse avoir. Ni grandeur, ni faveur, ni rang, ni esprit, rien ne le peut séduire ni l'éblouir. C'est le meilleur homme qui vive: bienfaisant, officieux à tout le monde; mais, pour ses amis particuliers, sans aucun ménagement; ne voyant point de conséquences et n'ayant point d'égards qui l'empêchent d'employer tout son cré-vel éditeur a pu presque partout remplir les noms dit pour eux. »

Pour surcroît de précautions, dans les éditions françaises qui sont les plus communes, on se borna presque partout à indiquer les noms propres par des initiales, qui même quelquefois sont fausses. Joignez à cela la confusion qui règne dans le classement des lettres, les erreurs de date, et une fort grande incorrection typographique, et vous vous étonnerez peu que l'on n'ait guère songé jusqu'ici à rechercher dans ce chaos les précieux renseignements historiques, biographiques et littéraires qu'il sera facile d'y trouver aujourd'hui.

En collationnant les anciennes éditions, le nou

laissés en blanc ou rétablir ceux qui avaient été altérés. De plus, au moyen de divers manuscrits autographes qu'il a eus a sa disposition, il y a sur les vingt-six années qu'embrasse la correspondance de Bussy, quatorze au moins pour lesquelles il a pu donner une foule de lettres iné

mées, un texte complet et entièrement

veau.

nou

Après Mme de Scudéry, et, pour ne parler que de ceux qui figurent dans le premier volume que nous avons sous les yeux, nous citerons Mme de Montmorency, correspondante précieuse pour les anecdotes de la cour, surtout pour les anecdotes scandaleuses; la marquise de Gou-dites et, en ce qui regarde les lettres déjà impriville, l'impudique, comme l'appelle Bussy; les comtesses du Bouchet, du Plessis, de Ficsque; Mlles d'Armentières et Dupré; Benserade, le chevalier de Gramont, le duc de Saint-Aignan, l'abbé de Choisy, le P. Rapin. Bien d'autres arriveront successivement: car grands seigneurs et grandes dames, femmes vertueuses ou galantes, prélats et académiciens, poëtes et abbés, hommes d'épée et de robe, semblent s'être donné rendez-vous autour de Bussy « pour faire sortir de terre cet ancien monde, si différent du nôtre, et le faire passer en revue devant nous. "

Ce fut en 1697, quatre ans seulement après la mort de Bussy, que parut le premier recueil de ses lettres. Cette publication, faite par sa fille, Me de Coligny, et le P. Bouhours, eut un tel succès, qu'en quarante ans il s'en fit à Paris et en Hollande au moins quatorze éditions, dont les dernières furent augmentées successivement de nouvelles lettres. Cependant, quoique les premiers éditeurs paraissent avoir eu entre les mains les manuscrits complets de Bussy, ils n'osèrent donner au public qu'un texte tronqué et défiguré. Des lettres fort importantes, mais dont

Enfin, il y a dans cette édition une partie sur laquelle nous appelons particulièrement l'attention des lecteurs. Malgré le soin qu'y avaient apporté les derniers éditeurs, la correspondance de M" de Sévigné avec son cousin a été jusqu'ici publiée d'une manière fort défectueuse. Bussy avait fait en deux volumes une copie de sa correspondance avec la marquise, copie évidemment préparée en vue d'une publication future qu'il semble avoir confiée à sa fille, Me de Coligny. Mais cette copie (qui aujourd'hui appartient à M. le marquis de Laguiche) était loin d'être fidèle. Non-seulement le comte a supprimé un certain nombre de pièces, mais encore il a en maints endroits abrégé et corrigé celles qu'il conservait; et comme ces manuscrits ont été exactement reproduits par M. Monmerqué et les éditeurs qui l'ont suivi, il en est résulté que leur texte est loin d'être le texte véritable. Ce texte a été rétabli dans une foule de passages. De plus on y a ajouté diverses lettres de Bussy à sa cousine, lettres qui figuraient dans les anciennes

éditions où jusqu'ici on avait négligé de les aller | eut la gloire de soumettre l'Égypte, gloire dont on

[blocks in formation]

doit d'autant moins le dépouiller au profit d'Omar, qu'il plaça ce pays sous la domination musulmane presque contre la volonté du successeur d'AbouBekr, qui l'avait invité à rebrousser chemin si cet ordre lui parvenait avant qu'il eût franchi les frontières de l'Égypte.

