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etiam poetæ, nervos omnes virtutis elidunt. Rectè igitur à Platone educuntur ex eâ civitate quam finxit ille, cùm mores optimos et optimum reipublicæ statum exquireret. At vero nos docti scilicet à Græcia, hæc et à pueritia legimus et didicimus hanc eruditionem liberalem, et doctrinam putamus.

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Je crois donc avoir eu raison de dédaigner ces larmes stériles que le plus chétif roman fait couler, cette vaine pitié que produit le plus mauvais drame, surtout quand je vois que des infortunes amoureuses sont presque l'unique objet de cette pitié et de ces larmes. Une funeste expérience a décidé mon mépris pour ces émotions théâtrales. J'ai vu le règne des drames, du pathétique et de la fausse sensibilité immédiatement suivi du règne de la férocité et de la barbarie la plus impitoyable; j'ai vu les plus grands partisans de la terreur et de la pitié théâtrale, les hommes qui avoient le plus pleuré et frémi aux romans tragiques de Voltaire, se montrer les plus cruels ennemis de l'humanité, à cette époque sanglante de la terreur, sans pitié. C'est ce qui m'a autorisé à regarder ces pleurs du théâtre comme un enfantillage, et une passion de femmelette qui n'a aucune influence sur la conduite et les mœurs et peut même s'allier avec l'insensibilité.

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Je ne suis pas surpris qu'une pareille doctrine ait déplu à quelques disciples d'un poète qui faisoit métier de faire pleurer les badauds, et qui ne trouvoit pas Corneille et Racine assez terribles et assez larmoyans. Chacun sait que Voltaire se croyoit aussi propre à exciter la pitié comme acteur que comme auteur, et que, secondé de madame Denis sa nièce, il faisoit fondre en larmes tous les Suisses du voisinage qui ve-voient chez lui à la comédie. Ses sectateurs ont dû

s'élever contre une opinion qui rapprochoit trop le talent de leur patriarche de l'adresse d'un charlatan. Ce qui m'étonne, c'est que des hommes qui ont quelque prétention au bon sens et à l'honnêteté, aient affecté de confondre aussi grossièrement les généreux sentimens de l'humanité, de la bonté et de la clémence, avec ces larmes qu'arrachent aux jeunes gens et aux petites filles des situations romanesques, larmes dont on se moque, et que ceux même qui les répan*dent s'efforcent de cacher. G.

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-PARMI les pièces de Voltaire restées au théâtre,

c'est une des plus foibles de style, et des plus fausses de conception. Par quel renversement de toutes les idées saines, un homme qui avoit autant d'esprit et de goût que Voltaire, s'est-il avisé d'attribuer à un -prince jeune et vaillant, à un preux chevalier français, la bassesse atroce d'un duc de Bretagne., sans foi, sans honneur, et le plus lâche de tous les hommes, lequel voulut faire assassiner traitreusement un héros qu'il tenoit sous la clef ? Voltaire a cru pouvoir transporter cette aventure sur notre scène, sans songer que ce qui convenoit à un Jean duc de Bretagne, -ne pouvoit convenir à Vendôme, et qu'on ne pouvoit attribuer à l'amour le crime d'une politique odieuse et barbare. Supposer qu'un guerrier, représenté comme noble et généreux, foule aux pieds la nature et l'hon

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au point d'assassiner de dessein prémédité son frère, son prisonnier de guerre, qu'il, tient enfermé dans une tour, parce que ce frère est son rival aimé, c'est outrager à-la-fois la nature, le bon sens, le théâtre et l'amour. S'il est vrai que l'amour puisse inspirer à un brave guerrier d'aussi infâmes bassesses; si ce trait de scélératesse ignoble, si ce profond avilissement n'est pas indigne d'un héros amoureux, il est indigne de notre scène ; et l'amour capable d'entraîner à cet excès d'ignominie, est la plus honteuse et la moins théâtrale des passions.

