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copies de ces lettres ; il en aura déposé une chez soir ami Watelet, une autre chez son ami Condorcet, afin que si l'une étoit arrêtée par le gouvernement, l'autre se dérobât à ses recherches; et parce que fidèle à son rôle de Bertrand, il aura sans cesse poussé la patte de Raton, pour qu'elle tirât les marrons du feu qu'il n'osoit tirer lui-même; parce qu'enfin, à la haine des principes conservateurs de la société et de la morale, il aura joint la lâcheté et l'hypocrisie d'un caractère timide et cautuleux, il faudra, par égard pour ces basses précautions, respecter et ses écrits et sa mémoire. Puisque l'apologiste savoit tout cela aussi bien que moi, je lui demande où est sa bonne foi et sa logique. A.

D

XXX.

Mélanges de M. SUARD.

ANS les momens de loisir que me laisse le théâtre, j'ai parcouru les Mélanges publiés par M. Suard, et je ne me suis pas trouvé dépaysé. Les écrivains philosophes sont d'assez bons comédiens ; la plupart des articles du recueil sont des scènes ; quelques-unes même sont plaisantes; on y rencontre des ridicules peints au naturel, car les auteurs s'y peignent eux

mêmes.

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On reproche aux journaux de n'être pas des livres ; voilà un livre fait avec des journaux ; il n'en seroit pas pour cela plus mauvais : un journal bien fait, ne diffère d'un bon ouvrage qu'en ce qu'il offre au public, séparément et l'un après l'autre, les chapitres d'un

hon ouvrage : il y a souvent, dans un seul article de journal, plus d'idées, de vues et de talent, que dans un gros volume dont l'auteur est bien fier.

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Les acteurs des Mélanges de Suard sont d'abord l'abbé Arnaud, son associé et, son ami : les morceaux qu'il a fournis à la collection, sont les moins agréables et les moins utiles : l'abbé Arnaud avoit beaucoup. d'esprit, jouoit bien l'enthousiasme; il s'étoit formé un jargon oriental, dont la bonne compagnie étoit dupe : il est un des premiers qui ait mis à la mode, à Paris, le fanatisme des arts, et pillé Winkelmann. Au fond, il étoit bon philosophe, se moquant de tout, égoïste parfait, et l'un des meilleurs charlatans de la troupe : le matin, il endossoit la soutane pour aller chez M. d'Autun demander un bénéfice; le soir, en habit laïque, il visitoit les petits théâtres du Boulevard, dont il étoit grand amateur. En déraisonnant sur les Grecs, dont il n'avoit qu'une connoissance trèssuperficielle, il se fit recevoir de l'académie des belleslettres son galimatias qu'on prit pour de l'éloquence, lui ouvrit les portes de l'académie française. Personne ne l'a mieux caractérisé que Marmontel; l'abbé Fatras est un trait de pinceau admirable: ce sobriquet est à peu près l'unique fruit que l'abbé Arnaud retira de tous ses combats en faveur de la musique de Gluck : cet homme, qu'on écoutoit avec plaisir, et qui abondoit en saillies charmantes dans un cercle, n'est qu'un fastidieux bavard dans ses articles de littérature, pleins de mots et vides de choses : l'esprit ne peut remplacer l'érudition; on parle toujours mal de ce qu'on ne sait pas.

M. de Vaines, un autre des amis et des coopérateurs de M. Suard, étoit un homme du monde, d'une trempe toute différente de celle de l'abbé Fatras, et plus capable

d'être dupe que d'en faire. Il fut en effet dupe des philosophes, du bel esprit, des préjugés à la mode. On trouve dans ses petits essais, l'esprit d'un homme aimable, d'un homme de société, plutôt que le talent d'un homme de lettres.

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Le troisième personnage marquant c'est M. Malouet, un de ces honnêtes gens égarés par des demi-lumières,' un de ces philosophes étourdis et inconséquens, qui se sont persuadés qu'on pouvoit impunément ébranler les anciennes bases de la monarchie française; peu s'en' est fallu qu'ils ne nous aient tous écrasés sous les ruines, semblables à ces jeunes savans qui mettent le feu à la maison en voulant faire une expérience indiscrète de chimie où de physique. Cet homme paroît encore plein de préjugés. On trouve dans cette collection le détail d'un voyage qu'il a fait à la Guiane, non comme déporté, mais comme envoyé du gouvernement: quelques descriptions annoncent un observateur: il y a des vues administratives qui paroissent assez sensées: le reste est un fatras sur la vie sauvage; l'auteur montre une grande sensibilité pour les singes, une grande haine contre le despotisme, sans savoir précisément ce que c'est. Cependant il semble que les' tyrans populaires n'aient établi leur domination que pour apprendre aux philosophes ce que c'est véritablement que le despotisme, et combien ils avoient eu tort de donner ce nom à un gouvernement dont le premier défaut étoit la foiblesse et l'excessive indulgence.

