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en cela, c'est que ces maîtres d'école si tendres sont,
pour la plupart, des célibataires qui ne sont par con-
séquent amoureux que des enfans d'autrui: cela doit
faire douter de la sincérité de cet amour, lequel
un peu
n'est autre chose, au fond, qu'une grande manie
d'écrire. Cette fureur de l'éducation date évidemment
du fameux livre d'Emile, qui a eu un si grand succès,
et qui a si mal tenu ce qu'il sembloit promettre en
faveur de toute une génération naissante. Il a prouvé,
trop clairement sans doute, que les hommes recher-
chent bien moins, dans un livre, l'utile que l'agréable,
et se laissent toujours séduire par ses formes, sans ré
fléchir au fond des choses. Il n'y a aujourd'hui qu'une
voix sur l'extravagance d'un système d'éducation fondé
sur une nature purement idéale. Mais il y a un avan,
tage si évident en littérature à dire éloquemment des
folies, qu'il n'y a pas à balancer pour le littérateur
qui veut percer bien vîte, entre ce parti et celui de
dire tout bonnement des choses utiles. Il est bien
avéré que le citoyen de Genève n'auroit pas également
réussi à nous proposer une éducation raisonnable et
d'une exécution possible. Rien n'est plus encourageant
que cet exemple, sans doute, pour ceux qui veulent
absolument se faire maîtres d'écoles et précepteurs de
nos enfans; aussi s'en présente-t-il un nombre in-
croyable qui, malgré qu'ils aient été assez mal élevés
eux-mêmes, n'en savent pas moins tout ce qu'il faut
faire bien élever les autres. Tous ne sont pas
pour
éloquens, à la vérité, comuie l'auteur d'Emile, et du
moins il n'y a pas à craindre leurs erreurs se
que
propagent par la voie du style. Nous avons heureu→
sement affaire, le plus souvent, à des écrivains qui ne
sont pas coupables de ce côté-là, et dont nous sommes
tous les jours dans le cas de voir et de proclamer

C

l'innocence. L'empire et l'influence d'un beau style doivent paroître une chose bien singulière, quand on songe que le philosophe genevois a pu réussir à faire un nombre immense de prosélites et d'enthousiastes, en insultant, à presque toutes les classes d'hommes, avec un mépris, une audace, quelquefois une brutalité sans exemple. Il a beau dire à tous les rois qu'ils sont d'odieux tyrans; aux princes, que la naissance est un préjugé ridicule et funeste; aux prêtres, qu'ils sont d'indignes hypocrites qui avilissent le cœur de l'enfance avec leurs exhortations; aux gens en place, qu'ils sont des fripons ou des imbécilles; aux bourgeois, qu'ils ne sont rien du tout; aux laquais même, qu'ils sont les derniers des hommes après leurs maîtres; à toute l'Europe enfin, qu'elle est peuplée d'hommes qui ressemblent à des bêtes féroces; toute l'Europe sembloit répondre à tout cela comme le valet de la comédie: Monsieur a toujours le petit mot pour rire. Toute l'Europe étoit dans l'enchantement, moins quelques hommes bien clairs-semés, honteux d'avoir raison, et livrés pour cela à la dérision publique. Où étoit la cause principale de cet enchantement? Uniquement en ce que les injures du philosophe tomboient, avec une grâce charmante, à la fin des périodes les plus coulantes et les mieux arrondies; en ce qu'elles étoient toujours bien exprimées, sans embarras, sans amphibologie, et avec une telle clarté, qu'il n'y avoit pas moyen de les prendre jamais pour des complimens; en ce que jamais, jusqu'alors, le genre humain n'avoit été outragé avec une telle force de raisonnement, avec une dialectique plus serrée et plus entraînante. Le moyen, en effet, avec de tels prestiges, de ne pas aller au cœur des bêtes les plus féroces..... Il faut convenir que celles dont il s'agit, tout en montrant un fort bon

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goût pour les belles phrases et le beau langage, donnoient cependant, en cette occasion, des preuves de quelque bonté. La férocité n'est pas ordinairement aussi endurante.