[ocr errors]

Il a paru, vers le milieu du mois de mars 1857, dans le Compte rendu des séances de l'Académie En second lieu, Omar a-t-il jamais repoussé des sciences, et, un peu plus tard, sous la forme " l'idée d'un canal direct de Suez à Péluze ? Je d'une brochure in-8°, un rapport de M. le baron ne pense pas, et cela par une bonne raison: c'est Dupin, sur les mémoires de MM. Linant-Bey, que le kalife n'a jamais eu à se prononcer sur une Paulin Talabot, etc., relatifs au canal maritime de telle question. Le canal existait à cette époque; il Suez. L'honorable rapporteur a mêlé à son anane s'agissait que de le débarrasser des sables qui lyse des documents présentés à l'Académie par l'obstruaient. Amrou, gouverneur de l'Égypte, M. F. de Lesseps, des aperçus historiques qui honora son administration en faisant nettoyer ce malheureusement ne sont pas tous marqués au canal. Omar, on le voit, n'a pas eu le moins du coin de la vérité. Je pensais que quelque voix s'é- monde l'occasion de s'ériger en adversaire du perlèverait, dans le monde savant, pour avertir les cement de l'ithsme de Suez, et s'il est vrai qu'aunombreux lecteurs du rapport de M. Charles Dupin jourd'hui le sultan soit opposé à un projet aussi des inexactitudes qui déparent cet intéressant tra- utile, il n'a même pas pour lui, comme on dit dans vail; mais l'année s'est écoulée sans que personne les assemblées parlementaires, l'excuse du précéait rendu ce service au public. Puisque les cri- | dent. tiques ont adopté la complaisante doctrine du laissez-passer » à l'égard des assertions erronées de l'illustre économiste, je me décide à lui adresser ici quelques rapides objections :

[ocr errors]

Je ne reprocherai pas à M. Charles Dupin d'avoir fait à Néchos l'honneur de se présenter comme l'auteur du canal de Suez; il peut invoquer, en faveur de son opinion, l'imposante autorité d'Hérodote. Pourtant on doit observer que, si Diodore de Sicile garde à ce sujet un silence absolu, trois auteurs, dont deux surtout, les deux premiers, méritent une singulière estime, attribuent à Sésostris l'initiative de ce gigantesque travail : Aristote, Strabon et Pline l'Ancien. Mais, encore une fois, je ne blâmerai pas le savant qui a été, en cette circonstance, l'organe de l'Académie, d'avoir suivi le sentiment d'Hérodote, sans même avoir indiqué l'existence du sentiment contraire. C'est là un simple péché d'omission; ce qui est plus grave, c'est d'avoir écrit les trois lignes que voici : Omar, le compagnon de Mahomet, ayant conquis » la vallée du Nil, son lieutenant Amrou lui pré"senta l'idée d'un canal direct de Suez à Péluze... » Mais un conquérant ignare, qui brûlait la bibliothèque d'Alexandrie, cet esprit borné n'était pas » fait pour comprendre une si grande idée. »

46

[ocr errors]

D'abord, le kalife Omar n'a jamais « conquis la vallée du Nil; » ce fut son lieutenant Amrou qui

Enfin, Omar a-t-il « brûlé la bibliothèque d'Alexandrie?» Une foule de savants ont prouvé d'une manière indubitable que cette vieille et banale accusation n'a pas la moindre raison d'être. Un Français, Renaudot, a exposé le premier les motifs trèssérieux qu'on avait de nier le vandalisme d'Omar. Après lui, Gibbon s'attacha à justifier complétement le kalife. La docte Germanie ne voulut pas rester en arrière, et deux de ses grands critiqués, Heyne, d'une part, Reinhart, de l'autre, vengèrent la mémoire du deuxième successeur de Mahomet. Depuis cette époque, le préjugé dont Omar avait été victime n'a cessé d'être battu en brèche, et il n'est point pardonnable à un académicien d'avoir répété une pareille erreur (1).

TAMIZEY DE LARROQUE.

(1) M. Éd. Fournier (l'Esprit dans l'histoire, p. 9) ne nomme, au sujet de la réhabilitation d'Omar, aucun au teur français; il se contente de renvoyer aux Opuscula acad. de Heyne, t. I, p. 129, et t. IV, p. 438. Son lecteur n'y trouvera rien qui ressemble à cette phrase de M. Fournier sur Omar : « Quand il arriva (à Alexandrie) tout était brûlé et fumait encore. » Omar « n'arriva » pas Alexandrie, car il ne partit jamais pour s'y rendre, et tout ne fumait pas encore» alors, car, en fait de livres, tout avait été brûlé depuis deux siècles et demi. Heyne est formel à cet égard: il déclare qu'il n'y avait plus rien, en 690, dans la bibliothèque d'Alexandrie.

LESAGE ET FERRANTE PALLAVICINI.
Monsieur le directeur,

La Correspondance littéraire a rendu compte, dans le courant de l'année dernière (1), d'une brochure publiée en Allemagne, par M. C. F. Francesou, au sujet des origines de Gil Blas. La question est maintenant jugée au profit de notre littérature nationale; si j'y reviens, ce n'est pas pour diminuer en rien la gloire de le Sage, mais simplement pour signaler à vos lecteurs, à titre de curiosité littéraire, un emprunt fait par lui à un écrivain un peu oublié maintenant, Ferrante Pallavicini (2), qui a laissé un récit de la disgrâce du comte-duc d'Olivarez, dans lequel le Sage ne s'est pas fait faute de prendre quelques traits, même une image qu'il a textuellement reproduite.

