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confondues dans cette multitude d'écrits de tout genre, parmi lesquels le public ne distinguoit rien, ou ne distinguoit que ceux qui flattoient plus ou moins les idées, les espérances et les affections du moment; mais elles méritoient de survivre à toutes ces productions auxquelles une fermentation passagère avoit donné l'existence, et qui ont disparu avec elle : elles ne craignent point l'oeil de la critique qui, sans doute y remarquera des parties foibles ou médiocres, ou même absolument indignes de la réputation de l'auteur, mais qui saura rendre justice en même temps aux excellens morceaux qu'elles contiennent, et trouvera plus à louer, dans ce Recueil, qu'à blâmer. C'est déjà faire un grand éloge d'une Collection si volumineuse, sur laquelle je me propose de revenir, dans un autre article, après avoir examiné les deux tomes posthumes dont on vient de la grossir encore.

Ces deux tomes renferment des poésies, des discours et mémoires académiques, des lettres familières, et un théâtre de société : le tout mêlé de beaucoup de remarques de M. François (de Neufchâteau), et précédé de l'Eloge un peu long que l'éditeur a prononcé à l'Institut, et d'une épître dédicatoire en vers, adressée à madame de Mancini-Brissac, fille de M. de Nivernois. Si l'on peut reprocher à l'éditeur de n'avoir pas assez ménagé les moyens oratoires dans un Eloge qui ne devoit être qu'historique, et d'y avoir trop prodigué les ornemens pompeux du haut style, on peut aussi observer qu'il semble avoir voulu balancer ce qu'il y a de trop sublime dans son discours, par l'extrême familiarité du style de son épître : cette simplicité va peut-être même plus loin que le genre ne le permet; car lorsqu'on écrit une épître en vers, il 'est permis d'être prosaïque que jusqu'à un certain

point, et la strophe suivante me paroît passer les

bornes :

Il chérissoit l'Académie;

Durant un demi-siècle il en fut l'ornement:
L'Académie aussi veut à cette ombre amie

S'attacher éternellement.

Ainsi, M. François (de Neufchâteau) auroit bien fait de transporter dans son épître quelque chose du style de son discours, et dans son discours un peu de la simplicité de son épître.

Ce seroit faire injure au talent poétique de M. de Nivernois, que d'en juger par les vers recueillis dans ces deux volumes; vers extrêmement foibles, généralement dénués de coloris, d'élégance et de grâce, et même le plus souvent dépourvus d'esprit. Il est aisé de s'apercevoir que l'auteur les composa dans un âge où il n'a été donné qu'à quelques hommes privilégiés de conserver le talent de la poésie : on ne peut pas d'ailleurs l'accuser d'avoir voulu produire en public ces débiles enfans de sa vieillesse. Il n'eut point le tort de quelques auteurs actuels, qui, après avoir brillé dans le premier âge, veulent encore attirer les regards par les foibles et mourantes lueurs d'un talent qui expire, et qui vaincus du temps, comme disoit Malherbe, ne cèdent point de bonne grâce à ses outrages, et s'efforcent de lutter contre cette puissance à qui rien ne peut résister : sa Muse judicieuse et modeste ne partagea point la folie et le ridicule de ces Muses surannées et décrépites, qui `viennent offrir aux dédains des lecteurs et aux railleries de la critique leurs appas flétris et décolorés. Il comprit qu'il est un moment où les poètes qui n'ont point perdu l'habitude de faire des vers, doivent

perdre la prétention de les publier : aussi désapprouveroit-il sûrement son éditeur, s'il pouvoit voir ces deux volumes, où l'on a rassemblé tant de pièces fruit d'une verve défaillante, qui devoient rester ensevelies dans le porte-feuille de l'auteur.

