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forcé, ni dur; et ses copies ont un air d'originalité qui les confond avec les pièces même que l'auteur a composées d'original. Dans celles-ci, comme dans les autres on désireroit une verve plus soutenue, plus de force, plus de chaleur et de coloris ; et l'on regrette que la simplicité y dégénère quelquefois en langueur, en négligence et en prosaïsme.

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M. de Nivernois ne s'est point borné à transporter dans notre langue quelques morceaux détachés des poètes grecs et latins, il a traduit en ențier le pre- . mier, le second et le quinzième livre des Métamorphoses d'Ovide, l'Essai sur l'Homme, de Pope, le quatrième chant du Paradis perdu, et la Vie d'Agricola, de Tacite. Ces différentes traductions mé paroissent d'une extrême foiblesse en général, l'auteur manie les vers alexandrins beaucoup moins heureusement que le vers de dix ou de huit syllabes; et quoique sa prose, comme l'observe trèsbien le panégyriste, soit supérieure à ses vers, elle n'a ni l'énergie ni l'élévation nécessaire pour rendre la vigueur quelquefois outrée, et la noblesse toujours imposante de Tacite. Cette Vie d'Agricola a été souvent traduite, et jamais avec assez de succès pour décourager ceux qui pourroient à l'avenir vouloir la traduire encore. Quand on ne s' s'exerce que sur une partie d'un auteur, on, est jugé plus sévèrement : celui qui traduit tous les ouvrages d'un écrivain, semble n'avoir eu pour but que de les faire connoître: on lui sait gré du motif d'utilité qui paroît l'avoir animé. Le traducteur qui s'arrête sur quelque morceau particulier, annonce des prétentions d'un autre genre, plus capables d'éveiller la critique, et de provoquer la sévérité: on croit qu'il n'a divisé les forces de son auteur que pour lutter contre lui avec

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plus d'avantage; on compare plus scrupuleusement la copie à l'original, et l'on est plus disposé à remarquer la supériorité de l'un et la foiblesse de l'autre. Ainsi la Vie d'Agricola, formant une partie intégrante de la traduction des Œuvres de Tacite, par M. Dureau, a un avantage très-réel sur les traductions séparées du même morceau, publiées avant ou après; et quoique peut-être elle soit la moins bonne de toutes, elle aura toujours plus de lecteurs, parce qu'elle se trouve liée à un ensemble, à un corps d'ouvrage, où l'on cherche plus la solidité de l'instruction que la satisfaction du goût.

De tels essais, des travaux de cette nature prouvent que M. de Nivernois ne se contentoit pas de cueillir les fleurs du Parnasse; et plusieurs morceaux, en prose, montrent aussi que s'il écrivoit souvent en homme du monde, il étudioit toujours en littérateur : ces morceaux forment une des parties les plus intéressantes de son Recueil. Sa dissertation sur Horace, J. B. Rousseau et Boileau, est fort connue, ét mérite de l'être, quoiqu'on puisse y observer quelques traces des préjugés répandus dans le dixhuitième siècle contre le satirique français. Cette disposition hostile a même porté M. de Nivernois à critiquer des vers de l'Art poétique, dans une autre dissertation, dont l'élégie est le sujet : sa critique n'est ni mieux fondée, ni plus raisonnable que la critique d'un autre passage du même auteur, hasardée par l'abbé de Condillac. L'espace ne me permet pas d'en faire voir la fausseté, qui est d'ailleurs assez évidente. Au reste, ces deux dissertations sont pleines de finesse et de goût. On n'en trouve pas moins dans ses lettres sur l'Usage de l'Esprit, sur l'Etat du Courtisan; dans an Portrait du roi de Prusse, tracé de main de maître;

dans des Dialogues des Morts, qui ressemblent un peu trop à ceux de Fontenelle, par la singularité des idées et le contraste des personnages, mais qui ne leur cèdent point sous le rapport de l'esprit, de la sagacité, de la vivacité piquante. Une dissertation un peu philosophique sur la religion des Chaldéens n'a peut-être été insérée dans ce Recueil, avec le poëme de Richardet contre les moines, que pour servir de passe-port à l'édition, lorsqu'elle parut en 1796. J'ai omis, dans cet extrait, plusieurs des morceaux que contiennent ces dix volumes on peut bien penser que ce ne sont pas les meilleurs. Y.

XXVII.

