Satan, après avoir parcouru la terre, revient au Paradis terrestre, et s'insinue dans le corps du serpent. Adam et Eve, au lever de l'aurore, sortent pour aller à leurs occupations ordinaires. Ève allégue différents prétextes pour y aller seule, et n'en obtient la permission d'Adam qu'avec beaucoup de difficulté. Séparée de lui, elle est absorbée par le serpent, qui, par ses louanges et ses mensonges, l'engage à goûter du fruit de l'arbre de la science. Adam arrive au même instant, et, consterné d'abord de l'action de son épouse, prend enfin le parti de l'imiter pour périr avec elle. Les premières suites de leur désobéissance sont des transports d'un amour lascif, auxquels succèdent les querelles et les remords. On ne verra plus Dieu s'entretenir avec l'Homme comme avec ami; on ne verra plus les anges partager son repas champêtre, prêter une oreille indulgente à ses questions, et les éclaircir avec bonté. Que ma voix se change en lugubres accents pour chanter l'infidélité, la révolte, la désobéissance de la part de l'Homme, et, de la part du ciel offensé, l'indignation, la colère, la terrible sentence, source d'un déluge de maux sur la terre, et le Péché et la Mort, son inséparable escorte, et les infirmités, avant-courrières de la Mort. Sujet déplorable, mais non moins élevé, que dis-je? bien plus digne de la trompette épique, que le courroux de l'implacable Achille, poursuivant trois fois autour des murailles de Troie son ennemi fugitif; que la rage de Turnus perdant l'espoir d'épouser Lavinie; ou que la longue haine de Neptune contre le fameux Grec; ou que celle de Junon, si fatale au fils de Cythérée. O puisse encore soutenir ma voix la divine protectrice qui, sans être appelée, daigne me visiter pendant la nuit, et m'inspire dans de fertiles songes des vers enfantés sans travail! Elle m'honore de ses faveurs depuis que ce sujet anime mes accents héroïques, sujet choisi depuis si longtemps, et que j'ai commencé si tard à chanter. Que d'autres méditent des récits de batailles, tumulte étranger au And dictates to me slumb'ring; or inspires Since first this subject for heroic song Pleas'd me, long choosing, and beginning late; Wars, hitherto the only argument That name, unless an age too late, or cold The sun was sunk, and, after him, the star 'Twixt day and night and now, from end to end, That kept their watch; thence, full of anguish, driv❜n, ton de ma lyre, mais qui jusqu'à ce jour a paru seul digne de l'épopée; que, laissant dans l'oubli de plus nobles objets, la constance, le courage, la mort héroïque des martyrs, leur art fastidieux excelle à disséquer de fabuleux guerriers renversés dans de chimériques batailles; qu'ils se plaisent à décrire les courses, les tournois, leur appareil pompeux, les boucliers armoriés, les harnais éclatants d'or et de broderie, et les coursiers superbes et les fastueux chevaliers entrant dans la carrière; qu'ils les suivent au festin dressé dans la salle enchantée; qu'ils les voient servir par d'éclatants officiers : c'est là l'ouvrage de la médiocrité frivole, et non du vrai génie, qui peut seul illustrer un poëme et son auteur. Pour moi qui n'ai ni le talent ni le goût des fictions, le grand événement dont je continuerai de suivre la trace suffira pour élever mon nom à l'immortalité, pourvu que le déclin du monde, les. glaces du climat et des années n'arrêtent pas mon vol dans sa haute direction. Je le sens, mes forces seraient bientôt épuisées, si la Divinité qui daigne me visiter chaque nuit cessait de les animer. Le soleil avait disparu; à sa suite était descendu Hespérus, dont la fonction est de présenter à la terre le crépuscule, ce conciliateur d'un moment entre le jour et la nuit, et déjà le voile des ténèbres était étendu sur l'horizon d'un bout à l'autre de l'hémisphère, lorsque Satan, qui s'était enfui du jardin d'Eden devant les menaces de Gabriel, intrépide, résolut d'y rentrer. Toujours occupé de la perte de l'Homme, quelque terrible châtiment