Que M. Malouet ignore les premiers élémens de la philosophie morale et politique ; qu'il prenne pour du génie les réves d'un cerveau exalté; qu'il soit encore entêté des chimères dont il a fait une si funeste expérience, c'est un malheur pour lui: il faut le plaindre d'avoir la vue si courte, et de n'être pas assez grand

pour convenir qu'il s'est trompé; mais ce qu'on ne peut lui pardonner, c'est de se répandre en injures et en invectives contre ceux qui ne partagent pas ses opinions son crime est d'étaler un zèle fanatique et calomniateur, tout en parlant de tolérance et de bienveillance universelle; contradiction grossière dont les philosophes ne se corrigent jamais, parce que ce sont des sectaires, et non des philosophes...

M. Malouet est bien forcé de convenir que la religion est utile et nécessaire: l'aveu est pénible pour un esprit fort, mais indispensable aujourd'hui: il ajoute ensuite très-étourdiment, et sans nécessité, qu'outrager le culte public, quand il est établi depuis des siècles, le proscrire, insulter à la croyance du peuple, renverser ses autels...... c'est ce qu'on peut appeler la férocite de la dépravation : ce délire sacrilege est le plus grand crime de la revolution: voilà une terrible confession: M. Malouet a besoin de respirer et de se soulager après un și cruel effort; et quelle plus douce consolation pouvoit-il trouver que les éternelles déclamations des philosophes contre le fanatisme et l'intolérance? Il weut qu'on joigne la philosophie à la religion; mais la religion bien étendue, est la seule et véritable philo sophie c'est la raison perfectionnée cette alliance de la philosophie de M. Malouet, avec la religion, loin d'être nécessaire, comme il le prétend, n'est propre qu'à étouffer la religion.

« Je n'aime point, ajoute-t-il, les zélateurs hypocrites qui, sous le prétexte d'attaquer toutes les innovations qui nous ont bouleversés, déclarent aujourd'hui la guerre aux plus grands talens dont le dernier siècle s'honore: on voit dans ces nouveaux missionnaires une arrière-pensée qui me les rend odieux... Ainsi des hommes qui ne croient pas en Dieu prêchent l'Evangile,

et en feroient, s'ils le pouvoient, un instrument de terreur et d'oppression. La cause de Dieu, qui est celle du genre humain, n'a nul besoin de tels défenseurs; et les plus grands ennemis de la saine morale sont ceux qui voudroient étouffer jusqu'au germe de la liberté ».

On a peine à croire qu'un homme qui passoit pour sage dans le temps que la folie étoit à la mode, poussé aujourd'hui le délire philosophique à cet excès d'aigreur et d'animosité : il ne sent pas même le ridicule et l'indécence du personnage qu'il joue, lorsqu'au milieu de ses idées philantropiques et de ses parades d'humanité, il s'interrompt pour accuser ses adversaires d'être des hypocrites qui ne croient pas en Dieu, des ennemis de la morale, des ennemis de la liberté: Robespierre ne traitoit pas autrement ceux qu'il destinoit à la guillotine. Pauvres philosophes, soyez donc enfin d'accord avec vous-mêmes; soyez de bonne foi, et quand vous parlez le langage des fanatiques, quand vous copiez le père Garasse, ne prétendez pas être philosophes!

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Le bon M. Malouet est si échauffé, qu'il ne faut pas être surpris qu'il ait perdu la tête et que sa logique soit en défaut il accuse d'hypocrisie ceux qui déclarent la guerre à Voltaire, oubliant que luimême vient d'accuser Voltaire de la férocité de la dépravation, et d'un crime plus grand que tous ceux qu'on a commis dans la révolution. Ni M. Malouet, ni aucun philosophe ne niera sans doute que Voltaire, pendant toute sa vie, n'a cessé d'outrager le culte public et d'insulter à la croyance du peuple. Je pense que de jolis vers ne peuvent pas excuser ce crime le bouleversement total des mœurs et de la religion ne me paroît pas expié par quelques bonnes

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