Mais à quelle époque éclatoient tant d'injurieuses déclamations contre les systèmes reçus de l'éducation publique et particulière? Etoit-ce à l'issue d'un siècle barbare, sans génie, sans goût, sans politesse, etc.? Etoit-ce à une époque où on avoit perdu toutes les traces des bons principes, toutes les ressources classiques nécessaires pour former des hommes à la vertu, aux bonnes mœurs, aux sciences et aux beaux arts? Point du tout; c'étoit à l'issue du beau siècle de Louis XIV, siècle qui vivra dans la mémoire des hommes tant que le Ciel laissera subsister en eux l'amour de tout ce qui est bien, de tout ce qui a le caractère du vrai beau et de la véritable grandeur; c'étoit à l'issue d'un siècle célèbre par l'apparition d'une race d'hommes remarquables par leur belle stature comme par leurs beaux génies : toutes choses qui étoient bien loin, sans doute, d'annoncer une race abátardie et dégénérée entre les mains de l'homme. Il est vrai que la lumière de ce grand siècle commençoit à pâlir sous un règne nouveau, temps où écrivoit notre réformateur; mais qu'y avoit-il alors de mieux à faire que de raviver cette lumière, que d'opposer à la dégénération naissante des exemples encore récens, tirés d'une des plus belles époques de la civilisation humaine; que de rétablir dans toute leur pureté les principes de cette éducation forte et austère qui avoit opéré de si grands prodiges, et qui n'avoit laissé aucune carrière vide de ces hommes supérieurs qui font l'honneur et l'orgueil des nations? N'étoit-ce pas le comble de l'audace et de l'impertinence, que de dire

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quand on avoit les écrits des Rollin, des Fénélon, des Jouvency, de tant d'hommes habiles à connoître l'enfance et à la diriger, que de dire « que l'éducation » étoit encore un sujet tout neuf, que l'art de former » des hommes étoit oublié, qu'on ne connoissoit point » l'enfance, qu'on s'étoit toujours égaré de plus en plus » en l'étudiant; que pour bien faire, il falloit faire tout » le contraire de ce qu'on avoit fait jusqu'alors, etc. ». Et qu'avoit fait le nouveau maître pour devenir si expert en éducation, si clair-voyant dans les inclinations de l'enfance? Sa tendresse pour elle lui avoit-elle donné des lumières surnaturelles? Avoit-il fait sur ses enfans et les enfans d'autrui d'heureuses expériences? Du reste, au moment où il écrivoit, la société étoit-elle assez avilie, assez malheureuse, pour qu'il y eût besoin d'y introduire de petits ours, qui, malgré leurs talens en menuiserie, n'auroient pu être bons qu'à eux-mêmes, et qui, avec leur instinct naturel, se trouvant toujours en opposition avec l'homme civilisé, ne pouvoient qu'entraîner la dislocation de la société?........... Mais qu'importoit cette dislocation, pourvu qu'on eût un beau livre? Qu'importoit le sort, des générations, pourvu que les amateurs de périodes fussent contens?... Heureusement les bons livres clas siques reprennent enfin le rang qui leur est dû. On peut admirer un moment l'éloquence insolente et les brillans paradoxes d'Emile; mais on donne toute son estime, toute sa confiance au Traité des Etudes du savant, du sage et modeste Rollin; on reconnoît, par exemple, un véritable ami de l'enfance dans l'homme qui s'exprime, ainsi qu'il suit, d'une manière si tòu→ chante et si religieuse, dans l'Avant - Propos de ce même ouvrage :

Il ne me reste, dit-il, que de prier Dieu, dans

la main de qui nous sommes, nous et nos discours, de vouloir bénir mes bonnes intentions, et de rendre cet ouvrage utile à la jeunesse, dont l'instruction m'est toujours chère, et me paroît faire encore partie de ma vocation et de mon devoir dans le tranquille loisir que la Providence m'a procuré ».

Voilà de ces phrases qui, selon nous, reposent l'esprit de l'homme de bien, si long-temps troublé par des rêveries inquiètes et turbulentes, par la folle sagesse et la cruelle humanité de quelques écrivains, si habiles dans l'art de bien dire, si experts dans le mécanisme des mots au préjudice des choses, et voulant, à tout prix, être des prodiges dans l'art de discourir, au risque d'être des monstres en morale, en politique, etc. B.....x

IV.

Mémorial de Théodore, avec cette épigraphe :

L'instruction fait tout : c'est la source féconde
De l'ordre, du repos, et du bonheur du monde.

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CE Mémorial est l'ouvrage d'un écrivain qui, depuis long-temps, consacre ses travaux à l'instruction de la jeunesse. M. Edmond Cordier a déjà signalé son zèle l'éducation pour par un Recueil intitulé, l'Abeille française. On peut diviser en plusieurs classes ceux qui composent aujourd'hui des livres pour l'enfance les uns sont tout simplement des charlatans qui veulent tromper le public, et qui spéculent sur la tendresse, ou plutôt sur les foiblesses des parens; les XI. année,

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