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cette prévision, il convenait de leur opposer une population active, persévérante, aguerrie, et surtout habituée à vivre dans les villes. Ce n'était point le fait des Slaves; les peuples de cette race sont généralement assez disposés à l'indolence; d'ailleurs ils préfèrent l'agriculture à l'industrie, et n'aiment point à habiter dans des villes. Aussi les souverains en question firent appel aux habitants des Etats allemands qui les entouraient, et ce ne fut point en vain. Durant tout le moyen âge le courant de l'émigration allemande, qui aujourd'hui se dirige vers l'occident, se porta vers la Vistule et dans les plaines qui bordent le Danube. On remarque que ce flot de colons franchit la Vistule à mesure que la Pologne y empiéta sur le territoire de la Russie, mais ne s'étendit pas au delà du Danube; il semble que ces envahissements aient été constamment subordonnés à ceux que l'Église romaine faisait sur le culte grec.

Les garanties civiles que possédaient alors les habitants des villes slaves auraient paru fort insuffisantes aux colons allemands. Les princes qui les appelaient leur accordèrent le droit municipal de Magdebourg en usage dans une partie de l'Allemagne; et comme les nouvelles cités ne tardèrent point à donner de bons revenus, ils les multiplièrent. Les Tatars qui se tenaient sur les bords de la mer Noire continuèrent pendant longtemps encore à inquiéter leurs voisins. Souvent même ils parvenaient à surprendre et à détruire quelques-unes de ces villes naissantes, quoiqu'elles fussent généralement fortifiées; mais elles étaient bientôt relevées. C'est ainsi que la race allemande s'implanta peu à peu au milieu des provinces slaves qui entouraient l'ancienne Russie. Cette émigration n'eut d'autre cause que la nécessité de repeupler les contrées dévastées par les Tatars et de tenir en respect ces implacables ennemis de la vie sédentaire. H. DELAVEAU.

QUESTIONS ET RÉPONSES.

MANUSCRITS RELATIFS A POUSSIN ET A LEBRUN. Mon cher directeur,

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mort pour la bibliothèque de l'Institut), il est deux fois question d'une vie du Poussin par Passeri, copiée par Mariette, et des notes qu'y avait ajoutées ce savant amateur. Je m'étais souvent étonné que, dans son Abecedario pittorico et dans les autres papiers que possède de lui la Bibliothèque impériale, Mariette, si abondant en renseignements sur des artistes parfois bien secondaires, eût été muet sur le grand maître dont il estimait si fort les œuvres, qu'outre ses plus admirables dessins, aujourd'hui la richesse du Louvre, il avait encore voulu posséder un tableau de sa main. Les quelques mots de Dufourny m'ont paru répondre à mes doutes, et me reportant au catalogue de sa bibliothèque, qui fut vendue à la fin de 1823, j'y trouve aux no 243 et 244, la désignation des ouvrages suivants : « 243. Vite dei pittori, scultori, ed architetti che hanno lavorato in Roma, morti dal 1641, fino al 1673, di G. Passeri, pittore e poeta. Roma, 1772. 1 vol. in-4. 244. Le même ouvrage de Passeri en manuscrit, d'une écriture très-propre et très-soignée. 2 vol. in-4, v.— cueil a été copié par Mariette en 1752, d'après un exemplaire qui lui avait été communiqué par le baron de Tiers, neveu de M. Crozat, qui l'avait apporté d'Italie, aussi en manuscrit. On y trouve beaucoup de traits qui ne sont pas dans l'imprimé, et surtout des préambules que Passeri avait mis à la tête de chaque vie, et que l'éditeur a supprimés : cette copie est encore enrichie d'un avertissement et de plusieurs notes par Mariette et M. L. Dufourny. Ou je me trompe fort, ou c'est dans ces notes de Passeri que Mariette a dû concentrer les remarques qu'un aussi infatigable observateur n'a pas pu ne pas faire sur les détails de la vie et le sort des ouvrages de Nicolas Poussin. Je vous serais fort obligé, si vous vouliez bien faire appel à la science et à la complaisance de vos abonnés, et leur demander des nouvelles du précieux exemplaire de Passeri, lequel me serait doublement intéressant. Je ne doute pas qu'il ne fournît quelque lumière à la correspondance du Poussin; et à coup sûr il apporterait un supplément des plus curieux à l'Abecedario de Mariette. Une bonne fortune presque égale arriverait aux éditeurs de l'Abecedario, le jour où ils découvri

