Un bois de peu d'arpens : l'indulgence des dieux, Il y a de la facilité, du naturel et de la précision dans ces vers; j'y vois peu de choses à reprendre : je n'en puis désirer davantage n'est pas tout-à-fait la même chose que je ne demande rien de plus on peut trouver une espèce de cheville dans qui daignes me sourire. Il y a un vernis de simplicité et de familiarité dans Horace que le traducteur a remplacé par un ton un peu plus noble. Il me semble qu'il ne s'est pae si heureusement tiré du passage suivant, qui a tant de suavité dans le latin. « O rus! quandò ego te aspiciam? quandòque licebit Nunc veterum libris, nunc somno, et inertibus horis Ducere sollicitæ jucunda oblivia vitæ ? » Il lui a fallu six vers pour rendre les trois vers d'Horace : « O ma chère campagne! ô tranquilles demeures! Quand pourrai-je, au sommeil donnant de douces heures, Ou trouvant dans l'étude un utile plaisir, Parmi ces enchanteurs, charme de mon loisir, Ces vers sont embarrassés de participes, la marche en est pénible donnant de douces heures est fort dur; parmi ces enchanteurs, charme de mon loisir, est recherché les deux derniers vers sont les meilleurs. Un des plus grands ornemens de cette Satire, est la charmante fable du Rat de ville et du Rat des champs, que Lafontaine a imitée avec peu de succès, et qui prouve qu'on peut raconter très agréablement, sans cependant avoir la manière du fabuliste français : << Olim Rusticus urbanum murem mus paupere fertur illi Il est bien difficile sans doute d'atteindre aux finesses d'un pareil récit, et l'extrême perfection d'Horace est un grand motif d'indulgence envers son traducteur : « Jadis Rat des champs, rat de ville étoient deux vieux amis Dans son trou le premier invita son compère: Il offrit à son hôte, avec un zèle extrême, Des restes de vieux lard, du graia, des raisins mêmné, Pour vaincre les dégoûts d'un ami délicat. Ce rat de ville étoit le plus superbe rat. Effleurant chaque mets, sa fierté dédaigneuse paresseuse, Tandis que dans un coin le maître du logis, Lui laissant le meilleur, grignotoit du pain bis ». Avec un zèle extrême, expressions impropres ce rat de ville étoit le plus superbe rat, est un vers détaché qui interrompt le récit, et dont le style n'est pas heureux. Effleurant chaque mets. Il y a dans ces deux vers, qui sont bien faits, de l'élégance et du travail, peut-être un peu trop; ce ton poétique est trop discordant avec lui laissant le meilleur, qui est plat et trivial, ainsi que grignotoit. Le discours du rat de ville a dans le latin des délicatesses que M. Daru a senties, mais qu'il n'a pu transporter dans un idiome rebelle. « Tandem urbanus ad hunc, quid te juvat, inquit, amico Prærupti nemoris patientem vivere dorso? Vis tu homines urbemque feris præponere sylvis? Carpe viam (mihi crede) comes: terrestria quando I Aut magno, aut parvo, lethi fuga. Quo, bone circa Dum licet, in rebus jucundis vive beatus : 3 Voici comment M. Darù a rendu ces vers: « Ciel! dit le citadin, comment est-il possible La ville et les humains ne valent-ils pas mieux Le plaisant de ce discours, dans le latin, consiste dans les sentences morales du rat, qui sont générales. Le traducteur me paroît avoir affloibli la plaisanterie en les appliquant spécialement aux rats : << Les rats petits et grands, etc. » Ce vers, « De son réduit il saute à la légère, n'est pas exact; sauter à la légère ou sauter légèrement ne sont pas la même chose : on dit en français vêtu à la légère, mais non pas sauter à la légère : le copiste est ici bien loin de cette chute dont l'harmonie imitative est si parfaite : Domo levis exilit, qui peint si bien le saut d'un rat, 2 « Pour entrer dans la ville ». Ce tour est un peu louche: on peut trotter à petit bruit sans entrer la nuit dans la ville; il falloit exprimer que l'intention des rats étoit de se glisser dans la ville à la faveur des ténèbres. XIe. année. 6 La description du repas et de la manière dont il fut troublé, offrent les mêmes beautés dans Horace; et dans le traducteur, les mêmes efforts plus ou moins heureux. Ergo ubi purpureâ porrectum in veste locavit Comparons maintenant avec ce tableau délicieux, tracé par le pinceau d'Horace, l'estampe gravée par M. Daru. << Sur un riche tapis l'étranger est placé, Et notre citadin, poliment empressé, Comme un maître d'hôtel, va, vient, sert, se tourmente, Ayant soin de goûter tous les mets qu'il présente. Mollement étendu, le campagnard ravi, Bénit à tout moment son sort et son ami. |