Vendôme, aux yeux de tout spectateur qui a quelque sens, n'est qu'odieux et méprisable, sans aucune nuance d'intérêt.He! qui pourroit plaindre ce lâche et 'vil amant? Il n'ose pas se battre contre son rival ; il trouve plus sûr de le faire assassiner ; et dans sa noble vengeance, il est tellement circonspect et prudent, qu'il envoie un second assassin pour plus grande sûreté, ne se fiant pas assez au premier. Ce qui m'étonne, c'est que des Français puissent supporter un tel héros tragique. Il fut hué avec grande raison quand il parut en 1734, époque où l'on avoit encore le sentiment des convenances; mais trente ans après, une génération nouvelle imbue de principes nouveaux, persuadée qu'une grande passion peut faire excuser et rendre intéressantes les dernières bassessès dans un guerrier qui, plus que tout autre homme, est consacré à la religion de l'honneur ; des spectateurs, en un mot fanatisés par la doctrine de l'auteur qu'ils regardoient comme un prophète envoyé pour réformer l'univers accueillirent cette mauvaise tragédie avec un enthousiasme insensé. Le talent de le Kain fit prodigieusement valoir le personnage de Vendôme; la magie de sa pantomime et de son débit couvrit la bassesse et XI. année.

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l'ignominie de ce misérable, dégradé, déshonoré, réduit au dernier degré de l'infamie. On est d'ailleurs si accoutumé à des atrocités au théâtre, qu'on ne fait pas d'attention à la turpitude et à la bassesse qui caractérisent particulièrement celle-ci. Pour peu qu'on essayât d'y réfléchir, on ne pourroit se défendre d'une juste indignation et d'un profond mépris pour ce prétendu brave, qui se venge d'une manière si généreuse, et qui croit encore, quand le hasard a fait échouer sa trahison, qu'on doit être fort content de lui.

Le parterre eut bien raison de répondre coussi, coussi, lorsqu'il entendit pour la première fois ce malheureux Vendôme demander à Coucy s'il étoit content. Il eût fallut sans doute que toute l'armée lui décernât des actions de grâce de ce qu'il n'avoit pas réussi dans son illustre assassinat, après avoir eu la sage précaution d'envoyer deux assassins. Si son frère vit encore ce n'est pas assurément sa faute: s'il ne massacre pas Adélaïde, au lieu de la céder à son rival, c'est qu'il ne réussiroit peut-être pas mieux à ce second meurtre qu'au premier, et que d'ailleurs, it n'y gagneroit rien: il n'y a donc rien là dont Coucy ni personne doive être si content; la question est ridicule et impertinente dans la bouche d'un homme aussi avili que ce Vendôme. Ne diroit-on pas que parce qu'il a manqué un mauvais coup, il a fait une action héroïque ?

G.

XLIX.

LA MORT DE CESAR.

UN drame en trois actes sans action, sans intérêt,

sans femme, plein de lieux communs sur la liberté, paroissoit moins une tragédie, qu'une amplification de collége peu digne du théâtre : ce fut un des fruits du goût particulier de Voltaire pour la littérature anglaise ; il avoit déjà puisé dans les auteurs de cette nation les traits dont il peignit le premier Brutus et la terrible catastrophe de Zaïre. Après avoir mis sur la scène un père immolant ses fils à sa propre ambition décorée du nom de liberté, il lui restoit à nous offrir pour notre instruction et pour nos plaisirs, le tableau d'un fils qui, sous ce spécieux prétexte, égorge son père. L'auteur cependant, par prudence, garda plusieurs années, dans son porte-feuille, cette esquisse de Shakespear; enfin encouragé par le succès de Mérope, il crut pouvoir hasarder la Mort de César, comme si le triomphe de l'amour maternel eût pu disposer les cœurs au spectacle du plus atroce des parricides. Voltaire avoit enlevé tous les suffrages en prétant son coloris aux sentimens de la nature ; il n'inspira que de l'horreur, lorsque son pinceau noir et sombre entreprit de nous tracer un monstre de barbarie et de férocité : malgré la réputation de l'auteur de Zaïre et de Mérope, le public ne put supporter que sept représentations de cet odieux assassinat, l'opprobre du sénat romain, sur lequel la postérité avoit depuis long-temps prononcé.

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