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épithète pauvre et vague; et cette exclamation, que plus on est grand, etc., est bien plate.

Ce séducteur impie

Dont vous-même admiriez la vertu poursuivie.

La vertu poursuivie est une façon de parler obscure et entortillée.

O douleur ! ô regrets! ô vieillesse pesante!
Je n'ai pu retenir cette fougue imprudente,

Cette ardeur d'un héros, ce courage emporté, ete.

Cette fougue, cette ardeur, ce courage. Quel babil, quel abus des mots! Une fougue imprudente n'est pas l'ardeur d'un héros; un jeune homme de seize ans qui s'enfuit de la maison paternelle, n'est pas un héros : ce sont de vaines phrases:

Sunt verba et voces, prætereàque nihil.

Ce vers:

O douleur! ô regrets! ô vieillesse pesante!

est calqué sur celui de Corneille :

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It semble que Voltaire, en composant cet autre vers:

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Il y jouit en paix du ciel qui le condamne,

ait voulu affoiblir plutôt qu'imiter ce vers de Boileau:

Et jouit du ciel même irrité contre lui.

Qui le condamne est un hémistiche qui n'a pas gie.convenable.

Parmi les traits, les feux, le trouble, le pillage,

nous rappelle :

1

Par les saccagemens, le sang et le ravage.

l'éner

Ceux qui vantent sans cesse l'harmonie et la doucear du style de Voltaire, oublient sans doute qu'on trouve très-fréquemment chez lui des vers plats, secs et durs, celui-ci :

tels

que

Il pleure, il ne craint point de marquer un vrai zèle.

Il me reste plusieurs autres observations sur le plan, le caractère et le style, qui feront la matière d'un autre article.

G.

IL

LIII.

Suite du même sujet.

Ly a quatre tragédies de Voltaire qui enlèvent la paille, comme le disoit madame de Sévigné du Bajazet de Racine. De ces quatre sœurs, Mérope passe pour la plus belle : c'est à elle du moins que l'école de Voltaire donne la pomme; je ne vois pas trop à quel titre. On prétend qu'elle a moins d'absurdités et de niaiseries pathétiques que Zaïre; moins de déclamations et de folies gigantesques qu'Alzire ; moins d'horreurs froides et inutiles, moins de petitesse, de charlatanisme et de jonglerie que Mahomet, Voilà certainement des raisons; et je suis assez porté à croire qu'il y a moins à reprendre dans Mérope que dans ses sœurs; ce qui prouve, non qu'elle est la plus belle, mais qu'elle est la moins laide.

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Du reste, le tyran Polyphonte n'est qu'un vain discoureur abondant en sentences et stérile en effets; un politique raisonneur, mais très-peu actif; terrible avec son confident, foible et pusillanime

devant Mérope, surtout devant Égisthe, et qui finit par se laisser tuer dans le temple, le jour de son mariage, de la main d'un enfant désarmé, qui vient prendre la hache jusque sur l'autel nuptial. Cette prouesse inouie d'Égisthe égale tous les miracles de la chevalerie errante. Les bravades continuelles de ce

même Égisthe, qui traite très-cavalièrement Polyphonte, assurent à ce jeune homme un rang parmi les héros gascons, et au tyran de Messène une place distinguée parmi les tuteurs de comédie; car assurément s'il eût bien gardé à la maison son pupille Égisthe, cet étourdi ne seroit pas venu tuer son futur beaupère au milieu de ses gardes, de toute sa cour, de tous ses amis, au moment même où il va recevoir la bénédiction nuptiale; ce qui ne s'est jamais vu et ne se verra jamais. Mérope est une philosophe, une énergumène, une femme injuste, violente, inhumaine, malgré sa philosophie, et surtout assommante par ses lamentations continuelles et monotones.

La pièce a deux parties : dans la première, le péril d'Egisthe est plus vif, plus tragique que dans la seconde, et devroit être tout le contraire. Égisthe," d'abord arrêté comme vagabond et sans aveu, ensuite condamné comme meurtrier, enfin reconnu et livré entre les mains de Polyphonte, nous attache par ses aventures, en proportion du danger auquel il est exposé; mais du moment qu'il est détenu en chartre privée, sous la garde de ses amis, Narbas et Euriclès, on cesse de craindre pour lui, parce qu'on le voit narguer impunément un tyran imbécille, qui se seroit déjà mis l'esprit en repos sur le compte du fils et de la mère, s'il savoit un peu son métier de tyran. Mais, je le répète, ce Polyphonte n'est pas plus fort en politique que Voltaire en tragédies:

tous les deux sont des hommes à grandes et belles phrases, sans intérêt et sans action dramatique. Après la seconde scène du quatrième acte, à mon avis, la plus théâtrale de toutes, la scène languit, et le spectateur s'endort jusqu'au récit d'Isménie, à la sixième scèné du cinquième acte.

:

Ce récit jouit d'une grande réputation, et la mérite à plusieurs égards; il expose bien le fait le fait est étonnant, miraculeux, satisfaisant pour l'assemblée. Le jeu et le talent de l'actrice ajoutent à ce morceau beaucoup de poésie qui n'est pas sur le papier. Les beaux récits de Racine sont plus beaux à la lecture qu'au théâtre; ceux de Voltaire perdent beaucoup à être lus : ils ont besoin du prestige de la scèné. Celá se prouve papiers sur table:

Polyphonte, l'œil fiké et d'un front inhumain,‹
Présentoit à Mérope une odieuse main.

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Présenter une main d'un front inhumain. Il est clair que Polyphonte n'a le front inhumain que pour la rime; car le poète, qui n'en a fait qu'un tartufe, eût bien pu prolonger son hypocrisie jusqu'au jour de ses noces, s'il n'avoit pas été forcé de lui donner, dans cette cérémonie, un front inhumain pour rimer avec main.x

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Dans l'enceinte sacrée, en ce moment s'avance
Un jeune homme, un héros.

C'est dommage que s'avance soit précédé, deux vers plus haut, de s'avançant s'avance est là un mot très-impropre, également amené par la rime. Après avoir présenté la reine

Savançant tristement, treinblante entre unes bras,

il falloit un autre terme pour exprimer la démarche d'Égisthe, qui n'étoit ni triste, ni tremblante,

Il court: c'étoit Égisthe; il s'élance aux autels,

Il monte, il saisit, etc.

Observez toujours cette stérile abondance, ce verbiage intarissable, cette prodigalité de mots; il s'avance : il court, il s'élance, il monte, il saisit.

Je l'ai vu de mes yeux,

Je l'ai vu qui frappoit;

De leur sang confondu j'ai vu couler les flots.

Ce tour est imité du récit de Théramène, qui s'interrompt pour dire :

J'ai

vu,

Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils.

Mais après avoir employé cette figure, Racine n'y revient pas, comme Voltaire, quelques vers après ; car une pareille répétition décelle la pauvreté du style.

Le tyran se relève; il blesse le héros.

Comment ce tyran, qu'Erox a vu nager dans son sang, et que tout le monde croit mort, se relève-t-il avec assez de force pour blesser le héros ; et comment la blessure faite au héros par un homme mourant, est-elle assez grave pour qu'il en coule des flots de sang?

De leur sang confondu j'ai vu couler des flots.

Par où l'on voit que la confidente Isménie a vu beaucoup de choses, mais qu'elle n'a pas beaucoup de

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