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Dans des notules de la main de Dufourny, quiraient dans quelle bibliothèque est caché le vose trouvent en tête du dossier de pièces diverses jointes à la copie ancienne qu'il possédait des lettres du Poussin (dossier et copie acquis à sa

lume in-4, relié, contenant « la vie de Guido Reni et d'André Sacchi, par J. Bellori, manuscrit de 142 pages de la main de M. Mariette, avec des

augmentations et observations, » qui figurait sous le n° 1443 dans le catalogue du cabinet de Mariette, par Basan (1775), et qui fut retiré lors de la vente. Puisque je suis en train de fatiguer de questions les lecteurs de la Correspondance, permettez-moi de vous rappeler un manuscrit dont je vous entretins autrefois dans l'Athenæum français; il s'agissait de Le Brun, et l'occasion me semble bonne pour revenir aujourd'hui du Poussin à Le Brun, du maître à l'élève. Je m'enquérais alors en quelles mains était venue une certaine vie de Le Brun par Claude Nivelon, signalée par Gault de Saint-Germain dans la vie du Poussin comme faisant alors partie (en 1806) de la bibliothèque de M. Lami. Depuis, en feuilletant le catalogue de la bibliohèque de M. Morel d'Arleux, vendue en janvier 1828, j'ai rencontré, au no 260, une « description de l'œuvre de M. Le Brun (avec sa vie par Cl. Nivelon), s. d., in-4, parch. Manuscrit original du xvIII* siècle et signé de l'auteur. Il est sur papier et se compose de 552 pages. » — C'est là, à n'en pas douter, le manuscrit de Nivelon dont parle Gault de Saint-Germain. Il ne resterait plus qu'à connaître sa destinée, sua fata, depuis la vente de M. Morel d'Arleux.

Agréez, etc.

PH. DE CHENNEVIÈRES.

JEANNE DE LA FONT,

POETE DU XVI SIÈCLE.

Monsieur le directeur,

Il n'est pas, en bibliographie ou en biographie, de petite erreur qui ne mérite d'être relevée; permettez-moi donc de vous adresser ces quelques mots sur un personnage fort peu connu.

En ouvrant la Bibliothèque françoise de la Croix du Maine, on trouve au mot Jeanne les lignes suivantes :

« JEANNE DE LA FONTAINE, native du pays de Berry, dame très illustre et fort recommandée (pour son savoir) de plusieurs hommes doctes. Elle a écrit en vers français l'histoire des faits de Thésée, et autres poésies non encore imprimées. Jean Second, poëte très excellent, natif de Hage en Flandres (1), appelé en latin Johannes Secundus Hagiensis, fait très honorable mention d'elle en ses élégies latines imprimées avec ses Baisers, l'an 1560 ou environ. »

(1) La Haye, en latin Haga Comilis.

D'un autre côté, le savant la Monnoie, dans son Commentaire sur l'ouvrage de la Croix du Maine (1), s'exprime ainsi :

« C'est quelque chose d'assez singulier, dit-il, qu'au commencement du XVIe siècle, il se soit trouvé deux dames, savoir: Anne de Graville à Paris, et Jeanne de la Fontaine à Bourges, qui, instruites toutes deux à la poésie, aient en même temps, quoiqu'à l'insçu et éloignées l'une de l'autre, mis en vers français la Théséide de Boccace. » Il paraît que c'est Jeanne de la Fontaine que Jean Second a désignée dans la quinzième éiégie de son troisième livre, dont voici le titre: In historiam de rebus à Theseo gestis, duorumque rivalium certamine, gallicis numeris ab illustri quâdam matronâ suavissimè conscriptam. On voit qu'il y désigne clairement Jeanne de la Fontaine sans la nommer. Il la nomme en deux autres élégies de son livre Funerum, l'une desquelles commence ainsi :

Hospes, Johannæ hoc Fontanæ habet ossa sepulchrum, où entre autres vers celui-ci mérite d'être cité : Noverat et quicquid franca poesis habet. »

Cette élégie est la onzième des poésies funéraires de l'auteur, et a pour titre : Johanna Fontanæ epitaphium.