Lorsque M. de Nivernois donna le Recueil de ses ouvrages, il regretta de ne pouvoir y faire entrer ses discours à l'Académie française, qu'il avoit présidée très-souvent; et nous comprenons à peine aujourd'hui qu'il ait existé une époque si voisine, où l'on n'auroit pu, sans danger, publier des discours pro→ noncés à l'Académie française la France croyoit pourtant alors avoir un gouvernement; mais le sort de cette constitution et de cette administration éphé→ mères, a suffisamment prouvé qu'elles n'étoient qu'un vain nom. M. de Nivernois fut donc obligé de laisser dans son porte-feuille des discours qui, malgré l'innocence essentielle du genre, auroient pu attirer la foudre sur l'édition, le libraire et l'auteur, et qui, toutefois, forment un de ses titres littéraires les plus brillans. Je suis de l'avis de l'éditeur: je pense, comme lui, qu'en général la prose de M. de Nivernois est supérieure à ses vers; et je ne doute pas qu'en particulier ses discours ne doivent être regardés comme des morceaux très-distingués de style académique; la diction en est pure, noble, harmonieuse; les convenances y sont observées avec une exquise délicatesse; et, quelquefois, lorsque le sujet ou la circonstance le demandent, l'orateur s'élève jusqu'au ton de la grande éloquence, et s'y soutient avec beaucoup de succès. C'est là ce qui montre qu'il étoit véritablement un homme de lettres, et non pas seulement un amateur, comme son rang, son état, et le genre même de poésie dans lequel il s'est le plus exercé,

portoient naturellement à le croire : il avoit en effet cultivé ses dispositions naturelles par un travail constant et des études sérieuses, et il n'étoit pas moins bien placé à l'Académie des Inscriptions, dont il étoit membre, qu'à l'Académie française. Un Mémoire qui fait partie de ce nouveau Recueil, et qui a pour objet la politique de Clovis, honoreroit les écrivains même le plus versés dans les antiquités de notre histoire; et plusieurs morceaux qui se trouvent dans les huit volumes publiés précédemment, font voir qu'il n'étoit étranger à aucune des parties de l'érudition historique. Peu de grands seigneurs ont eu les mêmes titres pour jouir des honneurs académiques, et se couronner des palmes littéraires.

Dans le reste du Recueil, il n'est plus question de l'homme de lettres : on n'y voit que l'ambassadeur. Cette partie de l'ouvrage fournira la matière d'un article particulier. Y.

X X V.

Suite du même sujet.

C'est le défaut général de tous les éditeurs de chercher

EST

à multiplier le nombre des volumes, en recueillant toutes les rognures et tous les chiffons d'un auteur. M. François (de Neufchâteau) ne s'est pas tenu assez en garde contre ce penchant. On peut aussi présumer qu'il s'est plu à étendre encore, par l'adjonction de pièces inédites et posthumes, un éloge déjà trop long. Le titre même du Recueil semble justifier cette idée, puisque ces Œuvres posthumes sont publiées à la suite

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de l'Eloge, et comme devant en conséquence servir de commentaire au panégyrique; mais l'éditeur paroît craindre encore de n'avoir pas fourni assez de pièces 'à l'appui des louanges qu'il donne à M. de Nivernois et l'on voit qu'il regrette de n'avoir pu donner au moins sept ou huit volumes au lieu de deux simples in-octavo. C'est avec une sorte d'emphase qu'il parle des papiers que M. de Nivernois jeta au feu, lorsqu'il craignit d'être arrêté : « D'immenses porte - feuilles contenoient, dit-il, les travaux de ses ambassades, et ses essais nombreux dans toutes les parties de la littérature............. Plusieurs de ses ouvrages avoient été compris dans ce sacrifice cruel à Vulcain et à la Prudence, » ajoute poétiquement l'éditeur, qui auroit tout aussi bien fait de consommer le sacrifice, et de livrer à Vulcain, puisqu'il met Vulcain dans cette affaire, les deux tomes qu'il vient de publier.

J'ai cru devoir distinguer du fatras qu'ils présentent les discours académiques, et une jolie pièce de vers : le surplus peut être regardé comme non-avenu. La correspondance dont il me reste à parler, est trèspropre sans doute à confirmer l'idée avantageuse que l'on avoit déjà du caractère, des mœurs et des vertus de M. le duc de Nivernois; mais elle n'offre, d'ailleurs, que fort peu d'intérêt : elle est écrite d'un style naturel, mais foible, sans éclat, sans vivacité, sans aucune des grâces qui appartiennent au genre; et quoiqu'elle se rattache à des époques et à des circonstances importantes, elle n'y répand presqu'aucune lumière, et il ne résulte de tant de lettres, qu'une instruction très-médiocre sur le fond des choses; mais en revanche, on s'instruit parfaitement, en les lisant, de l'état de la santé de M. le duc de Nivernois, et de tout ce qui peut concerner, Ou la cuisine ou

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