qui dût en retomber sur sa tête, la réflexion l'avait éclairé sur l'art de tromper et de nuire. Sorti vers le commencement de la nuit, elle était au milieu de son cours quand il revint; il avait fait le tour de la terre, soigneux d'éviter le jour, depuis qu'Uriel, conducteur du soleil, observant son entrée dans le Paradis, en avait averti les chérubins préposés à sa garde. Dévoré de dépit, durant sept nuits entières il avait erré parmi les ténèbres; trois fois il avait fait le tour du cercle équinoxial; quatre fois, passant d'un pôle à l'autre, il avait traversé les colures et croisé le char de la Nuit. Au huitième tour il aperçut, dans la partie opposée à cette entrée si bien gardée, un accès qu'on ne soupçonnait pas, et qui n'existe plus, non par l'effet du temps, mais par le bouleversement général, suite du péché du premier Homme. Au pied du Paradis était un gouffre où Now not, though sin, not time, first wrought the change, In with the river sunk, and with it rose, Satan, involv'd in rising mist; then sought Where to lie hid: sea he had search'd, and land, From Eden over Pontus, and the pool Most opportune might serve his wiles; and found Of thoughts revolv'd, his final sentence chose "O earth, how like to heaven! if not preferr'd "Is centre, yet extends to all; so thou, "Centring, receiv'st from all these orbs: in thee, "Of growth, sense, reason-all summ'd up in man. "With what delight could I have walk'd thee round, "If I could joy in aught, sweet interchange "Of hill, and valley, rivers, woods, and plains, se précipitaient les eaux du Tigre, dont une partie, remontant dans l'enceinte sacrée, formait une fontaine près de l'arbre de vie. Satan se plongea dans le gouffre, et jaillit avec le fleuve, enveloppé dans le brouillard qu'il exhalait : il chercha d'abord quelque lieu pour se cacher. Il avait parcouru la terre et les mers depuis Eden jusqu'au Pont-Euxin, aux Palus Méotides et par delà le fleuve Oby; il était descendu aussi loin vers le pôle antarctique; puis, suivant la direction de l'équateur, il avait volé de l'Oronte à l'isthme Darien, qui partage l'Océan, et de là aux pays qu'arrosent le Gange et l'Indus. Dans ces différentes courses, il avait attentivement examiné toutes les créatures, et, cherchant la plus capable de seconder ses desseins, il avait reconnu que le serpent était le plus fin des animaux de la terre. Longtemps incertain et irrésolu, il choisit enfin ce reptile comme l'instrument le plus favorable à la perfidie, le plus propre à dérober ses projets sinistres aux plus perçants regards. Il pensa qu'on verrait sans défiance les ruses d'un animal naturellement adroit et rusé; tandis que dans tout autre d'un instinct plus borné, on les eût soupçonnées d'être l'inspiration de quelque esprit pervers. Tel fut son choix; mais, ne pouvant plus renfermer la douleur qui le déchirait, il commença par l'exhaler en ces plaintes : « O terre! ô séjour digne des Dieux! superbe image du ciel, si même tu n'es pas au-dessus, comme un second plan l'emporte sur un premier dont il réforme les défauts, car un ouvrage inférieur serait-il sorti des mains du Dieu qui en avait fait un si beau? Ciel terrestre, autour duquel se meuvent en cadence d'autres cieux éclatants, qui, t'éclairant de leurs brillants flambeaux, et multipliant lumières sur lumières, semblent concentrer en toi seul l'influence sacrée de leurs précieux rayons! Ainsi que dans l'univers, Dieu est le centre d'un cercle dont la circonférence n'est nulle part; ainsi placé au centre de tous ces orbes, tu reçois leur tribut; ce n'est pas en eux-mêmes, c'est en toi que se manifeste leur féconde vertu; c'est sur ton sein qu'elle produit la verdure, les plantes, le genre plus noble des créatures animées; productions distinguées selon leur espèce par les différents attributs de la végétation, du sentiment, de la raison, qui sont tous réunis dans l'Homme. Avec quel plaisir j'aurais parcouru ta surface, si quelque chose pouvait encore me |