Quelle est donc cette Jeanne de la Fontaine? Nulle part ailleurs son nom ne se retrouve. Les historiens du Berry sont muets à ce sujet, et ceux qui se sont occupés du passé littéraire de cette province ont fait de vaines recherches pour en retrouver la trace. Je n'en savais pas plus long que mes devanciers, lorsque l'opuscule de Catherinot, intitulé Tombeau généalogique, vint me tirer de peine. A la page 21 de ce mémorial de famille, l'auteur, rencontrant le nom de Jacques Thiboust (2), notaire et secrétaire du roi sous François Ier, et secrétaire de Marguerite de Navarre, nous apprend que ce poëte, ami de Marot, avait épousé en 1521 Jeanne de la Font, fille unique de Jean de la Font, seigneur de Vesnez sous Lugny (3), et de Françoise Godard. Jeanne, qui, à

(1) Biblioth. franç., de la Croix du Maine et de du Verdier, édit. Rigoley de Juvigny, t. I, p. 608.

(2) Voy., sur Jacques Thiboust, la notice, assez peu intéressante d'ailleurs, que lui a consacrée Colletet dans ses Vies manuscrites des poëtes françois, t. VI.

(3) Jean de la Font me paraît avoir été un riche marchand de Bourges, anobli par l'échevinage.

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ce qu'il paraît, réunissait aux agréments du corps | importants que l'on connaisse pour l'histoire de les charmes de l'esprit, mourut une dizaine d'an- l'illustre compagnie au XVII siècle. nées après son mariage. « Le décès de cette Jeanne de la Font, ajoute Catherinot, fut déploré en prose❘ et en vers, en grec, en latin et en françois, et entre autres par ce fameux poëte de son siècle, Jean Second, natif de la Haye en Hollande. »

Cette dernière phrase leva tous mes doutes. Jeanne de la Font était bien la même que cette Johanna Fontana, dont le nom a été ensuite retraduit en français sous la forme de la Fontaine par des écrivains qui ne la connaissaient que d'après les poésies latines de Jean Second.

Quant à cette Théséide dont elle est l'auteur, il ne nous en reste que le titre. Jean Second, qui avait étudié vers 1530 à l'université de Bourges, et y avait connu Jeanne, dont il a rapporté dans sa patrie un si tendre souvenir, parle de ce poëme comme d'un chef-d'œuvre, dans une de ses élégies mentionnées plus haut (1). La postérité aurait-elle ratifié ce jugement d'un admirateur passionné? Il est permis d'en douter; mais peut-être ce poëme n'est-il pas perdu, et existe-t-il encore égaré dans quelque bibliothèque. Toutes mes recherches ont été jusqu'à présent infructueuses; mais un autre pourra être plus heureux que moi, et je ne puis mieux faire, monsieur le directeur, que d'appeler sur ce point l'attention de vos lec

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Deux ouvrages, l'un de Pellisson, l'autre de l'abbé d'Olivet, dit M. Livet dans son intéressante introduction, ont surtout contribué à répandre la connaissance des Annales académiques antérieures au XVIIIe siècle. Pellisson s'est étendu sur les origines de l'Académie. Il a dit, avec ce charme indéfinissable et cette belle langue dont il avait le secret, les premiers travaux, les premières luttes, les premiers succès de la compagnie. L'abbé d'Olivet a repris la chaîne des faits où l'avaient interrompue ses devanciers, et l'a conduite jusqu'à l'an 1700. La mort de Racine est le dernier événement qu'il rapporte. » Malgré leur mérite, ces deux ouvrages offraient de nombreuses lacunes volontaires ou involontaires. M. Livet s'est proposé, tout en donnant un texte soigneusement revu, de combler les omissions, de rectifier les erreurs, en un mot « d'ajouter aux deux récits tout ce qu'ils laissent à désirer, » et il a réussi.

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L'écrit de Pellisson, qui, avec les notes et l'appendice, forme le premier volume, est ainsi divisé : De l'établissement de l'Académie. Des statuts de l'Académie. Travaux de l'Académie. Des choses remarquables arrivées dans l'Académie. Des académiciens en particulier; chapitre qui comprend des notices sur dix-sept académiciens morts avant 1652, et la liste des quarante académiciens vivants à la même époque, avec une indication de leurs ouvrages. Cette liste n'offrirait qu'une nomenclature très-sèche, si M. Livet n'avait eu le soin d'y joindre les additions de l'abbé d'Olivet, dont par ses notes il a doublé l'utilité. Les pages consacrées à la vie intérieure de l'Académie sont les plus intéressantes. Nous signalerons particulièrement celles qui sont relatives à l'académicien Boissat, gentilhomme du Dauphiné, à qui le comte de Sault fit donner des coups de bâton. M. Livet a ajouté de nouvelles pièces à celles que Pellisson avait déjà recueillies, et ce ne sont point les moins curieuses. Le volume est terminé par les Discours aca

démiques de Pellisson et 160 pages de pièces justificatives (1).

