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ne laisse pas de s'élever dans le monde par ce chemin.

A. Les peintures morales n'ont point d'autorité pour convertir, quand elles ne sont soutenues ni de principes, ni de bons exemples. Qui voyezvous convertir par là? On s'accoutume à entendre cette description; ce n'est qu'une belle image qui passe devant les yeux; on écoute ces discours comme on liroit une satire; on regarde celui qui parle comme un homme qui joue bien une espèce de comédie; on croit bien plus ce qu'il fait que ce qu'il dit. Il est intéressé, ambitieux, vain attaché à une vie molle; il ne quitte aucune des choses qu'il dit qu'il faut quitter; on le laisse dire pour la cérémonie, mais on croit, on fait comme lui. Ce qu'il y a de pis, est qu'on s'accoutume par là à croire que cette sorte de gens ne parle pas de bonne foi; cela décrie leur ministère; et quand d'autres parlent après eux avec un zèle sincère, on ne peut se persuader que cela soit

vrai.

B. J'avoue que vos principes se suivent et qu'ils persuadent, quand on les examine attentivement; mais n'est-ce point par pur zèle de piété chrétienne que vous dites toutes ces choses.

A. Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour penser tout cela; il faut être chrétien pour le pratiquer bien, car la grace seule peut réprimer

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l'amour-propre; mais il ne faut être que raisonnable pour reconnoître ces vérités là. Tantôt je vous citois Socrate et Platon; vous n'avez pas voulu déférer à leur autorité; maintenant que la raison commence à vous persuader et que vous n'avez plus besoin d'autorités, que direzvous si je vous montre que ce raisonnement est le leur ?

B. Le leur? Est-il possible? J'en serai fort aise.

A. Platon fait parler Socrate avec un orateur nommé Gorgias, et avec un disciple de Gorgias, nommé Calliclès. Ce Gorgias étoit un homme très célèbre; Isocrate, dont nous avons tant parlé, fut son disciple. Ce Gorgias fut le premier, dit Cicéron, qui se vanta de parler éloquemment de tout; dans la suite, les rhéteurs grecs imitoient cette vanité. Revenons au dialogue de Gorgias et de Calliclès. Ces deux hommes discouroient élégamment sur toutes choses, selon la méthode du premier; c'étoient de ces beaux esprits qui brillent dans les conversations, et qui n'ont d'autre emploi que celui de bien parler; mais il paroît qu'ils manquoient de ce que Socrate cherchoit dans les hommes, c'est-à-dire des vrais principes de la morale et des règles d'un raisonnement exact et sérieux. Après que l'auteur a bien fait sentir le ridicule de leur caractère d'esprit, il vous dépeint Socrate qui, semblant se jouer, réduit plaisam

ment les deux orateurs à ne pouvoir dire ce que c'est que l'éloquence. Ensuite Socrate montre que la rhétorique, c'est-à-dire l'art de ces orateurs là, n'est pas un art véritable. Il appelle l'art une discipline réglée qui apprend aux hommes à faire quelque chose qui soit utile à les rendre meilleurs qu'ils ne sont; par là il montre qu'il n'appelle arts que les arts libéraux; et que ces arts dégénèrent toutes les fois qu'on les rapporte à une autre fin qu'à former les hommes à la vertu. Il prouve que les rhéteurs n'ont point ce but là; il fait voir même que Thémistocle et Périclès ne l'ont point eu, et par conséquent n'ont point été de vrais orateurs. Il dit que ces hommes célèbres n'ont songé qu'à persuader aux Athéniens de faire des ports, des murailles, et de remporter des victoires. Ils n'ont, dit-il, rendu leurs citoyens que riches, puissants, belliqueux; et ils en ont été ensuite maltraités; en cela ils n'ont eu que ce qu'ils méritoient. S'ils les avoient rendus bons par leur éloquence, leur récompense eût été certaine. Qui fait les hommes bons et vertueux est sûr, après son travail, de ne point trouver des ingrats, puisque la vertu et l'ingratitude sont incompatibles. Il ne faut point vous rapporter tout ce qu'il dit sur l'inutilité de cette rhétorique, parce que tout ce que je vous en ai dit comme de moi-même, est tiré de lui; il vaut mieux vous ra

conter ce qu'il dit sur les maux que ces vains rhéteurs causent dans une république.

B. Je comprends bien que ces rhéteurs étoient à craindre dans les républiques de la Grèce, où ils pouvoient séduire le peuple et s'emparer de la tyrannie.

A. En effet, c'est principalement de cet inconvénient que parle Socrate; mais les principes qu'il donne en cette occasion s'étendent plus loin. Au reste, quand nous parlons ici, vous et moi, d'une république à policer, il s'agit non-seulement des états où le peuple gouverne, mais encore de tout état, soit populaire, soit gouverné par plusieurs chefs, soit monarchique; ainsi je ne touche pas à la forme du gouvernement en tous pays les règles de Socrate sont d'usage.

B. Expliquez-les donc, s'il vous plaît.

A. Il dit que l'homme étant composé de corps et d'esprit, il faut cultiver l'un et l'autre. Il y a deux arts pour l'esprit, et deux arts pour le corps. Les deux de l'esprit sont la science des lois et la jurisprudence. Par la science des lois il comprend tous les principes de philosophie pour régler les sentiments et les mœurs des particuliers et de toute la république. La jurisprudence est le remède dont on doit se servir pour réprimer la mauvaise foi et l'injustice des citoyens; c'est par elle qu'on juge les procès et qu'on punit les

crimes. Ainsi la science des lois doit servir à prévenir le mal, et la jurisprudence à le corriger. Il y a deux arts semblables pour les corps; la gymnastique, qui les exerce, qui les rend sains, proportionnés, agiles, vigoureux, pleins de force et de bonne grace (vous savez, monsieur, que les anciens se servoient merveilleusement de cet art

que nous avons perdu); puis la médecine qui guérit, les corps. lorsqu'ils ont perdu la santé. La gymnastique est pour le corps ce que la science des lois est pour l'ame; elle forme, elle perfectionne. La médecine est aussi pour le corps ce que la jurisprudence est pour l'ame; elle corrige, elle guérit. Mais cette institution si pure s'est altérée, dit Socrate. A la place de la science des lois, on a mis la vaine subtilité des sophistes, faux philosophes qui abusent du raisonnement, et qui, manquant des vrais principes pour le bien public, tendent à leurs fins particulières. A la jurisprudence, dit-il encore, a succédé le faste des rhéteurs, gens qui ont voulu plaire et éblouir : au lieu de la jurisprudence qui devoit être la médecine de l'ame, et dont il ne falloit se servir que pour guérir les passions des hommes, on voit de faux orateurs qui n'ont songé qu'à leur réputation. A la gymnastique, ajoute encore Sócrate, on a fait succéder l'art de farder les corps, et de leur donner une fausse et trompeuse beauté ;

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