Mon Séjour auprès de Voltaire, et Lettres inédites que m'écrivit cet homme célèbre jusqu'à la dernière année de sa vie; par CÔME-ALEXANDRE COLLINI, historiographe et secrétaire intime de S. A. S. l'Electeur Bavaro-Palatin, et membre des Académies de Berlin, de Manheim, de l'Institut de Boulogne,etc.

Nous avons déjà un grand nombre de Mémoires

sur la vie de M. de Voltaire: tous ont été lus avec avidité. Quels que fussent l'opinion et les principes des lecteurs, ils ont voulu connoître les détails de la vie dun homme qui eut un si grand ascendant sur ses contemporains. On a observé avec raison qu'une Vie bien faite de M. de Voltaire seroit la meilleure histoire des erreurs du dix-huitième siècle : cet ouvrage est encore à faire. Quand on l'entreprendra, les matériaux ne manqueront pas. Une multitude innombrable de lettres, des Mémoires écrits sur tous les

tons, les relations qui paroîtront encore (car peu de personnes ont fait le voyage de Ferney sans écrire leur journal); enfin, des renseignemens de toute espèce aideront l'écrivain qui se chargera de ́ce travail,

L'ouvrage que nous annonçons n'ajoutera presque rien aux connoissances que nous avons déjà sur cet objet. M, Collini a été le secrétaire de M. de Voltaire; il lui a dû sa fortune la reconnoissance l'a néces→ sairement empêché de dire la vérité toute entière, et la probité s'est opposée à ce qu'il révélât des secrets qu'il devoit à une confiance intime. Il est vrai qu'à la fin du dix-huitième siècle, on vit paroître des Mémoires où l'on abusoit des confidences de l'amitié, où l'on déshonoroit les femmes, où l'on flétrissoit les maisons dans lesquelles on avoit été admis, où enfin l'on couvroit de ridicule, et l'on déchiroit ses bienfaiteurs; mais M. Collini, loin de pratiquer ces affreux principes, auxquels tant de Mémoires particuliers ont dû leurs succès, n'a cherché qu'à faire valoir son héros il l'a toujours présenté sous l'aspect le plus favorable; et s'il n'est point parvenu à le justifier sur plusieurs points, c'est que la chose étoit impossible. Nous aurons lieu de remarquer la foiblesse de ses efforts dans cette partie de son

ouvrage.

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Quoique la relation de M. Collini ne fournisse que des détails peu importans sur la vie de M. de Voltaire, elle ne manque cependant pas d'intérêt. L'auteur raconte l'histoire de sa jeunesse. Avant d'être placé chez M. de Voltaire, il fit un assez long séjour à Berlin: la manière dont il se produisit est curieus e à remarquer; elle peut fournir quelques traits caractéristiques des mœurs du siècle, et donner une idée

assez juste du traitement qu'éprouvoient à la cour de Prusse les gens de lettres et les artistes.

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M. Collini, appartenant à une famille honnête de Florence, avoit été destiné au barreau par ses parens. Ses goûts ne s'accordoient pas avec cette destination: il étoit passionné pour la littérature. Après avoir achevé ses études à l'Université de Pise, il étoit sur le point de prendre le degré de docteur, lorsque son père mourut. Cette perte, en lui causant beaucoup de chagrin, ne fit qu'augmenter son dégoût pour un état qu'on avoit voulu lui faire embrasser malgré lui. Il saisit la première occasion d'y renoncer. Un de ses amis fort riche alloit faire un voyage en Suisse il proposa à M. Collini de l'accompagner. Ce dernier, sans prévenir ses parens, accepta cette offre, et partit avec le dessein de ne plus paroître dans son pays, où il auroit fallû exercer l'état d'avocat.

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Le jeune fugitif s'arrêta à Coire, pour réfléchir au parti qu'il prendroit. Forcé de vivre avec économie, il quitta une bonne auberge dans laquelle il s'étoit d'abord logé, pour se réfugier dans un galetas, où il fut consolé par la société d'une femme qui venoit plaider en séparation. Quoiqu'elle parlât une autre langue que M. Collini, ils s'entendirent bientôt. On verra par la suite que l'auteur avoit beaucoup de penchant pour les jeunes femmes séparées de leurs maris. Cependant, la société de cette damne, quoique très-agréable, ne calmoit pas l'inquiétude de M. Collini, qui, comme presque tous ses compatriotes, avoit un esprit d'ordre et de prévoyance qui ne l'abandonnoit jamais.

La cour de Prusse étoit regardée alors comme l'asile des lettres: ceux qui les cultivoient y faisoient

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