(1) Citons entre autres les extraits inédits des lettres de Chapelain, divers pamphlets contre l'Académie qu'on est bien aise de retrouver là, comme la Comédie des académistes, la Requête des dictionnaires, etc.; des lettres sur

Le second volume contient le travail de d'Olivet, composé à peu près sur le même plan que celui de Pellisson : le récit des choses remarquables arrivées dans l'Académie (la visite de la reine Christine, la fondation de la Bibliothèque, les fauteuils, etc.), les travaux de l'Académie (le Dictionnaire, l'affaire de Furetière, etc.), et enfin des notices sur quarante académiciens, dont quelques-unes sont fort insignifiantes. Les pièces justificatives ne sont ni moins nombreuses ni moins intéressantes que dans le premier volume. Nous y avons remarqué entre autres, outre divers extraits des mémoires de Conrart, Perrault, Segrais, etc., des fragments inédits de lettres de l'abbé d'Olivet à Bouhier, de la correspondance de Chapelain, etc.; la liste des académiciens par ordre de fauteuils jusqu'en 1793. Le tout terminé par une longue et très-complète table des matières. Bien que nous ne partagions pas toujours les idées et les appréciations de M. Livet, nous ne pouvons que rendre justice à sa solide érudition et à la manière dont il l'a mise en œuvre dans ses commentaires.

Parmi les pièces justificatives données par M. Livet, nous regrettons de n'avoir pas trouvé le Discours de Fénelon sur les occupations de l'Académie, et une autre pièce du même genre, publiée il y a quelques années dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, et où, si nous ne nous trompons, on pourrait reconnaître la main de l'abbé d'Olivet. Ce sont là de petites omissions facilement réparables dans une seconde édition, qui, nous le croyons, ne se fera guère attendre. Nous signalerons encore à l'éditeur une fort belle page, qu'il n'a pu connaître, car elle a paru, il y a seulement quelques jours, dans le tome XV du Journal de Dangeau (1). C'est encore

une de ces précieuses notes de Saint-Simon qui donnent tant de prix à l'édition complète du Jour| nal. Nous ne pouvons résister au plaisir de la citer

tout entière.

« L'académie françoise se perdit peu à peu par sa vanité et par sa complaisance. Elle seroit demeurée en lustre si elle s'en étoit tenue à son institution; la complaisance commença à la gâter. Des personnes puissantes par leur élévation ou par leur crédit protégèrent des sujets qui ne pouvoient lui être utiles, conséquemment ne pouvoient lui faire honneur; ces protections s'étendirent après jusque sur leurs domestiques par orgueil, et ces domestiques, qui n'avoient souvent pas d'autre mérite littéraire, furent admis. De là, cela se tourna en espèce de droit que l'usage autorisa, et qui remplit étrangement l'Académie. Pour essayer de se relever au moins par la qualité de ses membres, elle élut des gens considérables, mais qui ne l'étoient que par leur naissance ou leurs emplois, sans lesquels les lettres ne les auroient jamais admis dans une société littéraire, et ces personnes eurent la petitesse de s'imaginer que la qualité d'académiciens les rendoit académiques. De l'une à l'autre cette mode s'introduisit, et l'Académie s'en applaudit par la vanité de faire subir à ces hommes distingués une égalité littéraire en places, en siéges, en voix, en emplois de directeur et de chancelier par tour ou par élection, et tel qui eût été à peine assis chez un autre, se croyoit quelque chose de grand par ce mélange avec lui au dedans de l'Académie, et ne sentoit pas que cette distinction intérieure et momentanée ne différoit guère de celle des rois de théâtre et des héros d'opéra. Que pour honorer l'Académie, la distinction des personnes ne fût pas un obstacle à les admettre, quand d'ailleurs ils avoient de quoi payer de leurs personnes par leur savoir et par leur bon

le mot rabougri; la liste des académies antérieures à goût et s'en tenir là, c'étoit chose raisonnable; on l'Académie française, etc.