La vie de Pallavicini se trouve dans tous les dictionnaires historiques : nous ne nous étendrons donc pas sur les malheurs de cet écrivain, dont Stendhal s'est peut-être souvenu dans la Chartreuse de Parme, quand il a donné à l'un des personnage de son roman, à un proscrit, le nom de Palla Ferrante (3).

J'arrive au récit dont j'ai parlé; il est intitulé : la Disgrâce du comte d'Olivarez, traduit de l'italien, et se trouve à la page 307 d'un volume petit in-12 le Courrier desvalisé, publié par Ginifaccio Spironcini (Ferrante Pallavicini), et dédié à Mgr Lélio Talentoni, tiré de l'italien, à Villefranche (Hollande), imprimé par Jean Guibaud. MDC.XLIV. Ce volume contient en outre plusieurs lettres sur les affaires du temps, et une satire contre les Barberins (la famille du pape régnant).

On sait que le comte-duc d'Olivarez fut disgracié en 1643, et mourut un an après. Le Sage raconte (Gil Blas, liv. 12, ch. IV) comme Pallavicini (le Courrier, etc., p. 417), sauf de légères différences de forme, l'histoire de ses amours avec

(1) Voy. le numéro du 5 mars 1857, p. 98.

(2) La Biographie Michaud et le Dictionnaire de Bayle l'appellent Pallavicino.

(3) Pour l'histoire de ses démêlés avec la cour de Rome et sa fin tragique, arrivée en 1644, nous renverrons au tome Ier des Mélanges, de Vigneul-Marville; quant à ses ouvrages, on en trouve la liste dans Moréri, Bayle, la Bibliothèque choisie de Colomiès (édition de la Monnoye), la Biographie Michaud, qui renvoie au Dictionnaire de Chauffepié et aux Memorie di Poggiali, etc., etc.

[ocr errors]

doña Margarita Spinola, et à la suite (Gil Blas, liv. 12, ch. V, et le Courrier, etc., p. 424), la reconnaissance du fils de cette dernière par le comte d'Olivarez, et la déclaration qui en fut faite aux ambassadeurs et aux grands d'Espagne. " Il fit dessein de marier ce fils, dit F. Pallavicini, à une des principales dames d'Espagne. Il jeta les yeux sur la première dame de la cour, damoiselle Jane de Velasque, fille du connétable de Castille... » (Le Courrier, etc., p. 424.) Le Sage dit à son tour: «Ayant pris la résolution de le marier et voulant lui donner une dame de la plus noble maison d'Espagne, il jeta les yeux sur doña Juanna de Velasco, fille du duc de Castille... » (Gil Blas, liv. 12, ch. VI.) Plus loin, au chapitre VII du livre 12 du roman, on lit : « Persuadé que l'autorité de mon maître étoit inébranlable, le regardant comme un de ces vieux chênes qui ont pris racine dans une forêt, et que les orages ne sauroient abattre.» Or cette image, nous la retrouvons dans le Courrier (p. 309): « La faveur du comte-duc, qui avoit duré vingt-deux ans, avoit formé des racines si profondes dans le cœur de Sa Majesté, que tout le monde croyoit que ce fust un de ces vieux chesnes plein de nœuds, au croulement duquel deûssent inutilement souffler les vents de l'envie, les tourbillons de la persécution et les tempestes des machinations des envieux et des concurrens. "

Quand vient le voyage du roi à Saragosse, nous retrouvons encore dans les deux récits des endroits identiques : « Il passa, dit le Sage (Gil Blas, liv. 12, ch. VIII, inf.), par Aranjuez, dont il trouva le séjour si délicieux qu'il s'y arrêta près de trois semaines. D'Aranjuez, le ministre le fit aller à Cuença, où il l'amusa encore plus longtemps par les divertissements qu'il lui donna. Ensuite les plaisirs de la chasse occupèrent ce prince à Molina d'Aragon, après quoi il fut conduit à Saragosse. Son armée n'étoit pas loin de là, et il se préparoit à s'y rendre; mais le comte-duc lui en ôta l'envie, en lui faisant accroire qu'il se mettoit en danger d'être pris par les François, qui étoient maîtres de la plaine de Monçon; de sorte que le roi, épouvanté d'un péril qu'il n'avoit nullement à craindre, prit le parti de demeurer enfermé chez lui comme dans une prison... Les grands, qui avoient fait une excessive dépense pour se mettre en état de suivre leur souverain, n'eurent pas même la satisfaction d'obtenir de lui une audience particulière. »Dans le Courrier (p. 319 et suiv.):

« ForrigeFortsæt »