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avoit commencé de la sorte, cela honoroit qui que ce fût; l'égalité littéraire contribuoit à l'émulation et à l'union des divers membres dans un lieu où l'esprit et les lettres seules étoient considérées, et où tout autre éclat ne devoit pas être compté. Tant que l'Académie n'a été ouverte qu'à des prélats et à des magistrats en petit nombre, distingués en

effet par les lettres, et à des gens de qualité, même

tres qui semblent prouver que le célèbre académicien est mort dans les sentiments de la religion réformée.

de dignité s'il s'en trouvoit de tels, elle leur a donné et en a reçu un éclat réciproque; mais depuis que de l'un à l'autre, par mode et par succession de temps, les grandes places et celles de domestiques sans autre titre s'y sont réunies, la mésalliance est tombée dans le ridicule et les lettres dans le néant, par le très-petit nombre de gens de lettres qui y ont eu place, et qui se sont découragés par les confrères qui leur ont été donnés, | parfaitement inutiles aux lettres et bons seulement à y cabaler des élections. On admirera la fatuité de plusieurs gens considérables qui s'y laissèrent entraîner et celle de l'Académie à les élire. » -Puisque nous venons de parler de Saint-Simon, n'oublions pas d'annoncer que la belle édition publiée par M. Hachette et C est enfin terminée. Le vingtième et dernier volume vient de paraître. Il contient la fin des Mémoires et une excellente table alphabétique, qui est, avec quelques additions, la reproduction de celles que l'on trouve à la suite des éditions in-18 publiées jadis par les libraires Paulin et Delloye.

De cette société du XVIIe siècle, que Saint-Simon nous a peinte si admirablement, nous passons brusquement à la nôtre avec les Salons de Paris de Me Ancelot (1). Ils sont au nombre de huit. Ce sont les salons de Mme Lebrun, de Gérard, Mme d'Abrantès, Nodier, de Lancy, Mme Récamier, d'Arlincourt, marquis de Custine.-C'est un livre fort amusant et qui se lit comme il a été écrit, rapidement. Quelques anecdotes prises au hasard en donneront une idée. Voici une scène qui se passa dans le salon de Gérard :

fallut se moucher, et l'abbé de Pradt reprit ses avantages. Son éloquence était entraînante, et il faisait si bien valoir toutes les raisons de ses opinions, que, tant qu'il parlait, chacun pensait avec lui et comme lui. M. de Humboldt eut bien de la peine à saisir entre deux phrases un moment pour reprendre le fil de son propre discours; mais l'abbé n'avait pas fini le sien et le continua. Il s'ensuivit un véritable duo: tous deux parlaient en même temps et ne s'en apercevaient pas. Chacun eut ses auditeurs qui l'écoutèrent exclusivement, et euxmêmes s'entendaient réciproquement tout en parlant. M. de Humboldt a dit depuis en riant qu'il n'avait pas perdu un mot de l'abbé; et, pour le prouver, il répétait tout ce qu'il avait dit, en imitant le son de sa voix et ses inflexions, de manière qu'on eût pu s'y méprendre...

"On parlait un jour devant Gérard des peintures que Gros venait de faire à Sainte-Geneviève, et quelqu'un remarquait les proportions colossales des figures.

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J'attendis longtemps son retour, ce qui me fit augurer que la pièce avait été jusqu'à la fin, et j'en étais arrivé à me moquer de moi-même, qui m'étais refusé à recevoir des nouvelles de mon ouvrage par mes amis, juges compétents, et qui attendais avec anxiété l'avis de mon domestique, lorsqu'il entra brusquement, s'excusant d'arriver si tard sur la longueur du spectacle, mais ne disant rien de ce qui était advenu. Il fallut donc l'interroger.

«Vers la fin de la soirée, c'est-à-dire après minuit, l'abbé de Pradt arriva, et Gérard le mit en rapport avec M. de Humboldt. Tous deux avaient beaucoup à dire, car tous deux pensaient beaucoup; ils avaient des idées sur toute chose. L'abbé prit le premier la parole et la garda; seulement il eut le malheur de tousser pendant quelques secondes, et son auditeur passa à l'état d'orateur. Il ne perdit pas de temps; les mots se pressaient, les "Eh bien! comment cela s'est-il passé? demanidées les poussaient, et il jaillissait de vives étin-dai-je en affectant l'indifférence. celles de ce choc. Tout le monde qui était dans le salon écoutait religieusement, on crut que la Prusse l'emporterait pour la sagacité ingénieuse de ses aperçus et la durée de ses paroles; mais il

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· Parfaitement, monsieur le vicomte... On avait bien essayé de faire un peu de bruit.

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Pendant la tragédie?... m'écriai-je involontairement ému.

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Oui, monsieur le vicomte, pendant la tra(1) Les salons de Paris. Foyers éteints. Paris, J. Tar-gédie. Mais cela n'a pas été long et l'on s'est re

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